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Tiktok: la Chine espionne-t-elle vraiment les utilisateurs du réseau social?

La Chambre des représentants a voté un texte menaçant d'interdire Tiktok, le 20 avril 2024

La Chambre des représentants a voté un texte menaçant d'interdire Tiktok, le 20 avril 2024 - Antonin UTZ

Une interdiction de l’application est envisagée aux États-Unis. Les Américains l'accusent d'espionner ses utilisateurs pour le compte du gouvernement chinois. Mais quand est-il réellement?

Tiktok bientôt interdit aux Etats-Unis? C'est en tout cas ce que souhaite la Chambre des représentants qui a voté ce samedi 20 avril en faveur de l'interdiction du réseau social chinois aux Etats-Unis, à moins qu'il ne coupe ses liens avec sa maison mère ByteDance. Le texte, censé être une réponse aux soupçons d'espionnage qui pèsent sur la plateforme, doit être examiné par le Sénat à compter de ce mardi.

Comme toutes les plateformes, TikTok récolte certaines données personnelles de ses utilisateurs. Ce n’est donc pas la collecte des données elle-même qui inquiète les autorités, mais davantage ce qu’il en advient une fois transmises aux serveurs de TikTok. En effet, une loi chinoise sur le renseignement national contraint les entreprises du pays à partager leurs données sur simple demande des autorités.

Résultat, de nombreux responsables politiques estiment que la plateforme permet à Pékin d'espionner ses 170 millions d'utilisateurs aux Etats-Unis. Le projet de loi vise ainsi "à solutionner des questions légitimes de sécurité nationale et de protection des données liées aux rapports du Parti communiste chinois avec un réseau social", avait expliqué en mars le chef de file des démocrates à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries. "Tiktok est un cheval de Troie moderne du Parti communiste chinois utilisé pour surveiller les Américains", accusait aussi l'élu républicain Michael McCaul.

Données transmises aux salariés

Des inquiétudes partagées dans d'autres pays européens, dont la France. En janvier dernier, Sylvain Maillard, le président du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale a menacé de défendre l'interdiction de Tiktok en France.

"Je vois ce que fait Tiktok; je pense que c'est un site organisé pour nous rendre totalement débile. (...) Il faut aider les parents, si c'est nocif il faut faire en sorte de l'interdire" avait-t-il plaidé sur Franceinfo.

Et l'arrivée de Tiktok Lite n'a rien arrangé. L'application, visée par une enquête de la Commission Européenne, a renforcé les craintes des pays européens.

TikTok Lite dans l'œil de Bruxelles – 18/04
TikTok Lite dans l'œil de Bruxelles – 18/04
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La société a nié, à plusieurs reprises, avoir transmis des informations aux autorités chinoises et assure qu'elle refuserait toute requête éventuelle en ce sens. En revanche, l'entreprise a été très claire en novembre 2022: ses salariés chinois peuvent accéder aux données personnelles des utilisateurs européens, et notamment français. Pour autant, Tiktok assure le faire pour que l’expérience de la plateforme soit "fiable, agréable et sûre", précise un billet de blog.

Les données peuvent notamment être utilisées pour améliorer la performance des algorithmes de recommandation et pour détecter les comptes automatisés. Le tout, dans un cadre "strict et limité", selon l'entreprise.

Espionnages en série

Pourtant, plusieurs journalistes ont révélé avoir été espionnés par Tiktok. C'est le cas de Christina Criddle, journaliste pour le Financial Times, qui avait assuré en mars 2023 avoir été espionnée par Tiktok. L'application aurait suivi ses déplacements en traquant le compte de son chat. Le tout, sans son consentement. TikTok et Bytedance se sont excusés auprès de la journaliste, affirmant que cela "ne se reproduirait plus jamais".

Quelques mois auparavant, fin 2022, plusieurs journalistes américains du magazine Forbes, de BuzzFeed et du Financial Times affirmaient également qu'ils avaient été espionnés par des salariés du réseau social chinois. Les journalistes avaient en commun le fait d'avoir couvert des affaires liées à Tiktok par le biais d'informations obtenues de manière confidentielle. L'entreprise cherchait à obtenir l’identité des sources qu'ils avaient utilisée dans leurs enquêtes.

ByteDance a reconnu que quatre de ses employés, dont deux basés en Chine, avaient consulté des informations sur des utilisateurs américains. Parmi eux, des journalistes américains. L'entreprise assure avoir licencié trois de ces employés, le dernier ayant démissionné, d'après le New York Times.

Le projet Texas jugé inefficace

Depuis, la firme assure avoir pris des mesures pour que cela ne se reproduise plus. Tiktok brandit notamment les Projet Texas et Projet Clover, qui visent à créer des "bulles" de protection autour des données américaines et européennes. Concrètement, les données européennes sont progressivement stockées dans des data centers en Europe. Le projet Texas fonctionne de la même manière aux Etats-Unis.

Le hic, c'est que le projet est jugé "inefficace". Selon plusieurs ex-employés interrogés par Fortune, de nombreux salariés auraient continué à travailler en étroite collaboration avec les dirigeants de ByteDance, basés à Pékin, après la mise en œuvre du plan.

Le régulateur irlandais, qui a compétence sur TikTok dans toute l'Union Européenne, a de son côté lancé une enquête en septembre 2021 sur les "transferts par TikTok de données personnelles vers la Chine".

Salomé Ferraris