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DMA: la liste des plateformes concernées dévoilée par la Commission européenne

L'Europe a dévoilé ce mercredi 6 septembre une liste des entreprises qui seront soumises au Digital Market Act (DMA). Ces nouvelles règles veulent s'attaquer aux pratiques anticoncurrentielles.

Cinq géants américains du numérique - Alphabet, Amazon, Apple, Meta et Microsoft - ainsi que le chinois ByteDance, propriétaire de TikTok, seront soumis à de nouvelles règles de l'UE plus strictes pour endiguer les pratiques anticoncurrentielles, selon une liste dévoilée mercredi.

Le règlement sur les marchés numériques (DMA) doit modifier profondément les modèles économiques de ces mastodontes, accusés d'évincer la concurrence en abusant de leur position dominante. Cette législation ouvre un nouveau front entre l'UE et la big tech, avec de nouvelles batailles judiciaires en perspective.

La Commission a désigné au total 22 plateformes clé appartenant à ces six groupes: quatre réseaux sociaux (TikTok, Instagram, Facebook, LinkedIn), deux messageries instantanées (WhatsApp et Messenger), trois systèmes d'exploitation (Android, iOS, Windows), un moteur de recherche (Google), deux navigateurs (Chrome, Safari).

Des amendes allant jusqu'à 20% du chiffre d'affaires

La liste comprend également six services d'intermédiation (Google Maps, Google Play, Google Shopping, Amazon Marketplace, App Store et Meta Marketplace), le site de partage de vidéos Youtube ainsi que les services publicitaires de Google, Amazon et Meta.

A l'initiative du texte, les commissaires Margrethe Vestager et Thierry Breton espèrent favoriser l'émergence de start-ups européennes et améliorer les services offerts aux consommateurs. Après des années à courir après les infractions dans des procédures judiciaires interminables, Bruxelles veut agir vite et fort.

Le DMA impose aux acteurs les plus puissants un carcan d'obligations et d'interdictions à respecter sous peine d'amendes dissuasives qui pourront atteindre 20% de leur chiffre d'affaires mondial en cas de récidives. La législation ouvre ainsi un nouveau front entre l'UE et la big tech, avec de nouvelles batailles judiciaires en perspective.

"Nous avons déjà commencé à discuter avec les entreprises qui ont compris que les règles du jeu ont changé", explique Thierry Breton. Il affirme que la Commission européenne, qui détiendra le pouvoir de contrôle et de sanctions, "n'hésitera pas à prendre des mesures fortes".

Changer l'industrie du numérique en Europe

L'objectif est d'agir avant que les comportements abusifs n'aient déjà détruit la concurrence et engendré un quasi-monopole comme celui de Google dans les moteurs de recherche.

La législation "change l'industrie du numérique en Europe et transforme un secteur non réglementé en un secteur profondément réglementé", souligne Alexandre de Streel, directeur académique du Centre on Regulation in Europe (CERRE).

Parmi les nouvelles règles, l'UE va imposer l'interopérabilité des services de messagerie qui permettra par exemple à un utilisateur de Signal de communiquer avec un contact utilisant WhatsApp (Meta).

Entré en vigueur le 2 mai 2023, le règlement s'appliquera à partir du 6 mars 2024 aux firmes désignées mercredi comme "contrôleurs d'accès" ("gatekeepers"), en raison de leur taille qui les rend incontournables dans la vente en ligne, les moteurs de recherche, les réseaux sociaux ou les systèmes d'exploitation.

Des contestations juridiques inévitables

Quelques règles entrent en vigueur immédiatement. C'est le cas de la nouvelle obligation pour ces plateformes d'informer la Commission de toute opération de rachat, quelle que soit la taille de la cible.

Par ailleurs, Google se verra interdire tout favoritisme envers ses propres services dans les résultats de son moteur de recherche, comme il a été accusé de le faire avec son site de vente en ligne Google Shopping.

La nouvelle loi empêchera le géant du e-commerce Amazon d'utiliser les données générées sur ses sites par des entreprises clientes pour mieux les concurrencer. Le DMA contraindra Apple à autoriser sur ses produits, comme ses célèbres iPhone ou iPad, d'autres boutiques d'applications que l'Apple Store.

Des contestations et recours en justice sont à attendre vu l'importance des intérêts en jeu. Le nouveau règlement "est une loi complexe dans un environnement complexe, il est inévitable d'avoir des contestations juridiques au début", estime Alexandre de Streel: "je m'attends à ce que certaines entreprises veuillent contester la désignation de certains de leurs services".

Amazon et la boutique en ligne allemande Zalando ont déjà saisi les tribunaux de l'UE pour contester leur désignation parmi les 19 "très grandes" plateformes qui doivent respecter depuis fin août des règles renforcées de transparence et de lutte contre les contenus illégaux, dans le cadre d'un autre règlement, celui sur les services numériques ("Digital Services Act", DSA).

Apple "très préoccupé"

La liste des "contrôleurs d'accès" sera régulièrement revue pour tenir compte des évolutions du marché. Trois services de Microsoft (le navigateur Edge, le moteur de recherche Bing ainsi que Microsoft Advertising) font l'objet de recherches supplémentaires par la Commission pour une éventuelle désignation ultérieure, tout comme le service de messagerie iMessage et le système d'exploitation iPadOS d'Apple.

La marque à la pomme s'est d'ailleurs dite "très préoccupée" par les nouvelles règles, estimant qu'elles posent des problèmes pour la vie privée et la sécurité des données.

Microsoft s'est réjoui que ses trois services remplissant des critères pour être ciblés par la législation en soient pour l'instant exemptés. "Nous nous félicitons de la décision de la Commission d'ouvrir une enquête de marché pour examiner notre demande d'exemption de Bing, Edge et Microsoft Ads - qui opèrent en tant que challengers sur le marché", a déclaré un porte-parole.

"Nous continuerons à travailler en étroite collaboration avec la Commission européenne pour nous conformer à la loi", a réagi Oliver Bethell, directeur des affaires juridiques de Google.

P.M. avec AFP