Famille
"Émile, l'énigme de la vallée": après la disparition du petit garçon, de multiples pistes examinées
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"Il faut qu'on trouve la vérité." Depuis plus de 50 jours, le petit hameau du Haut-Vernet, perché dans les Alpes-de-Haute-Provence a perdu sa tranquillité de carte postale. Le 8 juillet dernier en fin d'après-midi, Émile, un petit garçon blondinet de 2 ans et demi, disparaît alors qu'il commence ses vacances chez ses grands-parents maternels.
Hélicoptères, chiens Saint-Hubert, 800 bénévoles pour des battues... la zone a été passée au peigne fin, mais aucune trace de l'enfant. Pourtant, les enquêteurs ont étudié toutes les pistes, plongeant la commune dans une atmosphère de laquelle elle n'arrive plus à se défaire.
"J'ai cherché, cherché"
À deux kilomètres au nord du Vernet, un village de 130 habitants actif entre Provence et montagne, le hameau du Haut-Vernet, au bout d'une route qui se termine en cul-de-sac, va connaître une "effervescence" inhabituelle le 8 juillet à partir de 18h12. C'est à cette heure que la grand-mère d'Émile, qui a acheté une maison secondaire dans le village avec son mari, va appeler la gendarmerie pour signaler la disparition de son petit-fils.
"Elle explique que leur petit-fils a disparu, qu'il a échappé à leur surveillance, qu'il porte un short blanc et un tee-shirt jaune. Il s'est réveillé de la sieste aux alentours de 17h et que depuis 45 minutes, il a disparu", raconte aux équipes de Ligne Rouge Eve Chancel, journaliste au Parisien.
Très vite, la panique s'empare de tout le village, et ce, dès l'arrivée des gendarmes à 18h40. "On a improvisé une battue de recherche. J'ai cherché, j'ai cherché. J'ai appelé Émile parce que c'est comme si je cherchais mon petit-fils, témoigne le maire du Vernet François Balique. C'était tellement fort que c'est encore en moi cette angoisse de vite retrouver Émile en voulant absolument éviter qu'il passe une nuit dehors."
Un "Cluedo grandeur nature"
Pendant 48 heures, les battues vont s'enchaîner avec 800 bénévoles sur place. Mais un certain malaise a saisi insidieusement plusieurs habitants du village. En pleines recherches, la réaction des proches d'Émile étonne. Ils sont décrits comme repliés sur eux-mêmes.
Un voisin se rappelle: "La grand-mère d'Émile m'a dit qu'il avait fait la sieste à 17h. Cela m'a paru bizarre pour un petit. Et l'un de ses oncles, de 15/16 ans, avait l’air en colère et répétait: 'Ça devait arriver de toute façon, Émile est intenable.'"
Malgré la présence d'un hélicoptère, de drones thermiques, d'instruments de l'armée pour scanner les bottes de foin sur 12 hectares, les recherches seront infructueuses.
"Vous êtes dans un hameau 1200 mètres d'altitude, un cul-de-sac et vous avez là une espèce de Cluedo grandeur nature, explique le journaliste Grégory Leclerc.
"Et donc les gendarmes sont au cœur de ce Cluedo en train d'essayer de rassembler les éléments", poursuit le reporter à Nice-Matin et Var-Matin.
Certaines pistes écartées
Lors des opérations de recherches menées après la disparition de l'enfant, les chiens Saint-Hubert déployés se sont soudainement arrêtés à 50 mètres de la maison appartenant à ses grands-parents.
"Les Saint-Hubert ont marqué près du lavoir et après, plus rien. C'est comme si le petit s'était volatilisé à cet endroit-là ou qu'il avait été soulevé de terre", souligne Grégory Leclerc.
Encore plus troublant, deux témoins, des voisins, disent avoir aperçu l'enfant à 17h15 dans la pente qui descend de la maison de grands-parents jusqu'à la fontaine. Mais les deux témoins divergent sur la direction empruntée par l'enfant, l'un assure l'avoir vu descendre vers le lavoir et l'autre remonter vers le cœur du village où se trouve la cabane des enfants.
Si Émile est descendu vers le lavoir c’est qu’il a probablement été entraîné spontanément par la pente. Mais d'après nos informations, le petit garçon était obsédé par la cabane qu’il avait construite avec ses oncles et tantes. Il aurait pu vouloir y retourner seul. Or, il n'y a aucune trace de lui aux alentours.
Dans une région montagneuse, la piste de l'enlèvement par un oiseau fait aussi surface, mais elle est vite écartée car les aigles royaux, par exemple, ne peuvent pas soulever les 10 à 20 kg d'un enfant de cet âge.
Intervention humaine et suspicions
Toutes les hypothèses sont encore envisagées par les enquêteurs. Le rôdeur délinquant sexuel, l'accident de voiture ou de tracteur, la famille… tout est analysé. L'intervention humaine s'impose tout de même et les regards se tournent vers le village.
"On est vraiment dans un tout petit périmètre (...) C'est tellement petit que tout le monde s'auto-surveille finalement et tout le monde voit un véhicule qu'il ne connaît pas", détaille le journaliste des quotidiens régionaux.
Les gendarmes procèdent aux auditions des habitants. Certains sont entendus plusieurs fois. Les emplois du temps sont vérifiés, recoupés et l'atmosphère se tend. Gilles, un voisin du Bas-Vernet, déplore les suspicions qui rongent le village: "Il y a beaucoup de gens qui, on ne sait pas pourquoi, ont raconté des choses alors qu'il n’y avait rien à raconter. Il ne faut pas accuser le voisin. On a dénoncé beaucoup de gens, on se croirait pendant la guerre."
L'hypothèse d'un rôdeur ou d'un pédocriminel, extérieur au village, qui aurait repéré l'enfant, est difficile à croire mais pas totalement impossible. En effet, le village est en cul-de-sac mais il existe un chemin caillouteux, escarpé, quasiment jamais emprunté, qui permet de sortir d'un autre côté du hameau, à l'abri des regards.
Le profil de la famille étudié à la loupe
Alors qu'ils continuent d'analyser toute la téléphonie du village, soit 1600 appels, les enquêteurs ont particulièrement étudié le profil de la famille et les personnes présentes sur place au moment de la disparition.
Ce jour-là dans la maison, il y a les grands-parents maternels d'Émile, qui ont la cinquantaine. Il y a aussi les oncles et tantes du petit garçon, certains à peine plus âgés que lui. Le clan est discret et se mélange peu à la population. "C'est une famille nombreuse. Les grands-parents ont eu 10 enfants, dont Marie, la mère d'Émile, qui a 25 ans", affirme Eve Chancel, décrivant une famille "soudée".
Les parents du petit garçon ne sont pas au Vernet le 8 juillet. Ils sont restés à la Bouilladisse, près de Marseille.
Que ce soient les parents ou les grands-parents, personne ne s'est exprimé, ne serait-ce que pour lancer un appel à témoin. La seule communication est ce post sur Facebook de la mère d'Émile le 10 juillet: "Veuillez prier la vénérable sœur Benoîte Rencurel, mystique des apparitions du Laus. Le diable l'emmenait régulièrement dans la montagne la persécuter et les anges la ramenaient."
25 personnes sur l'enquête
Les parents d'Émile Colomban et Marie ont fait partie du Bastion social, un mouvement néo fasciste fondé par des anciens membres de l'Action Française, dissous en 2019 par Emmanuel Macron.
Le père d'Émile, alors étudiant ingénieur, a comparu, avant d'être relaxé, en 2018 devant le tribunal correctionnel d'Aix en Provence pour avoir molesté un couple d’origine maghrébine. En 2021, le couple est apparu sur une liste proche d'Éric Zemmour pour les régionales emmenée par Valérie Laupies, aujourd'hui membre du parti des Patriotes. Cette dernière ne veut pas croire en un règlement de compte: "Si les gens se déclarent la guerre pour tout et n'importe quoi (...) c’est absolument monstrueux."
Les enquêteurs, eux, n'excluent aucune piste. D'autant que la famille et leurs voisins ont déjà subi un incendie criminel en 2019. Plusieurs départs de feu avaient été découverts dans les ruines de propriétés des arrière-grands-parents de l'enfant. Les enquêteurs ont cependant
De plus, la personnalité des grands-parents est passée au crible. Des voisins décrivent une grand-mère soumise et discrète et un grand-père austère et rigide. "Je n’ai jamais vu de gestes déplacés", écarte le maire du village.
Cette énigme est maintenant entre les mains des enquêteurs. Une équipe de 25 personnes y est dédiée jour et nuit et tout le village espère farouchement que le mystère de la disparition du petit Émile ne hantera pas longtemps la vallée de la Blanche.
"Émile, l'énigme de la vallée", un long-format Ligne rouge de Marie Peyraube, Juan Palencia et Nicolas Duchêne à retrouver le lundi 28 août à 20h50 sur BFMTV et sur RMC BFM Play.
