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Home-jacking: quand la terreur pénètre dans le domicile des stars et des Français

Vitaa, Bruno Guillon, Jean-François Piège, Nikos Aliagas, Anne-Sophie Lapix… Ces dernières semaines, de nombreuses célébrités ont été victimes de home-jacking, des cambriolages souvent accompagnés de violence et de séquestration. Un phénomène traumatisant sur lequel s'est penché BFMTV, dans un long format Ligne Rouge inédit, diffusé ce lundi 26 février à 20h50.

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"On vient de se faire braquer. Au secours". Ce 8 juillet 2021, Guillaume Pley reçoit un message de sa femme. Mais l'animateur de radio ne peut rien faire. Les moteurs de l'avion dans lequel il a embarqué viennent de se mettre en marche. L'homme de 38 ans s'apprête à décoller pour le festival de Cannes. Le vol durera une heure et demie. Une heure et demie d'angoisse, pendant laquelle Guillaume Pley n'a aucune nouvelle de sa femme, son fils et leur nounou. Ce n'est qu'à l'atterrissage qu'il va apprendre ce qui s'est passé.

Comme chaque jour, Agathe, la compagne de Guillaume Pley, prend son petit-déjeuner en attendant l'arrivée de la nourrice de leur fils. La porte s'ouvre. Mais cette fois-ci, ce sont trois hommes cagoulés, gantés et capuchés qui se pressent dans l'entrée. L'un d'eux, armés, se dirige vers Agathe.

Il l’attrape, la serre et lui dit: "'si tu fais du bruit, tu sais ce qu’il va se passer'" et il pointe le pistolet sur son fils, raconte ce lundi 26 février Guillaume Pley dans le long-format Ligne rouge, "Home-jacking, terreur à domicile".

"C’est compliqué pour une maman, c’est une scène qu’elle n’oublie pas", raconte l'animateur.

Pendant qu'un des cambrioleurs surveille la nounou et l'enfant, l'arme pointée sur eux, les deux autres demandent à Agathe de leur montrer le coffre-fort. Ils cherchent l'une des montres de Guillaume Pley, un modèle de luxe à plusieurs dizaines de milliers d'euros. Les cambrioleurs l'ont repéré sur ses réseaux sociaux, mais également sur un site de passionnés d'horlogerie, qui a révélé son prix.

"Elle a cru qu’elle allait mourir parce qu'ils sont allés très fort comme ils ne trouvaient pas le coffre. Ça les a rendus un peu fou", raconte Guillaume Pley.

Le home-jacking va durer onze minutes. Ironie du sort, ce jour-là, Guillaume Pley est parti avec cette montre à son poignet. Les cambrioleurs, eux, se sont enfuis avec une copie de quelques centaines d'euros.

Psychose chez les célébrités

Si les home-jackings ne sont pas nouveaux, le phénomène a franchi un cap en 2023. Ces cambriolages, réalisés en présence des occupants, qui s'accompagnent souvent de violences et de séquestrations, se sont multipliés ces derniers mois. Un phénomène traumatisant sur lequel s'est penché BFMTV, dans ce documentaire.

Le 21 juillet 2023, le gardien de but italien du PSG, Gianluigi Donnarumma et sa compagne sont ligotés et dépouillés à leur domicile parisien. Le 27 septembre, même scénario chez Bruno Guillon à Tessancourt-sur-Aubette. L'animateur est menacé avec une arme de poing, sa compagne, elle, est ligotée et bâillonnée, sous la menace d'un marteau. Quant à leur fils de 14 ans, il est attaché dans sa chambre avec un collier de serrage.

Le 18 décembre, c'est Alexandre Letelier, le gardien de but remplaçant du PSG et sa compagne, qui sont menacés de mort, devant leurs deux enfants de 2 et 6 ans. Deux jours plus tard, le 20 décembre, la chanteuse Vitaa est séquestrée avec son mari et leurs trois enfants à leur domicile à Rueil-Malmaison. Et dans la nuit du 6 au 7 février 2024, des cambrioleurs s'en sont pris au compagnon d'Aya Nakumra à leur domicile de Rosny-sous-Bois en Seine-Saint-Denis. Il a été frappé et hospitalisé. D'autres célébrités, comme Nikos Aliagas ou la journaliste Anne-Sophie Lapix, elles, ont été la cible de tentatives d’effractions avortées. De quoi créer une véritable psychose.

"J'en ai eu encore hier soir au téléphone suite au braquage de Vitaa, par exemple. Plein de gens qui n'habitent pas très loin qui commencent à s'inquiéter", explique Guillaume Pley.

Des faux livreurs

Et pour cause, que ce soit avec ou sans leur consentement, ces célébrités sont surexposées sur les réseaux sociaux. Montres de luxe, sacs de marques, bijoux... Ces signes extérieurs de richesse en font des cibles privilégiées pour les cambrioleurs. "Ils sont réputés pour avoir de l'argent et des biens", explique Laurent Nuñez, le préfet de police de Paris.

"Il suffit de suivre certains profils Facebook ou Instagram. On trouve énormément d'informations, à la fois sur les biens en possession des futures victimes, et puis évidemment sur les adresses et sur leur mode de vie", met en garde le préfet.

Une fois, les informations récupérées, les malfrats peuvent passer à l'action. Dans la plupart des cas, ils se font "passer pour un faux livreur, de La Poste ou d’Amazon (...) avec un chasuble et un colis à la main", explique Djassim Belkourchia, délégué du syndicat Alliance Police Nationale.

"Commettre un home-jacking en présence des occupants permet souvent de leur demander des informations sur l'endroit où se trouvent les biens qui sont recherchés, des bijoux, des montres de luxe ou matériel informatique", estime Laurent Nuñez.

En France, près de la moitié de ces intrusions se feraient par l’entrée principale. "Aujourd'hui, il est de plus en plus difficile de pénétrer dans un appartement vide puisque les systèmes d'alarme se perfectionnent. Idem pour les coffres-forts (...) Pour pénétrer dans un appartement, il n'y a qu'avec une présence humaine à l'intérieur", estime Djassim Belkourchia.

Dans la plupart des cas, une équipe reste en bas du bâtiment pour surveiller, pendant que l'autre monte. "Une fois qu'ils sont à l'intérieur, ils hésitent pas à violenter la première personne qui ouvre la porte", ajoute le policier.

"J'ai plus de parents, donc je suis voué à moi-même"

Retour début octobre 2023. Nous sommes une quinzaine de jours après le home-jacking de Bruno Guillon, où quatre individus sont entrés par effraction au domicile de l'animateur de radio et de sa femme, les ont menacés avec une arme de poing et un marteau avant de repartir avec des bijoux, des montres et de la maroquinerie. Montant du butin: 80.000 euros. Les enquêteurs interpellent cinq individus - deux mineurs et deux autres à peine majeurs.

Car les dernières enquêtes sur ce phénomène ont montré que les agresseurs sont de plus en plus jeunes: "ce qui caractérise le profil de ces jeunes auteurs, c'est qu'ils sont essentiellement tous mineurs. Ils sont parfaitement connus des services de police et de justice pour des faits de violence et de violences en réunion, parfois même de violences avec arme de trafic de stupéfiants et ils ont déjà été condamnés par les autorités judiciaires" analyse Philippe Franchet, commissaire de la brigade de répression du banditisme de Versailles.

Mais dans la plupart des cas, ils n'ont pas forcément d'expérience dans le home-jacking.

"Aujourd'hui, ces jeunes auteurs se confrontent à un nouveau mode opératoire pour lequel ils n'ont pas beaucoup d'expérience, mais ils vont compenser par une violence exacerbée à l'encontre des victimes", s'alarme le commissaire.

Des jeunes qui prennent des risques inconsidérés pour parfois quelques milliers d’euros ou même aucun butin. Comme les auteurs de la tentative de home-jacking avortée chez Nikos Aliagas, dont la voiture s'est écrasée contre un poteau à l'issue d'une course-poursuite avec la BAC. À son bord, tout le matériel pour commettre un cambriolage. Les fugitifs ont renoncé lorsque l'alarme s'est déclenchée.

"J’ai des problèmes avec les huissiers (...), je suis criblé de dettes (...) entre 20 et 30.000 euros (...), j’ai plus de parents, donc je suis voué à moi-même", a justifié l'un d'eux en garde à vue.

Cet homme de 23 ans, agent de sécurité au château de Versailles, a été recruté en répondant à une annonce postée sur les réseaux sociaux.

"Sur Télégram, j’ai vu qu’il y avait un coup à faire. (....) Je ne savais pas ce qu'on devait faire exactement, mais je savais qu'on devait prendre quelque chose à quelqu'un, quelque chose qui a de la valeur", a-t-il détaillé.

Têtes de réseaux

Car ces jeunes délinquants ne sont, pour la plupart, que des sous-traitants, embauchés par des commanditaires sur les réseaux sociaux. Parmi les têtes pensantes de ces cambriolages, la justice soupçonne un certain Kamel Z., un homme de 27 ans, très connu des services de police et de justice, déjà été condamné à sept reprises.

L'homme aurait recruté des complices dans les 18, 19e ou 20 arrondissements de Paris contre la promesse de quelques milliers d’euros. Les "petites mains" ne se connaissent pas et n'ont que très peu d'informations sur les braquages et sur leurs employeurs.

"Ils ont déjà une certaine expérience du milieu du banditisme et des techniques policières. Ils pensent se mettre à l'abri des enquêtes et de la responsabilité pénale en utilisant des jeunes un peu moins expérimentés", explique Philippe Franchet.

L'homme est mis en examen pour le home-jacking chez Bruno Guillon, mais les enquêteurs s'interrogent sur son implication dans d'autres cambriolages, comme ceux de l'ancienne Miss France Sylvie Tellier ou Nikos Aliagas.

Les enquêteurs s'intéressent également à d'autres complices, qui pourraient fournir des informations sur l'emplacement des coffres ou des alarmes.

"Ça peut être des livreurs, ça peut être de la télésurveillance, ça peut être des banques en ligne, ça peut être des ouvriers, ça peut être des gens qui viennent de refaire des jardins d'appartement (...) dans un réseau qui échappe à la victime. On peut élaborer tout un tas d'hypothèses et donc il est quand même assez compliqué de savoir exactement d'où viennent ces informations", poursuit le commissaire.

Un traumatisme profond

Mais les home-jackings sont loin de ne viser que les célébrités. La famille Merlin en a fait la désagréable expérience en avril 2023 à Calais. Cette nuit-là, Aurélie, la mère de famille, dort sur le canapé avec sa fille. Elle est réveillée en sursaut par un bruit. Elle se lève et tombe nez à nez avec un individu portant un masque blanc sur son visage et une capuche noire sur la tête.

"Il s’est mis à me frapper au visage. Je suis tellement tétanisée que je ne sens même pas les coups. Je n’ai pas mal, mais je sens le sang qui commence à couler sur ma joue, il m’a frappé de nouveau, il m’a demandé des sous et il est parti en courant", raconte la mère de famille.

Un événement traumatisant pour Aurélie, son compagnon et leurs trois enfants.

"Tous les soirs, je passais mon temps à la fenêtre à guetter si quelqu'un n’allait pas de nouveau de rentrer dans la maison", raconte-t-elle.

L'impact psychologique chez certaines victimes est tel que les psychologues leur conseillent de quitter leur maison. "C'est quelqu'un qui rentre dans leur intimité (...) La victime est marquée dans son esprit, elle sait que c'est là qu'a eu lieu le traumatisme et pour elle, pour repartir pour se reconstruire, elle a besoin de tourner la page et donc de changer de domicile bien souvent", conseille Marjorie Sueur, psychologue.

Manon Aublanc