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"J'ai participé au mauvais côté des influenceurs": comment Dylan Thiry a vu ses revenus fondre après les polémiques

Après de multiples polémiques, l'influenceur a été contraint de freiner ses placements de produits.

"Ça change de Dubaï, hein?" En ce mois de juillet, Dylan Thiry a finalement quitté son émirat, cocon de luxe bling-bling d'où il mitraille ses réseaux sociaux de photos et vidéos-de lui évidemment. Grand sourire, et jamais loin d'un caméraman qui "documente" sa vie, il passe ses vacances d'été dans un autre petit paradis fiscal, le Luxembourg. Le jeune homme de 28 ans est en réalité chez lui, dans son pays.

Car l'influenceur, né en Belgique, a vécu son enfance dans le Grand-Duché avant de franchir à nouveau la frontière, cette fois vers la France où il se fera d'abord repérer comme "le candidat aux mocassins Gucci" dans l'édition 2017 de Koh Lanta. Premier éliminé de l'émission, déjà, on le trouvait trop individualiste.

"Je gagnais de 40.000 à 200.000 euros par mois"

Fasciné par les lumières et l'argent, il enchaîne alors les téléréalités et s'offre un train de vie royal grâce aux placements de produits – douteux – sur les réseaux sociaux. Fin 2019, il débarque, avec sa compagne de l'époque, à Dubaï. Un repère d'influenceurs allergiques aux impôts. Il y développe un petit empire.

"À l’époque, je gagnais de 40.000 à 200.000 euros par mois" explique-t-il aujourd'hui. Un million d'euros sur l'année? "Oui, bien sûr" lâche-t-il. Les placements de produits sont quasi-quotidiens. À l’instar de nombreux autres influenceurs, Dylan Thiry ne s'embarrasse pas avec la légalité ou la moralité. Entre les imitations de sacs de luxe, les arnaques aux comptes formation ou les permis de conduire sans passer par une école, celui qui se présente comme un musulman pieux a réussi à faire tout ce qu'il ne fallait pas faire.

"J'ai participé au mauvais côté des influenceurs" reconnaît-il, lucide, alors que les polémiques s'amoncellent autour de lui depuis plusieurs mois.

"Quand tu as 21 ans, tu es serveur, que tu es au Smic et qu'on te propose beaucoup d'argent pour un placement de produit et que tu n'as pas la tête pour réfléchir si c'est bien ou mauvais. Et bien tu acceptes l'argent et tu fais des conneries."

Faux AirPods, vrais bénéfices

Parmi ses plus gros coups, 21Pods, une entreprise de dropshipping - la spécialité des influenceurs: vendre cher un produit acheté en Chine pour pas grand-chose. Et c'est légal.

Avec 21Pods, Dylan Thiry et sa compagne Fidji vendent à tour de bras des écouteurs, présentés comme similaires aux AirPods d'Apple. S'ils les achètent à peine quelques euros à leur grossiste chinois, ils revendent la paire – de mauvaise qualité – plusieurs dizaines d'euros.

Résultat, en quelques mois, un bénéfice évalué à plus de 200.000 euros. Sauf que tous ne seront pas finalement pas livrés, et surtout pas remboursés. La faute au Covid-19 selon l'influenceur, qui a contraint le fournisseur chinois, censé s'occuper de la livraison, à disparaître subitement.

Dylan Thiry se défend d'avoir cherché à arnaquer sa communauté. "C'est une société qui cartonnait, j'ai fait faillite" résume-t-il. "Pourquoi arnaquer les gens alors que je fais du bénéfice?

A-t-il au moins pensé à rembourser les clients lésés par son fournisseur chinois? "Bien sûr qu'on se l'est dit" promet-il avant d'accuser les clients malhonnêtes qui ont réclamé un remboursement alors que leur commande avait bien été livrée. "J'ai lâché l'affaire" balaye-t-il.

D'autres polémiques vont venir gonfler le CV déjà sulfureux de l'influenceur. Des placements de produits louches (des casinos en ligne, des NFT…), des cagnottes en ligne controversées, des accusations de trafic d'enfants…

"Je gagne beaucoup moins qu'à l'époque"

Mais le vent semble avoir tourné pour les influenceurs, dans le viseur du collectif d'AVI, du rappeur Booba et enfin des législateurs français qui ont adopté une loi pour réguler ce secteur.

"J'ai vu qu'ils allaient serrer un petit peu les boulons (…) C'est une bonne chose" assure Dylan Thiry. Alors que certains influenceurs se sont fait épingler par la DGCCRF, la répression des fraudes, lui explique n'avoir jamais été contacté.

Mais il assure s'être remis en question.

"Tout ça s'est fini" explique-t-il. "S'il n'y a pas de garanties derrières, si ce n'est pas carré, bien structuré… merci et au revoir!"

Regrettant "certains placements" qu'il n'aurait "jamais dû faire", le jeune homme reconnaît aussi "des erreurs humaines, des erreurs de parcours". "J'ai fait en sorte de construire pour mettre ma mère à l'abri" se justifie-t-il encore.

"Je suis désolé pour toutes les personnes qui ont perdu 5, 10, 15, 20 euros, je ne l'ai pas fait volontairement mais je l'assume et je le comprends" assure-t-il.

S'il est toujours sur les réseaux sociaux, les placements de produits sont beaucoup moins nombreux. "Mes revenus ne sont plus du tout les mêmes. Je gagne beaucoup moins qu'à l'époque" indique-t-il, refusant de donner un chiffre. "Je place des produits mais beaucoup moins qu'avant mais même si j'en place un par semaine à 1500 ou 2000 euros, à la fin du mois on est quand même à 8000 euros. Et c'est énormément d'argent et j'en suis conscient."

"Les marques n'ont plus envie de s'associer à nous et on ne peut que le comprendre. Et on l'accepte" renchérit-il.

Alors, lucide, il prépare son virage économique. "J'ai ouvert des sociétés basiques, des sociétés de nettoyage ou autres. Mon père est dans l'immobilier, je lui donne un coup de main."

Dylan Thiry est-il devenu un influenceur éthique? En attendant de le savoir, il est toujours visé par une enquête sur les cagnottes levées dans le cadre de ses voyages humanitaires.

Thomas Leroy (images : Luc Chagnon)