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Le jeune Émile, 2 ans et demi, disparu le 8 juillet dans le village du Haut-Vernet (Alpes-de-Haute-Provence)

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Émile: qui est responsable de la mort du petit garçon? Le mystère reste entier au Haut-Vernet

Les ossements d'Émile, disparu depuis le 8 juillet 2023, ont été découverts ce samedi 30 mars, relançant ainsi une enquête qui n'avait jusque-là fait qu'éveiller les soupçons dans le hameau du Haut-Vernet.

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Sa mort reste inexpliquée. Près de neuf mois après la disparition d'Émile, des ossements appartenant à ce petit garçon de deux ans et demi ont été retrouvés samedi 30 mars, à proximité du hameau du Haut-Vernet, là où il avait été vu pour la dernière fois, un après-midi d'été.

Ses grands-parents avaient appelé les secours le 8 juillet 2023 après l'avoir perdu de vue alors qu'il jouait dans leur jardin. Malgré un important dispositif de recherche et la mobilisation de 800 bénévoles pour des battues, Émile n'avait pas été retrouvé.

Ces neuf derniers mois, le petit hameau du Haut-Vernet et ses 130 habitants ont été plongés dans une atmosphère plus que particulière, où la stupeur de la perte d'un enfant a vite laissé place à la suspicion et aux tensions.

Un esprit de place de village

Le jour de sa disparition, deux témoins ont pourtant aperçu Émile, peu avant que ses grands-parents sonnent l'alerte. Pourquoi n'ont-ils pas agi? Le hameau ne compte qu'une quinzaine d'habitations. Un esprit de place de village y règne. Il n'est pas rare que les enfants jouent ensemble dans la rue de ce cul-de-sac où toute menace extérieure aurait été immédiatement signalée.

La carte du Haut-Vernet dans les Alpes-de-Haute-Provence où les ossements du petit Émile ont été retrouvés le samedi 30 mars 2024
La carte du Haut-Vernet dans les Alpes-de-Haute-Provence où les ossements du petit Émile ont été retrouvés le samedi 30 mars 2024 © BFMTV

L'un des témoins affirme qu'Émile est remonté vers le cœur du village où se trouve une cabane que le petit garçon a construite avec ses oncles et tantes. "Ce jour-là, j'ai vu le petit descendre vers le lavoir", racontait à BFM DICI un autre témoin en septembre 2023. Des récits qui sont donc contradictoires.

Une chose est certaine: le garçon a été aperçu, avec un haut jaune, un short blanc et des chaussures de randonnée dans l'unique rue de ce bourg, peu après 17 heures, le 8 juillet 2023. Selon le second témoin, il n'y avait pas de quoi s'inquiéter puisque "le grand-père coupait du bois à une dizaine de mètres de l’enfant".

Une cabane installée au Vernet (Alpes-de-Haute-Provence) fascinait le petit Emile, disparu le 8 juillet 2023.
Une cabane installée au Vernet (Alpes-de-Haute-Provence) fascinait le petit Emile, disparu le 8 juillet 2023. © BFMTV

"On a dénoncé beaucoup de gens"

Malgré une battue organisée le soir même et des recherches tout le week-end, le garçon n'est pas retrouvé. Toutes les hypothèses sont alors envisagées par les enquêteurs: le rôdeur délinquant sexuel, l'accident de voiture ou de tracteurs...

Dans une région montagneuse, la piste de l'enlèvement par un oiseau fait aussi surface, mais elle est vite écartée, car les aigles royaux, par exemple, ne peuvent pas soulever le poids d'un enfant de cet âge.

Les regards se tournent donc rapidement vers le village. Dans les jours qui suivent la disparition d'Émile, les gendarmes procèdent aux auditions des habitants. Certains sont entendus plusieurs fois. Les emplois du temps sont vérifiés, recoupés et l'atmosphère se tend.

"Il y a beaucoup de gens qui, on ne sait pas pourquoi, ont raconté des choses alors qu'il n'y avait rien à raconter. Il ne faut pas accuser le voisin. On a dénoncé beaucoup de gens, on se croirait pendant la guerre", témoignait auprès de BFM DICI Gilles, un habitant du village.

La famille d'Émile au cœur des soupçons

Dans ce Cluedo grandeur nature, le silence de la famille d'Émile interroge. Les parents du petit garçon ne sont pas au Vernet le 8 juillet: ils sont restés à la Bouilladisse, près de Marseille.

Ce n'est que deux jours plus tard que sa mère s'exprime sur Facebook. Elle ne relaie pas l'appel à témoins, mais publie un appel à la prière. Catholiques très croyants, les parents d'Émile ne communiquent pas auprès de la presse et deviennent l'objet de toute sorte de rumeurs. Certains les considèrent même comme suspects.

Il faudra attendre fin août pour que le père et la mère d'Émile répondent dans un entretien accordé à nos confrères de Famille Chrétienne. "Certains prétendent que nous allons à la messe plusieurs fois par jour, d'autres que nous sommes allés tranquillement à l'église prier pendant les battues, cela dans le but de nous faire passer pour des illuminés qui comptent uniquement sur la prière en négligeant l’action. Or, nous nous sommes donnés à fond sur les deux fronts en fonction de nos forces", affirment-ils.

Ils dénoncent notamment dans ce long entretien les "contrevérités" entourant l'enquête et la publication "de détails faux (...) et qui nous blessent".

Ces derniers jours, le nom du grand-père d'Émile, qui avait la garde de l'enfant ce jour-là, est également sorti dans la presse, parce que cité dans une affaire de violences au sein d'une communauté religieuse pour enfants dans les années 1990. La famille et leurs voisins ont également subi un incendie criminel en 2019. Plusieurs départs de feu avaient été découverts dans les ruines de propriétés des arrière-grands-parents de l'enfant. Émile aurait-il été la victime collatérale d'un règlement de comptes?

Aucune garde à vue

Le 21 août, l'enquête est élargie aux faits criminels "d'enlèvement" et "séquestration". Ce changement de cadre juridique, décidé en juillet par le parquet d'Aix-en-Provence, n'est pas dû à une avancée de l'enquête, mais permet de procéder notamment à des mesures de garde à vue et d'éventuels déferrements, ce qui n'était pas possible dans le cadre initial.

Sauf que depuis le début de l'enquête, aucune garde à vue n'a été réalisée. La maison d'un jeune homme de 16 ans, située dans le hameau du Roussimal à quelques kilomètres du Vernet, a certes été perquisitionnée plusieurs fois, mais aucun élément probant n'a été trouvé.

"Le climat de suspicion, c'est sûr qu'il y est. Il y a un acharnement sur ce petit", déplorait en octobre l'un de ses proches au micro de BFMTV.

En novembre, des perquisitions sont menées dans six départements. Au Haut-Vernet, toutes les maisons avaient déjà été fouillées. Mais toujours le même mystère: aucun élément nouveau n'est apporté et les enquêteurs restent dans une impasse.

"Comprenez notre détresse, dites-nous où est Émile", dit la mère du garçon à l'occasion du troisième anniversaire du petit. Rien n'y fait. Le hameau reste miné par la suspicion: le "cas Émile" est dans toutes les têtes.

Emile, un petit garçon de 2 ans et demi, a disparu le 8 juillet 2023 au Vernet (Alpes-de-Haute-Provence), après avoir échappé à la vigilance de ses grands-parents.
Emile, un petit garçon de 2 ans et demi, a disparu le 8 juillet 2023 au Vernet (Alpes-de-Haute-Provence), après avoir échappé à la vigilance de ses grands-parents. © Famille

"Ce serait une faute morale de ne pas garder espoir"

Depuis juillet, près de 900 signalements ont été traités ou écartés par les enquêteurs. Les opérations de police technique et scientifique systématiques de toute trace utile ont conduit à la réalisation de près de 300 scellés, selon une source proche du dossier. Depuis le début de l'affaire, plus de 100 auditions ont aussi eu lieu. Des chiffres impressionnants.

Même si les gendarmes ne trouvent rien, le dossier "est vivant, très vivant", confiait en janvier à BFMTV Jean-Luc Blachon, procureur d'Aix-en-Provence. "On sait ce que l'on cherche [...] Il y a encore beaucoup de choses à faire", indiquait en enquêteur en première ligne.

"Mon inquiétude est qu'on n'arrive pas à faire aboutir ce dossier [...] Ce serait une faute morale de ne pas garder espoir", lançait le procureur.

Quelques semaines plus tard, le jeudi 28 mars, une "mise en situation" est réalisée au Haut-Vernet. L'objectif pour les enquêteurs est de retracer les heures qui ont précédé la disparition d'Émile, afin de mettre en lumière les éventuelles contradictions, les incohérences ou au contraire faire des recoupements. Mais aucun élément nouveau n'est communiqué par les autorités à la fin de cette journée.

L'accès au hameau du Haut-Vernet interdit à toute personne non-convoquée pour la "mise en situation".
L'accès au hameau du Haut-Vernet interdit à toute personne non-convoquée pour la "mise en situation". © CHRISTOPHE SIMON / AFP

Une découverte dans une zone qui avait déjà été fouillée

Samedi 30 mars, une femme fait une découverte qui va permettre de relancer l'enquête: des ossements sont trouvés à moins de deux kilomètres du hameau du Haut-Vernet. Il s'agit du crâne du petit garçon. Selon les informations de BFMTV, cette randonneuse l'a pris dans ses mains et l'a déposé en gendarmerie de Seyne-les-Alpes.

Les gendarmes se sont ensuite déplacés sur site pour que la randonneuse indique où les ossements étaient. Des dents ont également été retrouvées. Dans la nuit de samedi à dimanche, des analyses ADN ont permis d'identifier formellement les ossements comme appartenant à Émile, recoupant les premières constatations.

Annoncée à la presse ce dimanche Pascal par le procureur d'Aix-en-Provence, cette découverte a provoqué de la tristesse et du soulagement, explique le maire du Vernet, François Balique. "Les enquêteurs vont pouvoir maintenant savoir si l’intervention d’un adulte a eu lieu", a-t-il dit auprès de BFMTV.

Des questions qui restent sans réponse

Mais cette découverte interroge: elle a eu lieu dans une zone qui avait déjà été fouillée lors des battues citoyennes et des opérations de gendarmeries menées l'été dernier.

"C'est endroit où passent les chasseurs et leurs chiens, les habitants quotidiennement et où des travaux forestiers ont été réalisés à l'automne", selon l'édile.

"C'est intéressant de savoir si c'est la première fois que [la randonneuse] passe ici", explique le commandant de police Alain Vasquez à BFMTV. "Si elle passe ici régulièrement, est-ce que [les ossements] ont été mis en évidence, ou est-ce qu'elle a découvert ça en s'éloignant?"

Les gendarmes et bénévoles sont-ils passés "à côté" du corps d'Émile? Le crâne et les dents du petit ont-ils été déposés récemment sur le chemin de randonnée? Ou ont-ils été déplacés par les éléments? Une source proche de l'enquête n'exclut rien.

La découverte des ossements du jeune garçon n'a pas clos le dossier, mais ouvre un nouveau chapitre des investigations. Leur analyse peut aussi permettre d'infirmer ou de confirmer certaines hypothèses: il est désormais nécessaire d'établir si la mort est le fruit d'une action humaine, animale, ou relève d'un accident.

Ariel Guez