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Politique

L'hommage prudent de la gauche à Charles Pasqua

Charles Pasqua est mort lundi 29 juin 2015.

Charles Pasqua est mort lundi 29 juin 2015. - AFP

Charles Pasqua est mort lundi à l'âge de 88 ans. La disparition de ce pilier de la famille gaulliste, personnage fort en gueule, ancien "premier flic de France" à la réputation sulfureuse et habitué des tribunaux a fait réagir la gauche, entre hommage prudent et critique.

A droite, l’hommage est fort et à l’unisson. Avec la mort de Charles Pasqua lundi soir, la France a perdu “l'un de ses plus grands serviteurs", déplore Nicolas Sarkozy. François Fillon a lui le "coeur fendu", quand Brice Hortefeux évoque une "perte terrible" et Patrick Balkany se dit "effondré" de la disparition de “notre père à tous”. Si la gauche salue elle aussi l’ancien ministre, l’hommage est plus mesuré - se focalisant sur ses qualités de résistant et de pilier la droite gaulliste, ou sur "l’homme" Pasqua - voire critique.

Car l’homme politique de 88 ans traînait aussi une sulfureuse réputation. Habitué des tribunaux, il était cité dans une dizaine d’affaires, et avait été définitivement condamé en 2010 dans deux dossiers, le financement illégal de sa campagne européenne de 1999 et dans l'affaire des détournements de fonds au préjudice de la Sofremi.

Hommages plus prudents au PS

Sur le compte Twitter de l’Elysée, l’hommage est plutôt circonspect. "Le président François Hollande a appris le décès de Charles Pasqua. Il adresse à sa famille et à ses proches ses sincères condoléances", est-il simplement écrit sur le réseau social ce mardi.

Le chef de l’Etat François Hollande en dit un peu plus dans un communiqué diffusé en parallèle par l’Elysée: restant dans la mesure, il salue "la mémoire d'un gaulliste qui fut deux fois Ministre de l'intérieur" ayant "animé de toute sa personnalité la vie politique". Le ton du communiqué est aussi très sobre place Beauvau: si Bernard Cazeneuve rend hommage à son prédecesseur, c’est uniquement au titre des ses anciennes fonctions de premier flic de France. "M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, salue la mémoire de M. Charles Pasqua, dont la carrière politique fut notamment marquée par deux passages au ministère de l'Intérieur. Il adresse à sa famille et à ses proches ses plus sincères condoléances républicaines", indique un bref texte du service de presse du ministère.

"Voix originale et parfois controversée"

L’hommage du Premier ministre Manuel Valls est à la fois plus appuyé et introduit une once de critique. "Jeune résistant, gaulliste, ministre, voix originale et parfois controversée”, a réagi le Premier ministre sur son compte Twitter. "Charles Pasqua incarnait une certaine idée de la France", conclut-il.

La formule est ambigüe: faut-il seulement y voir un commentaire positif, en écho à la célèbre phrase du général de Gaulle ("Toute ma vie je me suis fait une certaine idée de la France"), ou aussi négatif ? Elle a en tout cas été reprise par le premier secrétaire du Parti socialiste. "Charles #Pasqua est un grand gaulliste, qui était d'abord résistant et qui avait une certaine idée de la France", a lui aussi dit Jean-Christophe Cambadélis.

Charles Pasqua a aussi reçu l’hommage du président PS de l'Assemblée nationale Claude Bartolone. "Figure de la droite gaulliste, il fut un des acteurs majeurs de la Ve République", explique-t-il dans un communiqué, avant de louer un “homme chaleureux", "gaulliste et bon vivant", "souriant, ne résistant pas à la tentation d'un mot d'esprit, d'une chansonnette ou d'une déclaration audacieuse. Jean-Paul Huchon, le président PS de la région Ile-de-France a lui voulu rendre hommage à celui qui a présidé pendant 19 ans le conseil général des Hauts-de-Seine. "Gaulliste de tout son être, il a su dépasser les clivages partisans dans l'intérêt des alto-sequoinais. Au-delà des péripéties de la vie politique, je veux me souvenir des qualités humaines de l'homme : sa faconde, son redoutable sens de l'humour et la force de son engagement républicain", dit-il dans un communiqué.

Imité par Jean-Luc Mélenchon

Bruno le Roux, le président du groupe PS à l'Assemblée nationale, est plus nuancé. "Même si son action fut controversée, je veux saluer le résistant attaché à la République", a-t-il tweeté.

Le frondeur Jérôme Guedj a lui tweeté un hommage teinté d’une pointe d’ironie. "En forme d'hommage se souvenir que nous l avons politiquement combattu, ce qui a suscité bien des engagements dans la génération # Pasqua", dit le Conseiller départemental PS de l'Essonne.

Hors du PS, les hommages sont nettement moins nombreux. Le leader du Parti de gauche Jean-Luc Mélenchon a lui voulu se souvenir de ce personnage fort en gueule, imitant son accent de petit-fils de berger corse. C'était un républicain qui n'avait pas peur. Je le croise une fois dans un couloir et je lui dis : 'mais dis donc Charles, c'est toi qui a expulsé 43 diplomates américains ?'. Il me répond : 'non, c'est pas moi'. Alors on passe et je me retourne et je dis : 'mais si c'est toi, je m'en souviens très bien'. Il me dit : 'Non, moi j'ai expulsé 43 espions américains', a confié le député européen sur France Info, dans un extrait repéré par le Lab d'Europe 1.

"Moi je pense à Malik Oussekine"

La patronne des Verts Emmanuelle Cosse et adjoint PCF à la mairie de Paris Ian Brossat ont eux en revanche refusé de saluer Charles Pasqua, préférant rappeler le sort de Malik Oussekine, un jeune homme d'origine marocaine, mort sous les coups de la police pendant une manifestation étudiante à Paris en 1986, lorsque Charles Pasqua était ministre de l'Intérieur.

"On évoque le résistant, la lutte contre le terrorisme, la FrançAfrique, l'anti-Maastricht. Et moi je pense à Malik Oussekine", a tweeté Emmanuelle Cosse. De son côté, Ian Brossat a provoqué de très vives réactions en lâchant sur Twitter: "En tête, ce soir, le visage de Malik Oussekine qui, lui, n'a pas eu la chance de vivre jusqu'à 88 ans..."

V.R.