BFM Business
Transports

Les grèves à la SNCF se concentrent-elles vraiment à Noël et pendant les vacances?

Un mouvement social touche la compagnie ce week-end de Noël. Jusqu'alors, la SNCF n'avait connu que deux grèves importantes lors des fêtes de Noël, en 1986 et en 2019.

Dans les gares, tous les voyageurs ne pourront pas prendre leur train dans les prochains jours. Une grève à la SNCF pour Noël, encore? Pas vraiment: dans les faits, les grèves des agents SNCF sont loin d'être systématiques lors des fêtes de fin d'année. Elles sont même relativement rares: jusqu'alors, le trafic n'a été réellement perturbé qu'à deux reprises à cette période de l'année. La dernière fois, c'était en 2019, en plein cœur du long conflit social lié à la réforme des retraites, et il faut ensuite remonter beaucoup plus loin dans le temps, en 1986, au moment où les cheminots s'opposaient à la nouvelle grille salariale.

L'image d'Épinal de la grève SNCF de Noël puise dans les fréquents mouvements sociaux qui ont lieu en décembre, moment clef des négociations salariales, et surtout aux préavis de grève déposés à de nombreuses reprises par les syndicats. Le plus souvent levés à la dernière minute à la faveur d'une reddition de la direction ou du gouvernement, comme en 1995. Par ailleurs, le calendrier n'est pas toujours choisi par les syndicats. En 2019, par exemple, c'est la présentation de la réforme des retraites par le gouvernement qui avait déclenché le mouvement social.

Des appels à "renoncer"

Reste qu'en dehors de Noël, les grèves des cheminots se concentrent généralement sur les grands week-ends de départ en vacances.

"La grève, par nature, n'a d'intérêt que si elle est visible et qu'elle perturbe", souligne l'historien Stéphane Sirot, spécialiste des mouvements sociaux.

"Il n'y a pas d'intérêt à faire grève un jour où ça n'aurait aucun impact", résume-t-il. Concrètement: faire grève au moment des grandes transhumances des fêtes ou des vacances, c'est le moyen de mettre le maximum de pression sur la direction pour négocier à son avantage. Sinon, l'outil perd de son utilité.

Face au mécontentement des usagers, les appels à sanctuariser la période des fêtes se multiplient ces derniers jours – le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, demandait encore ce jeudi aux contrôleurs de "renoncer" à leur grève. Assurer défendre le droit de grève et, en même temps, appeler à ne pas perturber le trafic apparaît néanmoins comme une "injonction contradictoire", analyse Stéphane Sirot. Les grévistes, s'ils perdent plusieurs jours de salaire, s'attendent à ce que le mouvement se montre utile en échange.

Des syndicats dépassés

Cette fois-ci, les syndicats semblent pourtant gênés par la date choisie pour la mobilisation des contrôleurs, bien qu'elle ait été rendue possible par leurs propres préavis. Ils peinent à encadrer ce conflit social, parti de la base sans initiative syndicale. "Ce n'est pas la première fois que cela arrive, mais c'est une pratique qui gagne du terrain", notamment grâce aux réseaux sociaux, précise Stéphane Sirot, citant l'exemple des ateliers de maintenance des TGV en 2019, où le débrayage spontané de techniciens avait perturbé le trafic dans l'ouest du pays.

Dans ce contexte, faut-il s'attendre à connaître davantage de grèves incontrôlables à Noël? À la tête de la CFDT, Laurent Berger a publiquement exprimé son désaccord, sans effet sur la détermination des grévistes.

On est aujourd'hui face à une exaspération que les corps sociaux sont incapables de prendre en compte", estime Jean-Claude Ducatte, président du cabinet de conseil en relations sociales Epsy Social, sur BFM Business.

Sans interlocuteur direct, difficile de mener des négociations concluantes, comme le rappelle l'exemple des gilets jaunes en 2018. Mais les syndicats n'ont pas complètement perdu la main, ils restent même plus que jamais "au centre du jeu", nuance Stéphane Sirot. Ne serait-ce que pour déposer le préavis de grève, indispensable pour assurer sa légalité, et mener les négociations collectives.

Jérémy Bruno Journaliste BFMTV