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"Les Soulèvements de la Terre": quel est ce mouvement écologiste que Gérald Darmanin veut dissoudre?

Des manifestants contre la construction d'une nouvelle réserve d'eau pour l'irrigation agricole, à Sainte-Soline, le 25 mars 2023.

Des manifestants contre la construction d'une nouvelle réserve d'eau pour l'irrigation agricole, à Sainte-Soline, le 25 mars 2023. - Pascal Lachenaud / AFP

Créé en 2021 sur les terres de la ZAD de Notre-Dames-des-Landes, ce collectif est l'un des organisateurs de la lutte contre les "méga-bassines" de Sainte-Soline.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé ce mardi avoir engagé la procédure de dissolution du mouvement "Les Soulèvements de la Terre", qu'il accuse d'être à l'origine d'"actions violentes" survenues samedi à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), lors d'une manifestation contre la construction de "méga-bassines" de retenue d'eau.

Le groupement était déjà dans le viseur des autorités. En décembre, Le Parisien révélait une note du service central du renseignement territorial intitulée "Les Soulèvements de la Terre, vecteur de radicalité des luttes écologistes" et qui notait notamment une "appropriation du black bloc par les luttes écologistes".

Groupement d'organisations

Ce mouvement a été créé en janvier 2021 depuis la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. L'objectif est d'agréger des organisations venues d’horizons différents et de "construire un réseau de luttes locales tout en impulsant un mouvement de résistance et de redistribution foncière à plus large échelle".

En effet, parmi les signataires du texte fondateur des Soulèvements de la Terre, on trouve des organisations diverses comme, par exemple, la Confédération Paysanne, les Amis de la Terre, Attac France, Extinction Rebellion ou encore des fermes du pays ou des chercheurs.

Défense de la terre et de l'eau

Sur BFMTV, Basile Dutertre, porte-parole du collectif, explique que ce dernier mène "des actions de désobéissance civile et de désarmement d'infrastructures qui sont des armes de destruction massive du vivant comme les bassines ou les centrales à béton, qui raient la possibilité même d'une vie sur Terre dans les décennies qui viennent".

Les Soulèvements de la Terre luttent notamment contre l'agro-industrie, l'accaparement des sols et l'artificialisation des sols. Ils prônent "la défense de la terre et de l'eau comme bien commun face à l'accaparement par le complexe agro-industriel et face au bétonnage par la méga-machine métropolitaine", peut-on lire sur leur site.

"C'est la volonté d’établir un véritable rapport de force en vue d'arracher la terre au ravage industriel et marchand".

"Nous nous efforçons d'établir une relation de soin quotidien à la terre et au vivant pour nourrir nos semblables", détaille le collectif.

Urgence

"Nous sommes des jeunes révoltés qui ont avons grandi avec la catastrophe écologique en fond d'écran et la précarité comme seul horizon", poursuit le mouvement.

Celui-ci réunit des individus qui légitiment leurs actions face à l'urgence et la fatalité de la situation climatique et écologique. Ils explique ne plus pouvoir "se contenter de tribunes, de pétitions, de manifs-promenades".

"Seul un basculement radical - un soulèvement - pourrait permettre d'enrayer le réchauffement climatique et la 6ème extinction massive des espèces déjà en cours", décrivent-ils.

"Il ne nous reste aujourd'hui plus d'autre voie que de mettre toutes nos forces dans la bataille pour enrayer le désastre en cours, et abattre le système économique dévorant qui l'engendre", alerte le mouvement.

Actions de "désarmement"

L'organisation fonctionne en "saisons". Tous les six mois, lors d'"interludes", elle structure un calendrier d'actions pour la saison à venir, "marquée à la fois par des actions publiques de masse et des surgissements inopinés".

Par exemple, lors de la première "saison" les militants des Soulèvements de la Terre se sont mobilisés à Besançon pour défendre des jardins ouvriers, à Rennes contre l’agrandissement du stade de foot ou au Puy-en-Velay contre le projet de déviation d'une route nationale.

Plus récemment, si l'action n'a pas été revendiquée par le collectif mais seulement relayée, les renseignements attribuent, selon Le Parisien, l'envahissement et les dégradations d'une usine Lafarge près de Marseille aux Soulèvements de la Terre.

"Il semble que la pression monte contre le géant écocidaire du béton, toujours poursuivi pour complicité de crimes de guerre contre l'humanité", se justifie le mouvement sur son site.

Basile Dutertre, porte-parole du collectif, juge que "désarmer" ces structures est "tout à fait légitime".

Les bassines comme "basculement"

Les Soulèvements de la Terre considèrent la mobilisation contre les bassines de Sainte-Soline comme un "basculement". "(Ils) ne s’engagent pas dans des conflits de voisinage mais pour des luttes à l’impact national", explicite auprès du JDD Julien Le Guet, un des leaders du collectif "Bassines non merci".

"À l’époque, nous avions aussi présenté notre combat lors d’une interlude", se rappelle-t-il sans vouloir dater plus précisément les faits. "Ils nous ont apporté de l’aide, notamment des compétences et de l’expérience. Notre lutte a alors monté en gamme".

L'action des Soulèvement de la Terre fonctionne effectivement de la sorte: une contestation démarre localement puis est structurée et aidée par le mouvement plus large.

"Basculer dans la radicalité"

"Le noyau dur des Soulèvements de la Terre, composé initialement de stratèges d’ultragauche, s’est progressivement élargi à des militants issus de collectifs environnementaux, comme le groupe de désobéissance civile Extinction Rebellion, au sein duquel de nombreux membres, progressivement désabusés par les manifestations et actions de désobéissance civile jugées stériles, sont enclins à basculer dans la radicalité", observent les renseignements territoriaux dans la note consultée par Le Parisien.

Selon eux, il y a là une "appropriation du black bloc par les luttes écologistes" avec des militants "n'hésitant pas à affronter les forces de l’ordre pour commettre leurs exactions (dégradations, intrusions, sabotages…) (…) équipés de masques à gaz, parapluies, et armés de pierres, mortiers, cocktails molotov, boules de pétanque…".

Alors que Gérald Darmanin avait qualifié les manifestants de Sainte-Soline d'"écoterroristes" en octobre dernier, les Soulèvements de la Terre se savaient dans le viseur du ministère et avaient déjà publié une tribune en ce sens.

Ce mardi, Basile Dutertre, porte-parole du collectif, qualifie la volonté de dissolution d'"opération de diversion pour faire oublier la politique criminelle du week-end dernier à Sainte-Soline".

"On voit mal comment Darmanin pourrait dissoudre un mouvement, nous ne sommes pas une association ou un collectif", poursuit-il auprès de BFMTV.

"On voit mal comment Darmanin pourrait dissoudre un mouvement, nous ne sommes pas une association ou un collectif", a-t-il conclu.

Salomé Robles