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TOUT COMPRENDRE. Qu'est-ce que le DMA, le règlement européen qui s'attaque aux GAFAM?

Dès le 6 mars, plusieurs géants de la tech devront se contraindre aux règles européennes du digital Markets Act (DMA). Elles visent à maintenir une concurrence saine entre les acteurs du numérique.

Le Règlement sur les marchés numériques ("Digital Markets Act", DMA) de l'Union européenne, que doivent respecter à partir de ce mercredi 6 mars une poignée de géants des technologies, entend mettre un terme à leurs abus de position dominante.

Le DMA concerne des groupes actifs dans au moins 3 pays européens, dépassant 75 milliards d'euros de capitalisation boursière ou 7,5 milliards de ventes en Europe, et enregistrant au moins 45 millions d'utilisateurs finaux actifs et 10.000 entreprises utilisatrices en Europe.

• Qui est touché par ces nouvelles règles?

Pour l'instant, six entreprises entrent dans le champ d'application des règles européennes. Il s'agit des américains Alphabet (Google), Amazon, Apple, Meta (Facebook), Microsoft et du chinois ByteDance, propriétaire de TikTok. Ils sont dénommés "contrôleurs d'accès" ("gatekeepers", en anglais), car jugés incontournables pour leurs utilisateurs et soumis à des contraintes spécifiques.

Au total, la Commission a désigné 22 plateformes clés appartenant à ces six groupes: quatre réseaux sociaux (TikTok, Instagram, Facebook, LinkedIn), deux messageries instantanées (WhatsApp et Messenger), trois systèmes d'exploitation (Android, iOS, Windows), un moteur de recherche (Google), deux navigateurs (Chrome, Safari), six services d'intermédiation (Google Maps, Google Play, Google Shopping, Amazon Marketplace, App Store et Meta Marketplace), le site de partage de vidéos Youtube, ainsi que les services publicitaires de Google, Amazon et Meta.

Booking, le champion néerlandais des réservations hôtelières, et le réseau social X (anciennement Twitter) ont informé la Commission qu'ils avaient franchi les seuils réglementaires et pourraient rejoindre cette liste prochainement, tout comme le service publicitaire TikTok Ads.

• Pourquoi le DMA est-il mis en place?

La Commission européenne a constaté que ses règles traditionnelles, trop lentes et insuffisamment dissuasives, avaient échoué à empêcher certains acteurs dominants, essentiellement les "Gafam" américains (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), d'imposer des conditions déloyales à leurs rivaux.

Au fil des années, ils ont bridé voire évincé la concurrence sur plusieurs marchés clés. Avec le DMA, l'Europe se dote d'un arsenal législatif adapté aux réalités de l'économie numérique, pour protéger l'émergence et la croissance de start-ups en Europe et améliorer le choix offert aux utilisateurs.

Les "contrôleurs d'accès" doivent informer Bruxelles de tout projet d'acquisition d'entreprise du numérique en Europe, quelle que soit la taille de la cible. Objectif: freiner l'accaparement de l'innovation et les rachats ayant pour seul but d'éliminer un concurrent.

• Les services pré-installés vont-ils disparaître?

Les grandes plateformes ont tendance à "enfermer" les utilisateurs en les poussant à utiliser leurs services pré-installés: navigateur internet, cartographie, météo... Le DMA garantit la possibilité de désinstaller ces services intégrés par défaut et facilite le choix d'alternatives.

Le moteur de recherche Google a interdiction d'accorder un classement plus favorable aux produits et service du même groupe. Il est accusé depuis longtemps de favoriser notamment son comparateur de prix Google Shopping.

Cette logique s'applique également sur les recherches du moteur de recherche. Les nouvelles règles ont imposé à Google de désactiver le lien cliquable des cartes Maps qui s'affichent lorsqu'un lieu est recherché. Pour autant, il existe un moyen de réactiver cette option.

• Les magasins d'applications sont-ils concernés?

Les nouvelles réglementations européennes englobent bien les boutiques numériques. Les utilisateurs doivent pouvoir choisir celles de leur choix et télécharger directement leurs applications sur les sites des fournisseurs, sans passer par les acteurs dominants: l'App Store d'Apple ou Google Play.

Apple doit donc ouvrir ses iPhone à d'autres solutions d'achats d'applications. De même, le fabricant n'aura pas le droit d'imposer l'utilisation de son service de paiement Apple Pay aux développeurs qui souhaitent référencer leurs applications dans l'App Store.

• L'ère de l'interopérabilité est-elle arrivée?

Le DMA prévoit de permettre aux utilisateurs d'envoyer des messages, des vidéos et des images sur plusieurs messageries à la fois. Ainsi, les messageries instantanées WhatsApp et Messenger doivent être rendues interopérables avec les services de concurrents qui le demandent. En revanche, la solution d'Apple - iMessage - a été jugée trop petit pour être considérée comme un "contrôleur d'accès".

Dans la même logique, les entreprises concernées par les nouvelles règles européennes doivent accorder à tous les fournisseurs d'accessoires, comme des montres ou lunettes connectées, le même accès à leurs systèmes d'exploitation ou logiciels afin de ne pénaliser aucun concurrent.

• L'utilisation des données sera-t-elle mieux encadrée?

Les "contrôleurs d'accès" ont interdiction de croiser des données collectées à travers différentes plateformes pour le ciblage publicitaire de leurs utilisateurs sans leur consentement. Cette pratique au cœur des modèles économiques de Google et Meta a nécessité quelques adaptations pour les plateformes, notamment sur Facebook et Instagram.

Ils n'ont plus le droit de se servir des données générées par leurs entreprises clientes pour les concurrencer, comme Amazon est accusé de l'avoir fait pendant des années. Ils doivent fournir à leurs clients un accès à ces données.

La législation introduit la portabilité des données pour permettre aux utilisateurs d'un service en ligne de changer plus facilement de fournisseur. Les annonceurs et éditeurs obtiennent un accès accru aux données publicitaires pour savoir notamment qui voit les bandeaux en ligne et, ainsi, mieux évaluer leur efficacité.

• Quelles sanctions sont prévues par le DMA?

Pour éviter toute fragmentation du marché intérieur, le pouvoir de contrôle et de sanctions est confié à la Commission européenne, qui a constitué une équipe d'experts comptant actuellement une centaine de personnes.

Le règlement prévoit des amendes pouvant aller jusqu'à 10% du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise, et même 20% en cas de récidive. En dernier recours, la Commission pourra imposer un démantèlement du contrevenant en le contraignant à céder une activité.

P.M. avec AFP