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L'origine de vos mèmes préférés (1/6): Harold, l'ingénieur électricien devenu mème ultime

Le mème "Hide the pain Harold"

Le mème "Hide the pain Harold" - Dreamstime

Pendant ce mois d'août, Tech&Co vous dévoile les petites histoires derrière les images qui nous accompagnent chaque jour sur internet: les mèmes. Notre série se poursuit avec les mèmes connus dans le monde entier, et sûrement l'image la plus partagée de toutes.

Sur internet, un mème peut être défini comme une image, un gif ou une vidéo repris en masse sur les réseaux sociaux. Et finalement, le mieux dans un mème, c'est quand on ne sait pas qu'il va le devenir. C'est exactement ce qu'il s'est passé pour András Arató, ingénieur électricien devenu du jour au lendemain un héros d'internet.

Car aujourd'hui, toute personne ayant mis un jour au moins un pied sur les réseaux sociaux a déjà vu ce sourire crispé reconnaissable entre mille. Pourtant rien ne prédestinait András Arató à devenir connu.

Pendant les années 2000, le Hongrois âgé d'une cinquantaine d'années profite de son récent départ en retraite en voyageant aux quatre coins d'Europe, notamment en Turquie, tout en publiant sur iWiW, le Facebook hongrois, des photos de ses escapades. C'est grâce à ses publications qu'András Arató est remarqué par un photographe de banque d'images. 

L'homme lui propose un shooting test, qu'András accepte sur le champ, n'imaginant pas une seule seconde que les images feraient le tour du monde. Dès 2009, de premiers aperçus de son shooting apparaissent sur internet, notamment sur le forum Facepunch, aujourd'hui disparu.

Un statut difficile à accepter

L'internaute Greenen72 publie ainsi des dizaines de photos d'András Arató sous toutes les coutures: en homme d'affaires, chez le médecin, en pleine séance de sport ou encore comme chirurgien. Les photos possèdent toutes le filigrane Dreamstime, du nom de l'agence de photos ayant réalisé les images.

Des exemples d'autres photos d'András Arató provenant de la banque d'images Dreamstime.
Des exemples d'autres photos d'András Arató provenant de la banque d'images Dreamstime. © Dreamstime

Bien qu'il existe des dizaines de photos du Hongrois, l'une va particulièrement sortir du lot: pas d'incarnation de métier au programme, juste András Arató tasse à la main, l'autre sur un clavier d'ordinateur, le regard crispé dirigé vers la caméra. Une crispation qui va créer le nom de code accordé à cet homme à l'époque inconnu: Hide the pain Harold ("Cache ta douleur Harold"), utilisé ainsi comme mème pour les situations où l'internaute fait une référence à un mal-être caché ou une gêne.

C'est au final en 2011 que le désormais baptisé Harold se fait un nom sur internet avec des internautes ayant repris les fameuses photos pour créer des pages Facebook dédiées à cette nouvelle icône, rapidement suivies pour certaines par plusieurs centaines de milliers de personnes.

C'est là qu'András Arató prend de plein fouet sa nouvelle notoriété, difficilement assumée et appréciée dans un premier temps, en raison des multiples détournements. Parfois moins amusants: la fameuse photo tasse à la main est par exemple modifiée pour transformer András en soldat du Troisième Reich, Mein Kampf sur le bureau et croix nazie sur le bras.

Ce n'est qu'en 2016 qu'il assume enfin son statut d'icône du web et avoue publiquement, sur le réseau social russe Vkontakte, qu'il est le fameux Harold. Depuis le hongrois d'aujourd'hui 78 ans s'amuse de son double maléfique et publie régulièrement des détournements, accompagnés des hashtags #hidethepainharold et #painharold.

Plebiscité dans les médias

Preuve de son parcours exceptionnel, András Arató a été invité à raconter son histoire en 2019 pour une conférence TED, intitulée "Se réveiller en tant que héros du web", vue près de 8 millions de fois.

Un statut d'icône dont les marques n'ont aussi pas tardé à s'emparer: le Hongrois réalise par exemple une publicité pour Coca-Cola en Hongrie en 2019. Une marque de produits informatiques allemands a également fait appel aux services du mannequin senior pour promouvoir un ordinateur gaming. Un groupe de musique hongrois, Cloud9+, a même fait une musique en l'honneur de son emblème national.

Plus récemment, Harold a même refait surface dans son habit de médecin dans une publicité concernant... le coronavirus. Les camions de la société de livraison STAF et Carrefour avaient en effet choisi de remercier les médecins et infirmiers dans une publicité affichée au dos des véhicules. Le message "Merci les héros" était ainsi accompagné de photos de soignants, dont la fameuse photo issue de la banque d'images montrant András Arató tout sourire.

Ainsi, contrairement à beaucoup d'autres inconnus devenus mèmes, András Arató a pu capitaliser sur cette soudaine notoriété en devenant une célébrité à part entière. Et une chose est sûre: son sourire n'est peut-être plus aussi crispé qu'avant, vu tout ce que celui-ci lui a apporté en un peu plus d'une décennie.

Julie Ragot