Tech&Co
Réseaux sociaux

Booba accusé de cyberharcèlement: son avocat défend un "lanceur d'alerte"

Le chanteur, en première ligne face aux "influvoleurs", est notamment visé par une plainte de l’agente Magali Berdah.

"Dénoncer n’est pas harceler." Le slogan est tout trouvé et, s’il ne l'a pas inventé, Booba a su en faire un argument juridique, au point d’attaquer ceux qui assimilent ses attaques récurrentes contre certains influenceurs à du cyberharcèlement.

Le 5 juin dernier, Booba a ainsi saisi l’Arcom (ex-CSA) contre des émissions de radio ou de télévision dans lesquelles il a été présenté comme un cyberharceleur. "Il y a un principe essentiel qui est celui de la présomption d’innocence", explique l'un de ses avocats, Me Gilles Vercken, à Tech&Co.

Jamais avare en bons mots, en piques plus ou moins agressives, le rappeur des Hauts-de-Seine a fait de Twitter sa meilleure arme pour dénoncer les "influvoleurs", contraction d’influenceurs et voleurs. Depuis plus d’un an, il s’en prend quotidiennement aux ex-stars de la téléréalité reconverties en vidéastes, adeptes du placement de produits.

Certains affichent un train de vie luxueux depuis Dubaï et provoquent la controverse par leurs pratiques: publicité non signalée, promotions de produits dangereux… sans compter ces "bonnes affaires" de qualité médiocre ou qui n’arrivent jamais à leur destinataire.

Cyberharcèlement contre diffamation

La jungle est telle qu’une nouvelle loi pour réguler le métier d’influenceur a fini par être votée début juin après une campagne médiatique acharnée d'un collectif de victimes, le collectif AVI et de plusieurs électrons libres dont Booba.

"Il a été l'un des premiers à dénoncer les pratiques de certains influenceurs" explique Me Gilles Vercken. "Booba est un artiste reconnu avec une forte liberté de parole, c’est un lanceur d’alerte."

Mais chez Booba, l’alerte est toujours féroce et les tweets flirtent parfois avec l’insulte. S’il a pu viser Dylan Thiry ou Marc Blata, deux des influenceurs les plus controversés, il s’en est surtout pris à l’influente agente Magali Berdah, qui l’accuse de son côté de cyberharcèlement. Une plainte a été déposée contre le rappeur - il a été placé sous statut de témoin assisté le 6 avril - qui lui a rendu la pareille en l’attaquant pour diffamation.

Certains de ses tweets - supprimés par la plateforme depuis mais dont on peut retrouver la trace sur le site Archive.org - ont pourtant choqué.

Le 21 avril derneir, il publie une photo laissant croire qu’il s’agit d’un extrait d’une vidéo à caractère sexuel de Magali Berdah. "Et tu vas arrêter d'me saouler avec ton histoire de s** tape. Je n'ai jamais partagé de s** tape de toi. C'est pas de ma faute si les gens disent que c'est toi sur la photo", écrit-il.

Quelques jours plus tôt, il diffuse la lettre d’exclusion de la fille de Magali Berdah, laissant apparaître l’adresse du groupe scolaire. Une accusation balayée d’un revers de main par l’avocat du rappeur: "Il a publié une lettre d'exclusion de la fille de Mme Berdah datant de 2020, qui est bien antérieure à la dénonciation des pratiques commerciales frauduleuses des influenceurs. Sa fille n’appartenait plus à l’établissement bien avant la publication du courrier" assure-t-il auprès de Tech&Co.

"Il explique avec son talent de la punchline, c’est son mode d’expression" assure encore Me Gilles Vercken. Et sur les messages les plus polémiques? "Il y a des lois…", répond laconiquement l’avocat.

"Il n’a pas de meute"

L'article 222-33-2-2 du Code pénal punit d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende "le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale (...) lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ont entraîné aucune incapacité de travail."

Et cette règle s’applique indifféremment de ce que la justice pourrait reprocher à Magali Berdah sur ses pratiques commerciales.

"Lorsqu’il s’exprime sur les réseaux sociaux, Booba est dans le registre de la caricature, de l’humour, de la prise de position" justifie encore Me Gilles Vercken.

Mais au-delà des messages de Booba, l’agente pointe surtout les milliers de messages d’insultes qu’elle a reçus dans le sillage des attaques du rappeur. "Ça a détruit ma vie, ça n’a pas changé ma vie. Ça a vraiment détruit ma vie", expliquait-elle en janvier dernier sur BFMTV. "Parce que, quand on ouvre son téléphone, on se fait insulter, on ouvre internet on voit son adresse diffusée, on doit déménager."

La loi du 3 août 2018 a d'ailleurs introduit la notion de "raid numérique" dans le cyberharcèlement pour sanctionner les avalanches d'insultes dont les réseaux sociaux se sont fait une spécialité. Là encore, l’avocat du rappeur dément tout effet incitatif. "Booba s’exprime à titre personnel. Il n’a pas de 'meute'" élude-t-il.

Le rappeur a récemment levé le pied sur les tweets contre Magali Berdah. Mais in fine, c’est bien la justice qui tranchera sur sa responsabilité.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business