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L'origine des mèmes français iconiques (1/5): "Pas mal non? C'est français"

Pendant ce mois d'août, Tech&Co vous dévoile les petites histoires derrière les images qui nous accompagnent chaque jour sur internet: les mèmes. Premier épisode de notre série consacrée à l'origine des mèmes français avec LE mème tricolore par excellence.

A chaque bizarrerie typiquement française ou exploit d'une équipe tricolore, il ressort sur les réseaux sociaux pour exprimer une fierté assumée ou non: une photo pixelisée à souhait d'un homme vêtu de noir, devant un château, livre à la main, accompagnée de la phrase "Pas mal non? C'est français." Ajouter la capture d'écran n'est parfois même plus nécessaire, tant la phrase est désormais ancrée dans le vocabulaire internet.

Cette simple petite phrase, souvent utilisée en capture d'écran et très rarement en vidéo, est depuis plusieurs années une référence dans le répertoire du mème français. Et pour remonter à l'origine de cet extrait culte, il faut d'une part remonter en 1993, d'autre part remercier le réalisateur Michel Hazanavicius, à l'origine de OSS 117: Le Caire Nid d'espions (2006), OSS 117: Rio ne répond plus (2009) ou encore l'oscarisé The Artist (2011).

Issu d'un mash-up de films

En 1993, le réalisateur français s'allie en effet à Dominique Mézerette pour offrir La Classe américaine: le Grand Détournement, un téléfilm en trois parties un peu particulier puisqu'il mélange différents extraits de films de la Warner (comme Le Vieil Homme et la Mer ou Mad Max) ainsi que de téléfilms comme Maigret pour créer un nouveau long-métrage, le tout avec des dialogues réécrits, arrangés et donc forcément cocasses.

La Warner met toutefois son veto aux rediffusions en télévision: dans un premier temps, le téléfilm n'est diffusé qu'à une seule reprise, le 31 décembre 1993 sur Canal+. Ce n'est que dans les années qui suivent avec des VHS échangées discrètement que le film acquiert sa renommée.

Mais revenons en à la fameuse scène devenue mème. A la sixième minute du film apparaît alors Orson Welles, presque sous forme de cameo, pour donner son opinion sur les premières minutes de la fiction, où l'on découvre la mort de George Abitbol (John Wayne), connu pour être l'homme le plus classe du monde.

"Bonjour, c'est moi, Orson Welles. Ceci est ma maison que vous voyez derrière. Pas mal non? C'est français. Je me permets d'interrompre ce film parce qu'on se fout un peu de ma gueule, c'est du vol et du plagiat", débute ainsi l'acteur dans un monologue de quelques secondes.

Orson Welles reproche ainsi au téléfilm de plagier Citizen Kane, le long-métrage qu'il a réalisé en 1941. "Des journalistes vont interviewer des gens sur le héros, et vous allez voir que les témoignages, ça va être des flashbacks! Je vois tout arriver!", continue l'homme, avant de se faire tirer dessus et de voir son corps plonger dans un lac. Car la scène n'a là aussi pas été spécialement tournée pour La Classe américaine mais est tirée du film Commencez la révolution sans nous de Bud Yorkin, sorti en 1970.

Le meme qui se termine par une mort

Il s'agit d'ailleurs de la première scène du film, où on peut voir Orson Welles déambuler plus longuement autour du château de Vaux-le-Vicomte et surtout entendre les vraies lignes de l'acteur: "C'est moi, Orson Welles. Vous aimeriez vivre là? Un des nombreux châteaux du roi Louis XVI. Des historiens dignes de foi ont tout dernièrement découvert des faits inconnus, des faits concernant ce château qui auraient pu bouleverser le cours de l'Histoire et changer la face de l'Europe." L'acteur réapparait ensuite en toute fin de film, où il se fait tuer juste avant de dévoiler l'un des secrets de l'histoire.

Difficile de savoir qui est à l'origine de l'attrait de cet extrait de La Classe américaine comme mème. Mais un compte Twitter en est toutefois l'un des fervents utilisateurs: celui de la Fédération Française de la Lose (ou FFL), qui recense l'actualité des athlètes français qui s'illustrent par leurs défaites ou malchances. "C'est le mème parfait pour notre ligne éditoriale!", avoue la FFL à Tech&Co. Connaisseurs de l'origine de cette image, ils sont également conscients d'avoir eu leur importance dans sa notoriété.

"On est peut-être moteurs dans sa propagation mais clairement on ne l'a pas découvert! On ne se rappelle même plus du moment précis où on l'a découvert. Mais c'est vrai qu'aujourd'hui on pourrait en abuser car il peut être utilisé tout le temps chez nous", explique la Fédération Française de la Lose à Tech&Co.

Quant à savoir si le mème vaut mieux à être utilisé dans la victoire ou la défaite, aucune hésitation pour la FFL: "c'est beaucoup plus drôle quand on se vautre avec panache, on fait tout mieux dans les échecs."

Le "Pas mal non? C'est français" est lui toutefois loin d'être un échec et pourrait réussir peut-être un jour à s'exporter à l'étranger. Lors de la dernière Pixel War sur Reddit, le mème a d'ailleurs fait une subtile apparition dans l'immense caneva créé par les pays du monde entier.

Dans la même série... L'origine des mèmes français iconiques

Episode 1: "Pas mal non? C'est français"

Episode 2: "Je suis à laeropor bisouuuu, je manvol"

Episode 3: "Vous deviene fou"

Episode 4: La poker-face de Patrick Bruel

Episode 5: "Tema la taille du rat"

Julie Ragot