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Economie

Bientôt la fin de la spirale inflationniste dans les supermarchés?

Le gouvernement demande aux industriels et aux distributeurs de rouvrir les négociations commerciales pour répercuter en rayon la baisse des prix des matières premières et de l'énergie. Avec sanction à la clé pour ceux qui ne jouent pas le jeu.

Chaque année, les supermarchés négocient avec leurs fournisseurs industriels les nouvelles conditions auxquelles ils leur achèteront leurs produits. Les négociations de 2023, achevées le 1er mars, ont abouti à une hausse moyenne d'environ 10% des prix payés par les supermarchés aux industriels. À ce moment-là, tous les indicateurs étaient à la hausse. Sauf que depuis mars, les coûts de nombreuses matières premières agricoles, le blé par exemple, et de l'énergie ont eu tendance à se stabiliser, voire à baisser.

Ce décalage temporel crée ainsi "un effet d'aubaine pour les industriels", selon un expert du secteur. En effet, ils ont, pour la plupart, vu les prix d'achat augmenter plus vite que leurs coûts de production. Résultat, ils ont tous publié d'excellents chiffres pour le premier trimestre. Procter & Gamble, par exemple, dépasse pour la première fois les 20 milliards de dollars de ventes; le chiffre d'affaires de Danone est meilleur qu'attendu par les analystes; PepsiCo a dégagé un bénéfice record dû à la hausse des prix… Évidemment, ils ne sont pas pressés de retourner à la table des négociations.

Chez les distributeurs, un chiffre d'affaire en trompe-l’œil

Côté distributeurs, là aussi, l'inflation a dopé le chiffre d'affaires et préservé les marges. Mais c'est l'arbre qui cache la forêt car les volumes, eux, connaissent une vraie chute, du jamais vu depuis plusieurs décennies. Les français font leurs courses une calculette à la main et les comportements changent: moins de marques nationales, plus de marques distributeurs dans les caddies, le bio n'a plus la cote et la viande est devenue un produit de luxe.

Les distributeurs le savent, le retour à la réalité va être d'autant plus dur quand il va falloir relancer la machine de l'achat. Au tour des industriels, disent-ils, de mettre un peu la main à la poche. Ils appelent également à desserrer un peu le cadre réglementaire qui régit les négociations.

"Il faut enclencher la marche arrière"

Le gouvernement espère que les prix vont bien redescendre en septembre prochain. La ministre déléguée au Commerce, Olivia Grégoire, a déclaré prévoir "une baisse visible des prix" alimentaires à la rentrée, grâce aux négociations en cours entre distributeurs et industriels agroalimentaires et du fait du recul des prix de certaines matières premières.

"Si les industriels ne jouent pas le jeu, on prendra nos responsabilités", assure-t-elle, évoquant l'hypothèse d'une "taxation sur les industriels agroalimentaires".

Même son de cloche du côté de la Fédération du commerce et de la distribution. "Il faut faire en sorte qu’on enclenche la marche arrière", affirme Jacques Creyssel, son délégué général.

Des renégociations au cas par cas

Le problème, c'est un peu au bon vouloir des fabricants. Rien ne les oblige juridiquement à renégocier les contrats signés pour l'année. Les clauses de renégociation prévues dans les contrats sont souvent trop peu précises pour être automatiques et efficaces. D'où la pression du gouvernement pour remettre chacun autour de la table.

Malgré tout, les industriels ont tout intérêt à être coopératifs. D'abord, parce qu'ils perdent peu à peu des parts de marché en faveur des marques distributeurs. Ensuite, c'est une question de crédibilité.

"On ne peut pas exiger du gouvernement l'ouverture de renégociations au nom de l'envolée des matières premières, et faire l'autruche quand c'est l'inverse", explique le spécialiste de la distribution, Olivier Dauvers.

Le bras de fer ne fait que commencer. Dans une lettre adressée à la ministre du Commerce, l'Ilec, qui représente les grandes marques, assure que les industriels joueront le jeu, c'est une question de bon sens. Mais ce sera du cas par cas, il ne faut pas s'attendre à une seconde vague de renégociations massives.

Hélène Cornet