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Cagnottes, trafic d'enfants, proxénétisme: l'influenceur Dylan Thiry répond aux accusations

Visé par une enquête du parquet de Paris pour abus de confiance, l'influenceur est aussi attaqué pour des notes vocales qui ont fuité sur internet. Il donne sa version des faits à Tech&Co.

Dylan Thiry veut redorer un peu son image. Auprès de Tech&Co, l'influenceur est longuement revenu sur les accusations qui le visent: les cagnottes humanitaires mais aussi les fameuses notes vocales dévoilées par Booba.

· Les cagnottes de ses voyages humanitaires

C'est l'histoire qui lui vaut actuellement d'être dans le viseur de la justice. Après plusieurs voyages humanitaires controversés au Sénégal puis au Maroc, Dylan Thiry décide de lancer sa propre association "Pour nos enfants", le 21 novembre 2021. "J'ai ouvert une association, pour que tout soit carré" explique-t-il aujourd'hui.

Aidé par trois autres personnes, dont Sandra, qu'il présente comme "son agent et sa meilleure amie", il projette de partir à Madagascar début 2022 et compte créer des cagnottes en ligne pour lever des fonds.

La première cagnotte est donc créée le 21 janvier 2022 sur le site Cotizup. Succès fulgurant: à sa clôture, moins d'un mois après, elle affichera 158.177 euros. Dylan Thiry part alors à Madagascar, multipliant les clichés sur Instagram pour documenter ce premier voyage humanitaire. Une deuxième cagnotte Cotizup est ouverte, juste après la première. Elle collectera 95.620 euros à sa fermeture en octobre de la même année. Une troisième cagnotte est enfin ouverte après la deuxième pour se clôturer à 7760 euros.

En un an, l'influenceur a donc levé 261.197 euros pour Madagascar. Il repart donc une seconde fois, mais pendant trois mois, dans le pays à l'été 2022.

Mais pour ses détracteurs, difficile de savoir si l'argent a bien été utilisé intégralement pour l'humanitaire. Interrogé sur la question, Dylan Thiry l'assure: tout a été bien été dépensé lors de son voyage.

"J'ai passé trois mois dans le quatrième pays le plus pauvre du monde à construire des maisons, à acheter des terrains, à faire des puits, à nourrir 1500 enfants par jour" explique-t-il. "Il me reste à peu près 10.000 euros sur la totalité de toutes les cagnottes pour encore faire dix puits."

Au sein du collectif AVI, qui lutte contre les dérives des influenceurs, les calculs sont bien différents. "Si on est très large, on estime qu'il a dépensé entre 40.000 et 50.000 euros lors de son second voyage" explique Blatologue, pseudonyme d'un membre très actif du collectif qui a calculé les dépenses de l'influenceur notamment en se basant sur tout ce que Dylan Thiry affichait sur les réseaux sociaux.

Le problème, c'est qu'il est bien compliqué de connaître la somme dépensée par l'association, faute d'un bilan annuel. En effet, cette dernière a finalement été dissoute par la vice-présidente Sandra, début novembre, soit un peu moins d'un an après sa création. Or, le premier anniversaire contraint à publier un bilan comptable qui aurait pu clarifier la situation.

Pour Dylan Thiry, la responsabilité retombe donc sur Sandra et la trésorière (toutes deux amies) qui auraient fermé l'association avant l'obligation de faire un bilan. De leur côté, elles prétendent avoir demandé à Dylan Thiry de payer un comptable pour faire ce bilan. Ce dernier ayant refusé, elles en auraient profité pour fuir cette association (et donc la dissoudre) qui cristallisait toutes les polémiques.

Alors pourquoi ne pas faire, une bonne fois pour toute, ce bilan? "On le ferait comment? Avec des fausses factures? C'est illégal" souligne Dylan Thiry. Car si le bilan n'existe pas, c'est aussi parce que les factures manquent cruellement.

"Allez à Madagascar et essayez de me ramener juste un stylo bic. Essayez de me ramener une facture. Il n'y a pas de facture, il n'y a pas d'électricité, tu ne payes rien avec la carte. Tu retires du cash et tu donnes du cash" explique le jeune homme.

Les premiers jours, il a pourtant bien envoyé des factures à Sandra, pour des petits montants. Mais ça n'a pas duré. "J'ai essayé mais honnêtement, ça m'a gavé. Je n'achète pas un truc par jour, j'achète 20 bananes là, 300 bananes là, 12 biscuits là-bas, 90 biscuits là-bas, six sacs de riz là-bas… Et les factures ne seraient même pas officielles (…) demain, les factures je peux les faire moi-même mais je ne vais pas m'amuser à faire des fausses factures" explique-t-il encore.

Le problème devient encore plus insoluble quand on sait que l'argent des cagnottes était viré vers le compte bancaire personnel de Dylan Thiry. Faute d'être Français (il est Luxembourgeois) et de résider en France, ce dernier n'a pas pu ouvrir de compte dans l'Hexagone en son nom.

C'est finalement la justice qui tranchera. Cinq plaintes ont été déposées contre lui en janvier pour abus de confiance, notamment par Sandra et la trésorière de l'association. Elles dénoncent le manque de transparence sur les dépenses de Dylan Thiry et son "comportement totalitaire, irresponsable et abject envers nous." Affable et souriant, l'homme peut aussi être dur, il le reconnaît lui-même.

"S'il faut régler ça, on ira en justice tranquillement" affirme-t-il encore, assurant qu'il n'allait "rien se passer" pour lui et dénonçant "des choses tellement fausses, une injustice totale."

Téléphone à la main, il dénonce d'ailleurs "des plaintes bidons", notamment celle déposée par Helena, membre du collectif AVI. Dans une note vocale, elle assure ainsi avoir donné volontairement 5 euros dans la troisième cagnotte "pour ensuite pouvoir lui demander des comptes".

"Le collectif AVI, ils n'avaient pas assez de plaintes contre Dylan Thiry, ils ont fait des fausses plaintes" résume ainsi, furieux, l'influenceur.

Contactée par Tech&Co, Helena assume avoir "mis de l'argent pour savoir où il allait" mais sans avoir prémédité la plainte. "C'est seulement lorsque Sandra et la trésorière ont porté plainte que j'ai décidé de m'y joindre".

Selon nos informations, l'enquête préliminaire dans le cadre des plaintes est en train d'être finalisée et va laisser place à l'ouverture d'une instruction. Dylan Thiry sera alors convoqué par les enquêteurs.

· Les accusations de proxénétisme

Fin avril, le rappeur Booba dévoile plusieurs enregistrements compromettants sur Dylan Thiry. Dans le premier, l'influenceur s'adresse à Sandra pour évoquer un étrange montage. Il imagine créer des comptes MYM, une plateforme payante connue pour ses contenus érotiques et pornographiques, pour des prostituées de Dubaï. "On lui fait faire un MYM (…) on lui donne 20% et moi j'ai une équipe derrière qui lui fait monter son MYM à 500.000, 600.000, 700.000 abonnés." Et d'assurer: "en deux jours, par exemple, on a monté un MYM, la meuf elle a fait 700.000 abonnés."

"C'est une idée qu'on m'a proposée" raconte-t-il aujourd'hui. "Je ne l'ai pas fait mais j'ai pensé à le faire."

Alors qu'en est-il de ce fameux compte à 700.000 abonnés? L'influenceur plaide la bêtise.

"Vous allez voir à quel point je suis con" commence-t-il. "La numéro 1 de MYM en France, elle a combien d'abonnés? 20.000 abonnés". Et de saisir la calculatrice de son smartphone pour imaginer un abonnement à 20 euros par mois: "moi, pour vous montrer à quel point je suis con et j'ai dit n'importe quoi, je fais gagner tous les mois à une meuf 14 millions d'euros?"

"J'ai dit ça parce que j'étais dans l'euphorie. J'ai parlé comme un débile, des fois je suis un débile, je le sais mais ça me porte préjudice" martèle-t-il. "Oui j'ai parlé à ma meilleure amie d'une idée de merde mais je ne l'ai pas fait."

· Les accusations de trafic d'enfants

Dans deux autres notes vocales dévoilées par Booba, Dylan Thiry évoque des adoptions illégales à Madagascar, qui pourraient être assimilées à du trafic d'enfant. Dans le premier message, il entend "sauver une enfant" sans famille. "Moi je dois la faire venir en Europe pour que ça devienne ma fille." L'Idée serait de prendre le passeport de la petite fille d'un ami pour ensuite ramener l'enfant en Europe en la faisant passer pour l'enfant du passeport.

"Le fond est bon mais la manière dont c'est dit, c'est dégueulasse, j'en suis conscient" reconnaît-il aujourd'hui. "Le fond, moi je voulais sauver une petite fille (…) ce n'est pas pour la vendre."

"Quand vous êtes à Madagascar et que vous voyez des enfants mourir, croyez-moi que vous voulez tous les mettre dans l'avion et tous les mettre dans la piscine de Dubaï" explique-t-il. "Je ne l'ai pas fait, parce que c'est illégal mais j'ai vraiment envie de le faire."

L'autre vocal, réalisé plusieurs mois plus tard, évoque l'adoption (légale, cette fois) d'un enfant malgache pour un célèbre couple d'influenceurs - Jazz et Laurent Correia-, que Dylan Thiry pourrait facturer 100.000 euros.

"Ce n'est pas beau mais quand je dis que je prends 100.000 euros, c'est pour un service" précise-t-il aujourd'hui.

"Moi je vais passer un mois de ma vie avec une femme qui est multimillionnaire (…) je fais faire ça gratuitement, moi? Nan je vais prendre 100.000 euros à Jazz" tranche-t-il. "C'est ce que je voulais faire. Est-ce que je l'ai fait? Non. Mais c'est ce que je voulais faire: prendre 100.000 euros à des multimillionnaires."

Thomas Leroy (images : Luc Chagnon)