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Tunisie : une journée de deuil sous haute tension

Une foule compacte a accompagné le cercueil transportant le corps de Chokri Belaïd jusqu'au cimetière.

Une foule compacte a accompagné le cercueil transportant le corps de Chokri Belaïd jusqu'au cimetière. - -

Des milliers de Tunisiens ont assisté, ce vendredi, aux funérailles de l’opposant politique Chokri Belaïd assassiné mercredi à Tunis. Sur fond de grève générale et de tension politique majeure, quelques échauffourées ont éclaté en marge du cortège.

Tunis dans la rue pour Chokri Belaïd. Pour cette journée de grève générale, largement suivie, les Tunisiens ont rejoint en masse le cortège funéraire transportant le cercueil du leader politique d’extrême-gauche, assassiné mercredi matin, vers le cimetière.

Selon les chiffres officiels, 40.000 personnes auraient ainsi défilé sur plusieurs kilomètres, réclamant la chute du gouvernement d’Ennahda. Retour sur une journée de deuil aux forts relans politiques.

> Funérailles massives

Dernier hommage. Dès le milieu de la matinée, une foule compacte de 3.000 personnes est venue saluer la dépouille de l’opposant politique défunt, devant la maison de la culture de Djebel Jelloud, quartier de la banlieue sud de Tunis, où le cercueil était exposé, couvert de fleurs.

Long cheminement du cortège. Enveloppé dans un drapeau tunisien, le cercueil a ensuite été transporté sur plus de trois kilomètres jusqu’au cimetière d’El-Jellaz, le plus grand de Tunis, accompagné d’un cortège grossissant à vue d’œil, scandant des slogans anti-régime.

Selon les chiffres officiels diffusés par le ministère de l'Intérieur en fin d'après-midi, 40.000 personnes ont assisté aux obsèques, où la Troïka n'était pas conviée.

Oraison funèbre. Arrivé au cimetière en milieu d’après-midi, le corps de Chokri Belaïd a été inhumé aux environs de 16 heures, aux cris d’"Allah Akbar" ("Dieu est grand").

"Repose en paix Chokri, nous suivrons ton chemin", a lancé Hamma Hammami, chef de l'Alliance de gauche à laquelle appartenait le défunt, prononçant une brève oraison funèbre. La foule a ensuite entamé l’hymne national, avant de réciter le premier verset du Coran. 

(photo Fethi Belaïd - AFP)

> Heurts et manifestation contre le pouvoir

Pillages. Quelques instants auparavant, des heurts avaient éclaté devant le cimetière, où des jeunes étaient venus piller et incendier des voitures. Les gaz lacrymogènes lancés par la police pour répliquer ont également atterri à l’intérieur de l’enceinte du cimetière, noir de monde, créant un début de mouvement de panique.

Selon François-Xavier Ménage, envoyé spécial de BFMTV sur place, la foule a hurlé son dégoût, criant au "sacrilège" puisque des prières d’adieux à Chokri Belaïd commençaient au même moment.

Armée déployée. Au centre de Tunis, du côté de l’avenue Bourguiba, les forces de l’ordre avaient été déployées en nombre. Des camions de l’armée étaient notamment parqués à proximité du ministère de l’Intérieur, dans le périmètre où se sont déroulés les affrontements entre policiers et manifestants, ces derniers jours.

L'armée avait également été réquisitionnée dans quelques villes-clé du pays, parmi lesquelles Gafsa et Sidi Bouzid (centre).

Plus de 200 arrestations. Quelques heurts sporadiques ont éclaté au centre de Tunis, en début et en fin d’après-midi. De jeunes manifestants ont été repoussés à coups de gaz lacrymogène et de matraque.

En fin de journée, le ministère de l'Intérieur a fait état de plus de 130 arrestations, liées aux échauffourés des abords du cimetière et de l'avenue Bourguiba.

> Grève historique

Pays au ralenti et vols annulés. L’appel à la grève lancé la veille par l’UGTT, le plus puissant syndicat du pays, a été très largement suivi à Tunis et dans plusieurs villes. Les supermarchés, les boutiques et les cafés sont restés fermés. Sur l'avenue Bourguiba, les rideaux de fer étaient tirés, tandis que les transports en commun tournaient au ralenti.

Tous les vols en direction et en provenance de la Tunisie ont été annulés, une première depuis le 14 janvier 2011, jour de la chute du régime de Ben Ali.

> Le pays s'enfonce dans la crise politique

Toute la journée, les manifestants ont réclamé, à grand renfort de "Dégage ! Dégage !", la chute du régime en place, dominé par le parti islamiste Ennahda.

Ce débrayage, le premier de cette ampleur depuis 2011, intervient effectivement dans un contexte économique et social très tendu. Depuis plusieurs mois, manifestations et conflits sociaux se multiplient en raison du chômage et de la misère.

>> A LIRE : "La Tunisie face à une situation politique explosive"

Au sommet de l'Etat, les divisions s'accentuent. Le Premier ministre, Hamadi Jebali, a confirmé, vendredi soir, sa volonté de former un gouvernement apolitique de technocrates, malgré le désaveu de son propre parti, Ennahda. "Je n'aurai pas besoin de l'aval de l'Assemblée nationale constituante", a-t-il précisé.

Adrienne Sigel avec AFP