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Simplification de la fiche de paie: ce qui va changer pour les salariés et les entreprises

La proposition du nouveau bulletin de paie dévoilée par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.

La proposition du nouveau bulletin de paie dévoilée par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. - Capture d'écran X - Bruno Le Maire

Un nouveau bulletin de salaire, plus court et plus simple, va faire son apparition. Risque-t-il de réduire les informations essentielles des salariés? Va-t-il faciliter la vie des entreprises? On fait le point.

Les employeurs vont faire des économies d'encre. La fiche de paie va être raccourcie au strict minimum. Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire veut ainsi "passer de plus de 50 lignes et à une quinzaine", les détails restant malgré tout accessibles sur demande.

C'est l'une des mesures présentées par le gouvernement dans le cadre de son plan de simplification. Avec pour objectifs d'améliorer la lisibilité pour les salariés et d'alléger les contraintes pour les entreprises.

À quoi va ressembler la nouvelle fiche de paie?

Bruno Le Maire a publié un exemple sur son compte X. L'objectif est de dégrossir au maximum. La nouvelle version doit donc présenter les principales sommes, en trois grands blocs: les éléments de rémunération, les cotisations salariales et patronales et les autres versements divers.

Famille, chômage, retraite, accident du travail… Si on zoome un peu, on voit vite que c'est surtout le détail de répartition des cotisations entre les branches de la Sécurité sociale qui risque bien de disparaître. Le ministère estime d'ailleurs que ces lignes "sont les plus difficiles à comprendre".

Sur votre nouvelle fiche de paie, vous ne verrez plus non plus le détail du remboursement de vos frais de transport, ou des retenues liées aux titres-restaurant.

Mais le modèle présenté n'est pas définitif. Le gouvernement doit encore réfléchir avec les partenaires sociaux pour présenter la nouvelle mouture d’ici 2027. Avec potentiellement des ajouts ou des modifications. "Je ne crois pas à cette version édulcorée, je pense qu'in fine, beaucoup de lignes seront rajoutées", commente même Baptiste Tetier, spécialiste RH au sein du cabinet de conseil Epsa.

Qu'est-ce qui va changer pour les salariés?

Avez-vous eu l'air interloqué lorsque vous avez découvert votre première fiche de paie? Ce sentiment s'est peut-être transformé, au fil des années, en une sobre indifférence face à la succession de pourcentages, de chiffres et d'acronymes.

"La quantité d'informations fait que vous n'avez même pas envie de rentrer dedans", assure Firmin Zocchetto, co-fondateur de Payfit, une entreprise qui propose elle-même un logiciel de paie et un bulletin de salaire simplifié.

Le dirigeant estime aussi que de nombreuses informations ne sont pas primordiales. "Sur les congés par exemple, les compteurs n-1, n-2, les RTT, les congés de fractionnement… Ces choses ne servent que pour les puristes de la paie", juge Firmin Zocchetto.

"Sur les congés, ce qui intéresse vraiment les salariés, c'est le nombre de jours qu’ils peuvent poser, et jusqu'à quelle date."

Selon lui, la présence ou l'absence de ces détails ne changent rien, puisque ces informations sont difficilement compréhensibles sans l'aide d'un gestionnaire de paie. "Que l'information soit présente sur la fiche de paie ou pas, si on a besoin d'une information, on demande aux RH", conclut-il. Le directeur de Payfit voit donc d'un très bon œil l'annonce de Bruno Le Maire.

Mais tous ne sont pas de son avis. Même si les Français ne comprennent pas forcément le détail de leur fiche de paie, ils peuvent les comparer d'un mois sur l'autre pour détecter des anomalies. Le ministre de l'Économie précise toutefois que "l'intégralité des informations restera disponible sur demande par le salarié".

Mais ce n'est pas la seule crainte exprimée. Le bulletin de paie a aussi une vertu "pédagogique". "Il permet de se rendre compte de la part qui est portée par l'employeur, la France est le deuxième pays en Europe avec le plus haut taux de charges patronales", juge Baptiste Tetier, spécialiste RH au sein du cabinet de conseil Epsa.

"La fiche de paie aide à se rendre compte de la valeur réelle du travail, pour payer la protection sociale de tous les Français."

Le même raisonnement vaut pour les cotisations salariales. L'Association Attac dénonce cette simplification qui va "faire disparaître le fait que les cotisations sociales financent l'assurance chômage, les congés maladie ou les retraites".

Selon Baptiste Tetier, il faudrait a minima garder le détail de financement des cinq branches de la Sécurité sociale, et expliquer leur signification au salarié. "La fiche de paie a vocation à donner de l’information aux salariés, il faut simplement prendre le temps de faire de la pédagogie", conclut-il.

Qu'est-ce qui va changer pour les employeurs?

Le deuxième objectif de Bruno Le Maire est de simplifier la vie et le travail des entreprises, avec une fiche de paie plus succincte. Mais en réalité, "ça ne changera pas grand-chose", anticipe Baptiste Tetier.

Dans tous les cas, les données détaillées devront être transmises au salarié à sa demande. Les services de paie devront donc continuer à produire ces données. "Par ailleurs, un inspecteur Ursaff peut imposer à n'importe quel moment à une entreprise de fournir les bulletins non simplifiés", explique-t-il.

"Je ne suis pas sûr que ça représentera un gain de temps pour les gestionnaires de paie."

Cette simplification du bulletin de paie pourra-t-elle, au moins, permettre d'alléger le travail des RH avec moins de sollicitations d'employés qui ne comprennent pas leur rémunération? En 2018, une première simplification de la fiche de paie avait eu lieu et le nombre de lignes avait été réduit.

"Les entreprises que j'audite n’ont pas eu moins de réclamations ou de demandes d’explications de la part des salariés après la simplification de 2018", rapporte Baptiste Tetier.

"Ils ont été autant sollicités parce qu'il y a une complexité dans la paie française", conclut le consultant. L'enjeu semble se trouver aussi du côté de l'explication et de la mise en forme des informations, et pas uniquement dans la réduction du nombre de ligne.

Marine Cardot