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Une "atteinte à la liberté d'association": la gauche dénonce la dissolution des Soulèvements de la Terre

Marine Tondelier le 12 janvier 2023 à Paris pendant ses vœux aux journalistes.

Marine Tondelier le 12 janvier 2023 à Paris pendant ses vœux aux journalistes. - Emmanuel DUNAND / AFP

Le gouvernement a confirmé ce mercredi la dissolution du collectif écologiste Les Soulèvements de la Terre. Plusieurs personnalités de gauche, mais aussi une ex-ministre d'Emmanuel Macron, ont critiqué cette décision.

Une décision critiquée à gauche... Mais pas seulement. Alors que le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a confirmé ce mercredi matin la dissolution des Soulèvements de la Terre en Conseil des ministres, des voix s'élèvent pour dénoncer cet acte.

"On peut manifester, on peut revendiquer, on peut appeler à changer la loi. Mais (...) il faut distinguer les comportements de militantisme et les comportements violents. Cette tentative de dire que la violence est légitime, on doit la contester", a expliqué Olivier Véran pour justifier cette dissolution à l'issue du Conseil des ministres.

Déjà annoncé mardi par Gérald Darmanin lors des questions au gouvernement ce mardi, la manœuvre vise à mettre fin à l'existence de ce collectif écologiste qui rassemble des associations comme la Confédération paysanne, Attac ou Extinction Rebellion.

Une "cabale médiatique et policière"

Plusieurs personnalités politiques ont fait part de leur opposition à cette décision. Plus d’une centaine d’élus écologistes et de La France insoumise, dont David Belliard, Mathilde Panot ou encore Sandrine Rousseau ont signé mercredi une tribune dans Libération pour contester la dissolution du mouvement.

"Dissoudre les Soulèvements de la Terre sous prétexte de quelques épisodes tendus, c’est à peu près aussi absurde que de vouloir dissoudre l’intersyndicale parce que des personnes violentes se glissent dans les cortèges pour saccager des vitrines ou des abris de bus", ont-ils affirmé.

Ils y voient un "échec du point de vue des luttes liées à la révolution écologique" et un péril pour "nos libertés publiques".

Jean-Luc Mélenchon a partagé ce un extrait de son passage dans BFM Politique dimanche où il se dit "absolument contre" cette dissolution, qu'il juge "stupide".

Le gouvernement avait engagé la procédure dès le 28 mars, quelques jours après les violents affrontements entre gendarmes et opposants aux retenues d'eau de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) dont il avait imputé la responsabilité au mouvement.

"À Sainte-Soline, la violence a été provoquée par M. Darmanin", a rétorqué Jean-Luc Mélenchon dans son tweet mercredi.

"Nous, parlementaires de la France Insoumise, soutenons les militantes et les militants écologistes pacifistes des Soulèvements de la Terre", ont déclaré les députés La France insoumise dans un communiqué mardi. Ils ont fustigé une "cabale médiatique et policière" menée par le ministre de l'Intérieur.

EELV se joint au recours juridique

De son côté, Marine Tondelier avait dit attendre "de voir leurs éléments pour justifier cette dissolution" et "ce qui justifie cette atteinte à la liberté d'association et de réunion".

"Juridiquement on suivra ça avec attention", avait averti la cheffe d'Europe Écologie Les Verts sur Public Sénat mercredi matin.

Un peu plus tard dans la journée, EELV a fait savoir dans un communiqué que "son Bureau exécutif a décidé de se joindre au collectif les Soulèvements de la terre pour initier un recours devant le Conseil d’Etat contre cette décision".

Sur BFMTV, Marine Tondelier a fustigé une "dissolution politique" et estimé que Gérald Darmanin "règle ses comptes politiques" avec cette décision. Concernant les violences dans des manifestations qui justifieraient la dissolution, la secrétaire nationale d'EELV a affirmé qu'elles "ne venaient pas des Soulèvements de la Terre et pas que des manifestants", mais "aussi parfois de la police".

Barbara Pompili "gênée"

Les membres de partis de gauche ne sont pas les seuls à être en désaccord avec cette dissolution. Une ex-ministre d'Emmanuel Macron, Barbara Pompili, s'est également dit "gênée" auprès de Libération. La députée Renaissance a estimé que les militants des Soulèvements de la Terre ont "transgressé la loi" et qu'"ils peuvent, et même doivent être poursuivis".

"Mais il faut réserver les dissolutions à des cas très spécifiques. Dès qu’une association transgresse la loi, il faudrait la dissoudre? Ça peut aller loin, on prend le risque d’ouvrir une boîte de Pandore", a ajouté l'ex-ministre de la Transition écologique, auparavant membre d'EELV.

Elle avait déjà pris position à rebours du gouvernement lors des débats sur la réforme des retraites, qu'elle jugeait "pas assez équilibré pour être votable en l'état" en janvier.

Un appel à des rassemblements

Pour la Ligue des droits de l'Homme, association qui a récemment fait l'objet de menaces de Gérald Darmanin concernant les subventions qui lui sont allouées, cette dissolution relève d'une "instrumentalisation politique". La LDH estime qu'elle vise "entre autres à justifier a posteriori les excès de violence de la répression de la manifestation du 25 mars à Sainte-Soline". Elle a dénoncé une "remise en cause des libertés d’association, de manifestation, d’expression, ainsi que des droits de la défense que sous-tend le décret de dissolution".

La LDH a appelé à rejoindre les rassemblements de soutien au collectif ce mercredi soir. Les Soulèvements de la Terre ont en effet appelé à des rassemblements devant les préfectures pour constituer un "réseau de résistance"

"Après nous avoir jeté ses grenades mutilantes au visage, [le gouvernement] prétend que nous n’aurions plus le droit d’exister ensemble, ni de nous organiser", a déclaré le collectif dans un communiqué mercredi. "Malgré la dissolution, les Soulèvements ressurgiront au débotté sur des chantiers ou au cœur  d’un site industriel, déborderont de rues bondées de clameurs contre l'ordre marchand, s’enracineront dans des jardins pirates, des maisons du peuple ou des fermes communes", ont-ils promis.

Sophie Cazaux