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Des gendarmes participent aux recherches pour retrouver Lina, 15 ans, disparue cinq jours auparavant dans le secteur du village de Saint-Blaise-la-Roche, le 28 septembre 2023.

FREDERICK FLORIN / AFP

Disparition de Lina: le récit des sept premiers jours de recherches

Lina, adolescente de 15 ans, a disparu le samedi 23 septembre durant son trajet de trois kilomètres à pied reliant son domicile à la gare de Saint-Blaise-la-Roche. Elle devait rejoindre son petit ami à Strasbourg mais n'est jamais montée dans le train.

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"Moi, j'ai peur qu'il lui soit arrivé un truc de grave. Dans ma tête, c'est le pire". Léa s'inquiète pour son amie Lina, 15 ans. Elle la décrit comme une jeune fille "souriante", "de bonne humeur", qui "allait bien", "rigolait" et avait une relation "fusionnelle" avec son petit ami.

Lina est "une enfant normale, sans problème, douce, gentille et souriante", abonde dans le même sens Patricia Simoni, maire de Plaine (Bas-Rhin), où vit l'adolescente. Dans les rues étroites du village, les habitants ne parlent que de ça. "Je ne comprends pas ce qui a pu se passer", répète à plusieurs reprises un des amis de collège, qui décrit une jeune fille solaire et sans histoire.

D'après les informations recueillies par la gendarmerie de Schirmeck, elle n'avait "aucun problème de famille", n'a "jamais fait ni de fugue, ni de tentative de suicide" et "s'entendait bien avec son copain".

"Pas un coupe-gorge"

Vendredi 22 septembre, Lina travaille à l'épicerie de Saint-Blaise-la-Roche aux côtés de Zoé. Ce soir-là, elles ferment ensemble la boutique. "Elle était très contente parce qu'elle a retrouvé son petit ami Tao, qui est venu la voir par surprise. Il est venu la chercher en voiture ici", raconte Zoé, précisant ne rien relever "d'alarmant" à ce moment-là.

Le lendemain matin, vers 11 heures, Lina quitte son domicile de Plaine, dans la vallée de Bruche, où elle vit avec sa mère. Elle se rend à la gare de Saint-Blaise-la-Roche pour prendre le train de 12h03 qui doit l'emmener à Strasbourg où l'attend son copain.

"Elle m'avait dit qu'elle allait partir à pied, ça l'embêtait parce que c'est quand même 30 minutes de marche à chaque fois", confie sa collègue Zoé.

Pour rallier cette gare, Lina doit marcher trois kilomètres dans la vallée en empruntant notamment un chemin forestier boisé, bordé d'étangs et d'un cours d'eau. "On est habitué à faire trois kilomètres à pied sans se poser de question", explique la maire de Plaine, évoquant un milieu "rural".

Un maître-chien de la Protection civile participe aux recherches pour retrouver Lina, 15 ans, qui a disparu entre son domicile et la gare de Saint-Blaise-la-Roche, le 26 septembre 2023.
Un maître-chien de la Protection civile participe aux recherches pour retrouver Lina, 15 ans, qui a disparu entre son domicile et la gare de Saint-Blaise-la-Roche, le 26 septembre 2023. © PATRICK HERTZOG / AFP

"Certes le chemin qu'elle empruntait de chez elle jusqu'à la gare est dans un endroit où il n'y a pas trop de maisons et où il y a un petit peu de circulation, mais ce n'est pas un coupe-gorge", ajoute l'élue.

Elle n'est jamais montée dans le train

Vers 11h20, l'adolescente envoie un message à son petit ami. "C'était une vidéo d'elle et sa tenue, elle était contente de venir, sur la route", indique à TF1/LCI le jeune homme de 19 ans. "C'est la dernière fois qu'on a eu des contacts avec elle", déplore Fanny, la mère de Lina.

"Elle était enthousiaste, le programme était fait, elle devait rejoindre Tao à Strasbourg, aller manger au restaurant et faire les magasins", ajoute-t-elle.

Sentant "quelque chose de bizarre", Tao appelle Fanny, avant même que le train que devait prendre Lina n'arrive à destination, à Strasbourg. Le petit ami attend toutefois sur le quai à l'heure prévue. "Mais elle n'est jamais descendue. J'ai fait le tour de la gare plusieurs fois avec sa mère au téléphone", raconte-t-il.

À 14h15, la mère de Lina appelle les forces de l'ordre pour donner l'alerte. Les premiers éléments de l'enquête montreront rapidement que l'adolescente n'est jamais montée dans le train. Les caméras du TER, comme celles de la gare de Strasbourg, où Tao l'attendait sur le quai, l'attestent.

Doudoune blanche, robe grise et converses

Dès l'après-midi du jour de sa disparition, un important dispositif de recherches est déployé par la gendarmerie. Jusqu'à tard dans la nuit ce samedi-là, un hélicoptère équipé de caméras thermiques survole la zone entre le domicile et la gare, ainsi que plusieurs drones. Les équipes entament des premiers ratissages, notamment avec des effectifs cynophiles.

Rapidement, la gendarmerie de Schirmeck, une commune voisine, lance un appel à témoins: Lina a les cheveux blonds mi-longs et mesure 1,60 mètre, "elle porte une doudoune blanche courte, une robe grise qui arrive à mi-mollet, elle a des converses hautes blanche-beige", complète sa mère.

Une enquête est également ouverte par le parquet de Saverne pour "disparition inquiétante" et confiée à la section de recherches de Strasbourg.

La gendarmerie de Schirmeck a lancé samedi 23 septembre un appel à témoins après la disparition de Lina
La gendarmerie de Schirmeck a lancé samedi 23 septembre un appel à témoins après la disparition de Lina © Gendarmerie

"C'est une torture"

Lundi, plus d'une centaine de personnes se regroupent pour participer à une battue citoyenne. Trois groupes d'une trentaine de personnes sont constitués pour explorer trois zones distinctes de la forêt qui borde la RD350.

Ils scrutent ainsi durant plusieurs heures le trajet entre le domicile de Plaine et un étang sur le chemin de Lina. "On a essayé de regarder un maximum de choses, de voir un maximum de détails pour avoir une piste mais malheureusement on n'a rien vu", confie Évan, un ami de l'adolescente.

"Je l'ai vue grandir, elle a le même âge que mon fils, c'est à nous d'être là pour la soutenir et de faire tout ce qu'on peut", affirme une autre participante de la battue.

Les recherches ont lieu tout au long de l'après-midi mais se révèlent infructueuses. À l'issue de la battue, Fanny, la mère de Lina, prend la parole. "Je veux retrouver ma fille, je veux qu'elle soit près de moi. Comme toute maman, vous comprendrez bien que c'est difficile, c'est une torture de ne plus avoir son enfant près de soi. C'est quelque chose que je ne souhaite à personne, c'est une grande douleur", déclare-t-elle, en larmes.

Terrain difficilement praticable

"Vêtement, sac à main, trace de sang, téléphone, trace de lutte, des branches cassées": voilà les éléments auxquels les gendarmes ont demandé d'être attentifs. "On essaie bien d'avancer en ligne avec deux mètres entre chacun", préconise l'un d'entre eux aux volontaires présents lors de la deuxième battue.

Mardi, au troisième jour de la disparition de Lina, environ 380 personnes participent, dès le matin, aux nouvelles recherches, dans la zone entre l'étang et la gare cette fois - la dernière partie du trajet -, majoritairement composée de champs et de lisières de forêts.

Des volontaires participent à une battue pour retrouver Lina, disparue samedi, le 26 septembre 2023 à Saint-Blaise-la-Roche, dans le Bas-Rhin
Des volontaires participent à une battue pour retrouver Lina, disparue samedi, le 26 septembre 2023 à Saint-Blaise-la-Roche, dans le Bas-Rhin © PATRICK HERTZOG © 2019 AFP

La battue est encadrée par trente-cinq gendarmes. À leurs côtés, des membres des forces de l'ordre et de la Sécurité civile fouillent les environs avec un chien Saint-Hubert, un animal au flair efficace même "trois jours après" le passage d'une personne.

"On ne voyait pas son voisin qui était à deux mètres tellement la végétation était dense", raconte un participant.

"On était tous en ligne, à deux mètres les uns des autres pour ne rien manquer. La zone qu'on a ratissée était très pleine de ronces, il était assez difficile d'imaginer que quelqu'un était passé par là", témoigne une autre.

Le père de Lina est également présent. "C'est la gendarmerie qui m'a appelé dimanche matin (...). Au début, je me suis dit 'ça va aller', mais le temps passe... J'ai sauté dans la voiture et je suis monté", raconte Olivier Delsarte, séparé de la mère de sa fille et habitant en Isère.

Deux témoins ont vu Lina sur le chemin

Les battues et ratissages ne donnent rien. En parallèle de ces recherches sur le terrain, la gendarmerie mène l'enquête. À l'issue de cette nouvelle journée de recherche, la procureure la République de Saverne Aline Clérot s'exprime lors d'une conférence de presse.

Elle écarte la piste de l'accident, affirmant qu'"aucune trace sur la chaussée" n'évoque un accident de la route sur le chemin entre le domicile de Lina et la gare de Saint-Blaise-la-Roche. Pour le reste, le mystère reste entier et toutes les pistes sont toujours explorées.

Les enquêteurs se penchent sur les indices à disposition qui permettraient de retracer le parcours de la jeune fille. Toutefois, le téléphone portable de l'adolescente, qui "n'a pas été retrouvé", a cessé d'émettre samedi matin à 11h22, soit juste après le dernier message envoyé à Tao. En outre, depuis sa disparition, aucune activité bancaire n'a été constatée sur son compte.

La procureure Aline Clérot précise toutefois que même si "la dernière personne à lui avoir parlé serait sa maman, le matin même", deux témoins ont vu Lina sur le trajet de la gare entre 11h15 et 11h30. Elle cheminait à pied et portait les vêtements relayés dans les avis de recherche.

"Je l'ai croisée, elle était en train de marcher sur le bord de la route", confie Jean-Marc Chipon, l'ancien maire de Plaine.

"Je suis passé quelques minutes plus tard et elle n'était plus au bord de la route. Prise en stop ou pas, je ne sais pas", poursuit-il. Jean-Marc Chipon, qui dit ne pas connaître personnellement la jeune fille disparue, assure également qu'ils sont "plusieurs à l'avoir vue sur les derniers moments".

Les étangs fouillés en vain

Mercredi, quatrième jour de recherche. Quinze militaires entament un nouveau ratissage dans la zone boisée où le téléphone de Lina a émis pour la dernière fois. Ils sont épaulés par dix gendarmes de la compagnie fluviale de Strasbourg, dont sept plongeurs, ainsi que des plongeurs allemands.

Leur mission: passer au peigne fin "deux plans d'eau situés dans le secteur de disparition", notamment l'étang du Breux, au bord duquel s'étend une piste cyclable que Lina était censée emprunter samedi et où elle passait d'ailleurs quotidiennement depuis deux semaines et le début de son stage à l'épicerie de Saint-Blaise-la-Roche.

Une équipe de plongeurs de la gendarmerie fouille un étang dans la zone où Lina, 15 ans, a disparu il y a quatre jours, à Saint-Blaise-La-Roche, le 27 septembre 2023.
Une équipe de plongeurs de la gendarmerie fouille un étang dans la zone où Lina, 15 ans, a disparu il y a quatre jours, à Saint-Blaise-La-Roche, le 27 septembre 2023. © PATRICK HERTZOG / AFP

Sous l'eau, la visibilité est extrêmement réduite, d'autant plus que chaque mouvement des plongeurs est susceptible de soulever de la vase et de troubler encore un peu plus la vision. Ils avancent ainsi en ligne, à tâtons, en raclant le sol à la recherche de tout élément saillant.

En vain. Ces recherches ne donnent rien, mais les enquêteurs croyaient peu à la piste des étangs, s'agissant principalement d'une levée de doutes.

Des véhicules fouillés

Numérique, témoignages, pistes... Vendredi, après des fouilles durant près de sept jour, les enquêteurs vérifient désormais les éléments recueillis. Des techniciens en identification criminelle, vêtues de combinaison blanche, de masque et de gants passent au peigne fin une voiture bleue marine à Bellefosse, commune située à sept kilomètres de Saint-Blaise-la-Roche.

C'est un témoignage, en partie corroboré par des images de vidéo-surveillance, qui a conduit les gendarmes à s'intéresser à cette voiture. Au total, une demi-douzaine de véhicules susceptibles d'intéresser les enquêteurs sont recensés.

Mais pour l'heure, toujours aucune trace de Lina. Fanny, sa mère, assure que "rien" ne peut lui faire perdre espoir de retrouver sa fille. "Lina est une jeune fille pleine de vie, elle est lumineuse, elle est solaire", a ajouté la mère de famille, "elle a envie de croquer la vie, elle est tout, elle est mon tout".

Salomé Robles