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Séisme au Maroc: deux mois après, le pays fait toujours face à une "situation d'urgence"

Un homme conduit sa moto à côté des décombres dans le village d'Imi N'Tala, au centre du Maroc, le 5 octobre 2023.

Un homme conduit sa moto à côté des décombres dans le village d'Imi N'Tala, au centre du Maroc, le 5 octobre 2023. - FADEL SENNA / AFP

Deux mois après le violent séisme au Maroc, les familles qui ont vu leurs habitations réduites en miettes vivent toujours dans des tentes en attendant la longue reconstruction. Ces conditions de vie déjà difficiles sont menacées à l'approche de l'hiver.

Il y a deux mois jour pour jour, un séisme de magnitude 6,8 ravageait le Maroc et ses provinces des montagnes de l'Atlas, à 70 km au sud de Marrakech. Près de 3.000 personnes ont perdu la vie, plus de 5.600 ont été blessées et des villages entiers ont été détruits. Laissant dans son sillage des centaines de milliers de sinistrés, qui demeurent pour beaucoup dans une situation d'urgence.

Leurs maisons réduites en tas de gravats - environ 60.000 habitations ont été endommagées -, des familles entières vivent dans des tentes depuis le 9 septembre.

"La quasi-totalité des maisons des villages des montagnes de l'Atlas ont été détruites, ou sont trop endommagées pour y habiter d'une manière sécuritaire", observe Justine Touaux, coordinatrice des communications pour la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, contactée par BFMTV.com.

Si pour certains Marocains, il est tout bonnement impossible de retrouver leur habitation, d'autres de la province d'Al-Haouz où se situait l'épicentre du séisme sont freinés par la peur des répliques. Une angoisse permanente à laquelle essaye de pallier les organisations humanitaires en proposant un soutien psychologique.

"Une cellule d'écoute a été mise en place et les bénévoles sont formés, ou en train d'être formés, pour repérer d'éventuels troubles et y répondre", explicite Justine Trouaux, qui a récemment passé un mois à arpenter des "douars", les groupements d'habitations dans les montagnes de l'Atlas.

Une reconstruction qui va "prendre beaucoup de temps"

Pour améliorer les conditions de vie des habitants, la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a contribué à l'installation de douches et de latrines, construites avec "l'aide des hommes du village".

"Les salles de bain sont dans les maisons, c'est trop risqué d'y retourner. Et les femmes ont besoin d'intimité. Difficile pour elles de faire leur toilette à l'extérieur", fait remarquer la travailleuse humanitaire.

Ces installations ont vocation à être temporaires en attendant le grand chantier de la reconstruction "qui va prendre beaucoup de temps".

Des secouristes et des civils fouillent les décombres des maisons détruites dans le village d'Imi N'Tala, près d'Amizmiz, le 12 septembre 2023, quatre jours après le séisme au Maroc.
Des secouristes et des civils fouillent les décombres des maisons détruites dans le village d'Imi N'Tala, près d'Amizmiz, le 12 septembre 2023, quatre jours après le séisme au Maroc. © BULENT KILIC / AFP

Le 31 octobre, le gouvernement marocain avait annoncé lancer ce mardi 7 novembre "l’opération de distribution de la première tranche de l’aide financière relative à la reconstruction des logements effondrés totalement ou partiellement". Une première tranche d’un montant de 20.000 dirhams (1.834 euros), "en vue d’accompagner l’avancement des travaux de construction".

Le roi Mohammed VI avait approuvé en septembre un plan de 11 milliards d'euros sur cinq ans pour les six provinces et préfecture affectées par le tremblement de terre, soit Marrakech, Al Haouz, Taroudant, Chichaoua, Azilal et Ouarzazate, et leurs 4,2 millions d’habitants.

Outre l'aide à la reconstruction, le gouvernement a décidé d'octroyer pendant un an 2.500 dirhams par mois (230€ environ) aux populations sinistrées. Une première tranche a été débloquée le 6 octobre et une deuxième ce 1er novembre.

"Certaines familles ont en effet perdu leur moyen de subsistance. Dans les villages, les hommes partaient travailler dans les villes pour nourrir leur famille, mais avec le séisme ils sont revenus aux côtés de leurs proches", souligne Justine Touaux.

Elle ajoute: "Cela va prendre du temps avant qu'ils puissent retrouver leur vie".
Des membres d'une famille près des décombres de bâtiments effondrés dans le village d'Imi N'Tala près d'Amizmiz, au Maroc, après le séisme meurtrier de magnitude, le 10 septembre 2023.
Des membres d'une famille près des décombres de bâtiments effondrés dans le village d'Imi N'Tala près d'Amizmiz, au Maroc, après le séisme meurtrier de magnitude, le 10 septembre 2023. © FADEL SENNA / AFP

Les Marocains touchés par le séisme comme les humanitaires craignent fortement l'hiver qui approche à grands pas. Perchés de 1.500 à 2.000 mètres d'altitude, les habitants vont bientôt devoir affronter des températures glaciales. Fin octobre, "les gens disaient déjà avoir très froid la nuit", alerte la coordinatrice des communications pour la Fédération de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

Une femme parle au téléphone sur les décombres d'une maison dans le village de Talat N'Yacoub, dans la province d'al-Haouz, au Maroc, le 11 septembre 2023.
Une femme parle au téléphone sur les décombres d'une maison dans le village de Talat N'Yacoub, dans la province d'al-Haouz, au Maroc, le 11 septembre 2023. © FADEL SENNA / AFP

S'ajoute à la chute des températures, la pluie qui passe sous les tentes, transforme les campements en terrain de boue et provoque de l'humidité. Des conditions qui détériorent une situation sanitaire déjà difficile.

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"Déjà qu'il fallait un 4X4 pour atteindre nombre de ces villages dans les montagnes et acheminer de l'aide, la pluie et la neige vont rendre l'accès encore plus difficile", note Justine Trouaux. "C'est une course contre la montre pour leur venir en aide avant que l'hiver ne s'installe pour de bon".

La Croix-Rouge et le Croissant-Rouge travaillent à l'installation d'abris plus adaptés aux conditions hivernales.

Des migrations vers les villes

Certains logements temporaires "en dur" ont été installés à travers le pays pour accueillir les populations qui le souhaitent. Des familles décident de migrer vers les villes, comme celle de Fatima, une habitante du village de Tafeghaghte touché par le séisme, interrogée par le site d'information Equal Times.

"Nous n'aimons pas le mode de vie urbain. Nous sommes attachés à notre village et nous ne renoncerons pas à reconstruire notre maison si nous en avons l'occasion. Cependant, avec l'hiver rigoureux qui approche, nous pensons que nous n'avons pas vraiment le choix", explique la Marocaine de 36 ans qui déménage chez son cousin. Sa famille a perdu dans le séisme sa maison et son bétail qui constituait sa principale source de revenus. Fatima a également perdu ses parents.

Des Marocains pleurent leurs morts et se recueillent, après le séisme, à Moulay Brahim, au Maroc, le 9 septembre 2023
Des Marocains pleurent leurs morts et se recueillent, après le séisme, à Moulay Brahim, au Maroc, le 9 septembre 2023 © Fadel SENNA / AFP

Beaucoup d'autres familles veulent quant à elles rester sur leurs terres. "La communauté berbère, à laquelle un grand nombre d'entre eux appartient, est très attachée à ses terres. C'est leur droit, on apporte le soutien là où il est nécessaire", abonde Justine Trouaux qui rappelle que "tout don en faveur de la réponse au tremblement de terre est le bienvenu".

En effet, si "encore énormément d'associations et d'organisations oeuvrent sur place", la vague de solidarité en provenance de la communauté internationale qui a afflué après la catastrophe s'est réduite aujourd'hui. "Tellement de choses se sont passées entre temps que l'attention a été portée ailleurs", analyse-t-elle.

Des inondations en Libye à la mi-septembre, un violent tremblement de terre en Afghanistan en octobre, le conflit au Haut-Karabakh et maintenant la guerre entre Israël et le Hamas... "La situation reste encore très difficile pour certaines communautés marocaines mais il ne faut pas oublier ces personnes qui ont subi des événements partout ailleurs", conclut la travailleuse humanitaire.

Juliette Brossault