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Les hausses du Smic ont-elles protégé les Français les plus modestes de l'inflation?

Le Smic sera augmenté de 0,99% au 1er janvier pour atteindre 1.554,58 euros brut par mois, soit une hausse de 15 euros

Le Smic sera augmenté de 0,99% au 1er janvier pour atteindre 1.554,58 euros brut par mois, soit une hausse de 15 euros - PHILIPPE HUGUEN © 2019 AFP

Les hausses successives du Smic ont globalement permis de sauvegarder le pouvoir d'achat des Français payés au salaire minimum. Mais cela a aussi créé un effet de seuil pour les Français modestes qui reçoivent un peu plus que le Smic.

Une nouvelle hausse du Smic, la sixième depuis 20 mois et le début de la poussée inflationniste. Ce 1er mai, le salaire minimum a en effet augmenté de 2,22% pour s'établir à 11,52 euros brut de l'heure. Pour rappel, au 3ème trimestre 2021 son montant horaire brut était de 10,25 euros. Il a donc augmenté de 12,4% sur la période, du jamais vu.

Le Smic net mensuel sur la base d'une semaine de travail de 35 heures se monte désormais à 1383 euros quand il était encore aux alentour de 1200 euros en 2019, avant la crise sanitaire.

De plus, sur les quelque deux millions de salariés au Smic, certains touchent la prime d'activité qui vient s'ajouter au salaire, soit 200 euros de plus en moyenne. Cela porte donc leur niveau de rémunération à 1580 euros net en ce mois de mai. Mais est-ce suffisant pour ne pas pâtir de l'inflation?

Les hausses du Smic couvrent l'inflation globale

Sur le plan comptable, la hausse du Smic a été plus importante que la hausse des prix. Le salaire minimum étant indexé sur l’inflation, il augmente mécaniquement si celle-ci augmente d’au moins 2% par rapport à l’indice constaté au moment de la dernière évolution.

Depuis le 1er janvier 2022, le Smic a ainsi augmenté de 9% quand l'indice des prix avait de son côté augmenté d'un peu plus de 8% au mois de mars par rapport à janvier 2022.

Mais il s'agit là de l'indice général des prix. Certains produits ont beaucoup plus augmenté. Notamment l'alimentation, dont l'inflation a atteint 17,6% en avril sur un an, selon Circana. Or, c'est ce poste de dépenses qui pèse le plus dans le budget des ménages modestes. De l'ordre de 19% pour le cinquième des Français les plus modestes, selon l'Insee, quand c'est seulement 14% pour les plus aisés.

Le calcul de la revalorisation tient compte des dépenses des plus modestes

Les Français au Smic sont donc plus exposés que les autres aux hausses de prix alimentaires. Pour autant, le calcul de la revalorisation en tient compte en partie. Il s’appuie sur deux indices. "Tout d’abord, celui de l’inflation, plus précisément la progression de l’indice des prix à la consommation (IPC) produit par l’Insee, explique Michael Orand, le chef de la mission Analyse économique de la Dares. En pratique, c’est l’indice des prix hors tabac affectant les 20% des ménages les plus modestes qui est retenu : il faut savoir que celui-ci évolue plus vite que l’indice des prix pour l’ensemble des ménages, car la part de l’énergie et de l’alimentaire dans le budget des ménages modestes est plus importante".

Ensuite, le second indice pris en compte est celui du salaire horaire de base des ouvriers et employés. "Il est élaboré par la Dares à partir de l’enquête sur l’activité et les conditions d’emploi de la main d’œuvre", précise Michael Orand.

Si la hausse du Smic a été plus importante que l'inflation, c'est justement pour tenir compte de ce poids plus important des dépenses, notamment alimentaires, pour les ménages les plus modestes puisque la hausse des prix n'affecte pas tous les ménages de la même façon.

Un effet de seuil pour d'autres ménages modestes

Le Smic protège donc de manière assez efficace le pouvoir d’achat des personnes… qui sont rémunérées à ce niveau. Et c'est là que se situe la difficulté pour de nombeux ménages qui n'ont pas vu leur salaires progresser dans les même proportions. Environ un tiers des salariés français gagnent en effet entre un Smic et 2000 euros par mois. Or, pour ces derniers, la hausse moyenne des salaires n'a pas atteint 9% comme c'est le cas pour le salaire minimum.

En moyenne, sur deux ans, les salaires de base des ouvriers et employés (hors primes et heures supplémentaires) ont augmenté de 6,5%, selon les données de la Dares. Une augmentation inférieure à la hausse des prix. Seules les heures supplémentaires et les éventuelles primes versées ont pu leur permettre de ne pas perdre de pouvoir d'achat.

Dans les branches, des négociations compliquées

A cela s'ajoute la difficulté pour les partenaires sociaux à réhausser les minima de branche. Selon les syndicats interrogés, sur les 171 grandes branches professionnelles de plus de 5000 salariés du pays, 86 d'entre elles avaient des minima sous le Smic en avril. Un nombre croissant de salariés vont donc mécaniquement se retrouver au salaire minimum.

D'autres pourraient voir leurs perspectives d'évolution salariale limité par ses accords de branches caduques. Dans certaines d'entre elles, plus de cinq niveaux de compétence (et même jusqu'à 11) sont sous le Smic. Si les entreprises ne peuvent pas payer leurs salariés sous le salaire minimum, rien ne les oblige en revanche à les augmenter s'ils sont payés juste au dessus. Une trappe à bas salaires contre laquelle le chef de l'Etat a appelé le gouvernement à davantage lutter.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco