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Trains de nuit: Midnight Trains espère se lancer en juin 2024 mais les difficultés persistent

La compagnie lancée par le co-fondateur de KissKissBankBank se heurte comme ses concurrents à la problématique du matériel roulant et du financement.

La concurrence tente de se développer sur le rail français. Mais les choses avancent très doucement, souvent à cause de problèmes de financements. Alors que Railcoop et Le Train partiront en retard par rapport à leurs plans de marche, Midnight Train prévoit toujours un lancement en juin 2024, trois ans après l'annonce de sa création. Mais cela reste au conditionnel.

Comme les autres nouveaux opérateurs ferroviaires, Midnight Trains se heurte à la question du matériel roulant. Les rames d'occasion sont rares et il faut le rénover, le matériel neuf est très cher. Tout comme les centres de maintenance, condition sine qua non pour se lancer. Et ces coûts astronomiques refroidissent les banques qui rechignent à participer aux tours de table. C'est le cas de la compagnie Le Train qui ne parvient pas à boucler son financement de 100 millions d'euros ou de Railcoop qui repoussé sine die son lancement.

"Pour des nouveaux opérateurs, c'est vraiment compliqué parce que trouver du matériel roulant d'occasion en Europe c'est pas simple et donc ça veut dire que le ticket d'entrée est beaucoup plus élevé." explique le spécialiste du transport ferroviaire, Gilles Dansart.

"D’un point de vue opérationnel, il faut réussir à trouver des rames de train. L’occasion qui permet d’avoir des trains rapidement mais qui nécessitent un important travail de rénovation. En général, les trains d’occasion de bonne qualité sont rares et sont souvent conservés par les exploitations nationales" confirme à l'AFP Adrien Aumont, cofondateur de Midnight Trains.  

Financement, matériel et tracasseries

D'où une approche financière alternative. Midnight Trains a ainsi levé des fonds auprès de start-up comme Kima Ventures, le fonds de Xavier Niel et des autres co-fondateurs de KissKissBankBank.

Mais ce n'est pas tout. Il faut gérer les tracasseries administratives et techniques de la SNCF mais aussi les différences d'infrastructures européennes qui exigent nombre d'homologations.

Car Midnight Train créée par le co-fondateur de KissKissBankBank (revendue à La Banque Postale) entend se positionner sur le marché émergeant des trains de nuit en proposant une offre haut de gamme et européenne.

Midnight Trains veut se lancer sur Paris-Venise
Midnight Trains veut se lancer sur Paris-Venise © Midnight Trains

Il s'agira de relier Paris à Venise et Barcelone. "On met en priorité les destinations européennes", a expliqué à l’AFP le co-fondateur de la compagnie, Adrien Aumont.

C'est Paris-Venise qui devrait être lancé en premier en juin 2024: un périple de 14 heures avec des arrêts à Dijon, Milan, Brescia, Vérone, Padoue et Mestre. Paris-Barcelone est prévu pour décembre de la même année. Un Paris-Nice est également envisagé en concurrence directe avec l'offre de la SNCF.

Se démarquer de la SNCF

L'idée est de se démarquer de la SNCF qui propose des rames anciennes à peine rafraîchies et de se rapprocher de l'offre allemande ou autrichienne par exemple.

Au programme: des compartiments pour personnes seules ou des familles pour préserver l'intimité, une offre de divertissement multimédia, de cuisine de qualité, à bord de voitures rénovées et équipées. L'objectif est de proposer des "hôtels sur rail".

La demande pour les trains de nuit est-elle bien là? Au départ très réticente à la réouverture de ces lignes, la SNCF affiche aujourd'hui sa satisfaction. Il y a un an, la liaison nocturne entre Paris et Nice était relancée et l'opérateur souligne "un vrai succès" avec plus de 100.000 voyageurs transportés.

D'autres lignes de nuit sont également proposées: Paris-Toulouse, Paris-Rodez /Albi, Paris-Latour-de-Carol/Cerbère et Paris–Briançon. Mais la SNCF n'évoque pas la fréquentation de ces liaisons.

Fin 2021, deux autres lignes ont été lancées: Paris-Lourdes qui sera prolongée cet été jusqu’à Hendaye en desservant la côte basque et Paris-Vienne (en Autriche). Et la SNCF envisage de lancer avec la DB allemande une liaison de nuit entre Paris et Berlin en 2023.

Une rentabilité à démontrer

Rappelons que cette offensive nocturne a été poussée par le gouvernement au sein du programme France Relance. Elle a bénéficié d'une enveloppe de 100 millions d'euros notamment affectée à la rénovation des rames. Le gouvernement a demandé à la SNCF de rouvrir au total une dizaines de liaisons nocturnes d'ici 2030.

La question qui se pose pour les acteurs des trains de nuit est bien la rentabilité. Peut-elle exister en dehors des liaisons comme Paris-Nice? La prise de conscience écologique qui favorise le train par rapport à l'avion suffira-t-elle à changer la donne économique?

Car si la SNCF a fermé les unes après les autres ses liaisons de nuit, c'est bien à cause d'un manque de fréquentation. L'opérateur lui-même explique que le meilleur taux d'occupation du Paris-Nice s'observe les week-ends et pendant les vacances scolaires. Comment alors financer le modèle en dehors de ces périodes?

Pour Arnaud Aymé, expert transports au sein du cabinet Sia Partners: "Le train de nuit, ce sont beaucoup de coûts fixes au niveau du matériel roulant avec des trains immobilisés le jour notamment, cela rend les lignes déficitaires. Pour réduire les coûts, il faut une logique de réseau pour maximiser l'utilisation du matériel", explique-t-il à BFM Business. Ce à quoi veut s'employer Midnight Trains puisque la compagnie vise à terme Madrid, Porto, Edinburgh, Copenhague, Hambourg, Berlin, Bruxelles, Milan, Venise, Florence, Rome.

Ou un changement de cible. En visant une clientèle plus haut de gamme avec une offre premium, Midnight Trains pourrait résoudre une partie de l'équation.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business