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Un référendum sur les retraites? Pourquoi la demande des oppositions n'a aucune chance d'aboutir

La gauche et l'extrême droite ont chacune déposé une motion référendaire. Or, pour que cette disposition aboutisse, les deux chambres doivent l'adopter à la majorité. Surtout, le dernier mot revient au président de la République.

La Nupes et le Rassemblement national ont déposé une motion référendaire ce mardi. L'objectif: obtenir l'organisation d'un référendum sur la question des retraites et suspendre la discussion du projet de loi actuel de l'exécutif. Pour autant, ce scénario n'a quasiment aucune chance d'aboutir.

Pour être déposée, une motion référendaire nécessite la signature d'un dixième des membres de l'Assemblée nationale, soit 58 députés. Elle doit également répondre à un projet de loi portant sur des sujets définis par l'article 11 de la Constitution. "La politique économique, sociale ou environnementale" en fait partie. Aucun obstacle majeur donc pour ce qui est du dépôt de ces motions sur la réforme des retraites.

Majorité des deux chambres

Là où le bât blesse, c'est au moment du vote. Pour être adoptée, cette disposition doit recueillir, dans un premier temps, une majorité simple des suffrages à l'Assemblée nationale. Or, avec la composition actuelle de l'hémicycle, même si les députés d'extrême droite et de la gauche votaient une même motion, cela ne constituerait pas une majorité.

Pour l'atteindre, les voix des députés Les Républicains seraient nécessaires. Or, même si certains au sein de ce groupe sont opposés au texte, le chef de file de ces parlementaires, Olivier Marleix, ainsi que le patron du parti, Éric Ciotti sont favorables à une réforme des retraites.

Surtout, une adoption de cette initiative à l'Assemblée nationale ne signerait pas la fin du parcours. Ce serait ensuite au Sénat de statuer dans un délai de 30 jours. Or, celui-ci est à majorité de droite et vote depuis plusieurs années un amendement pour reporter l'âge légal de départ à la retraite et accélérer la mise en oeuvre de la réforme Touraine - soit des mesures défendues par le gouvernement.

La décision finale revient au président

Preuve que le scénario est très improbable: le président de la République aurait le dernier mot dans tous les cas. En effet, si les deux assemblées adoptent la motion référendaire, c'est au chef de l'État qu'il revient de, s'il le souhaite, "soumettre à référendum" le projet de loi, précise l'article 11.

Or, l'exécutif s'est montré très clair sur le sujet. En attestent les propos d'Olivier Véran sur BFMTV mardi lors d'un débat sur les retraites avec Mathilde Panot, cheffe de file des députés La France insoumise, et Jordan Bardella, patron du Rassemblement national.

"Il n'y a jamais eu de réforme des retraites qui soit passée par référendum", a d'abord souligné le porte-parole du gouvernement.

L'exécutif en danger en cas de référendum

Évoquant les dernières élections présidentielle et législatives, il a poursuivi: "Vous avez eu une chance au grattage, une chance au tirage. [...] Derrière, que vous veniez nous dire en troisième séance, 'on va faire un référendum', non, ça ne marche pas comme ça". Une preuve de plus, s'il en fallait, qu'un éventuel référendum sur les retraites est on ne peut plus hypothétique.

Ce serait d'autant plus surprenant de la part du président de la République, que la réforme des retraites actuelle est de plus en plus impopulaire auprès des Français. 66% d'entre eux se disaient opposés à ce texte dans le dernier sondage d'Elabe pour BFMTV - soit une augmentation de 7 points en une semaine. Un éventuel référendum ressemblerait ainsi à une opération kamikaze pour le gouvernement.

"Le résultat est couru d'avance. A partir du moment où on demande des efforts supplémentaires aux Français, il y a aucune chance que cette réforme sacrificielle soit adoptée par référendum", estime Matthieu Croissandeau, éditorialiste politique de BFMTV.

D'autant que résumer une réforme aussi complexe en une question référendaire serait également bien compliqué pour l'Élysée. "Une bonne réforme des retraites devrait se faire en théorie dans le compromis. Ça ne se prête guère à des questions binaires comme on en voit dans les référendums", conclut Matthieu Croissandeau.

Baptiste Farge