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TOUT COMPRENDRE - Pourquoi Facebook fait face à une tempête de critiques

Facebook fait l’objet de révélations basées sur des milliers de documents internes. Elles dressent le portrait d’une entreprise cherchant à dissimuler des pratiques mettant en danger les utilisateurs.

La créature a-t-elle dépassé le créateur? Cette question pourrait résumer les interrogations autour du groupe californien Facebook, qui possède - entre autres - le réseau social du même nom, Instagram, mais aussi les messageries WhatsApp et Messenger.

Ce mastodonte à plus de 3,5 milliards d’utilisateurs dans le monde est aujourd’hui plongé dans ce qui pourrait être la plus grave crise de son histoire, près de quatre ans après l’affaire Cambridge Analytica - liée à l’utilisation de Facebook pour manipuler l’élection américaine de 2016.

· D’où viennent les accusations?

A l’origine des principales accusations, on retrouve Frances Haugen, ancienne salariée de Facebook, qui fut - entre autres - chargée de lutter contre la désinformation liée à l’élection présidentielle américaine de 2020.

Dans un premier temps, elle a partagé des documents avec le Wall Street Journal, avant qu’ils soient transmis à d’autres médias à l’international. Début octobre, elle a témoigné devant les sénateurs américains pour évoquer ses découvertes. Elle témoignera en France, à l’Assemblée nationale, le 10 novembre prochain.

· Qu’est-il reproché à Facebook?

La liste des révélations des documents transmis par Frances Haugen est considérable et continue de se développer chaque jour. Dans l’ensemble, elles reviennent sur les nombreux mensonges de Facebook à propos de l’efficacité de ses outils de modération.

Parmi les nombreux exemples cités par la presse, la création d'une liste d'utilisateurs "VIP" exemptés des règles de modération appliquées aux autres internautes, mais surtout les lacunes majeures des outils de modération de Facebook basés sur de l'intelligence artificielle. Ces derniers ne fonctionnent que sur "3 à 5%" des contenus haineux, d'après la lanceuse d'alerte. Des chiffres qui contrastent avec ceux régulièrement avancés par l'entreprise fondée par Mark Zuckerberg.

Les documents révèlent également les remises en cause des outils de modération de Facebook en interne, avec des critiques émanant de ses ingénieurs, parfois tout simplement incapables de comprendre le fonctionnement de leurs propres algorithmes de recommandation.

Si la modération des contenus en anglais est médiocre, elle peut se révéler catastrophique dans d'autres langues, d'après d'autres notes internes. Elles évoquent ainsi les faiblesses de la modération en langue arabe, avec des modérateurs incapables de comprendre les principaux dialectes et différences culturelles entre les pays, relève Le Monde. Autre exemple mentionné, la Birmanie, où, en plein génocide des Rohingya, Facebook n'employait que cinq modérateurs pour 18 millions d'utilisateurs locaux.

· Qu’est-il reproché à Instagram?

Alors que Facebook cherche à attirer les enfants grâce à une version d'Instagram dédiée aux moins de 13 ans (mise en pause mais toujours au programme), les documents révélés par Frances Haugen montrent que l'entreprise a mené des études montrant les effets délétères d'Instagram sur la santé mentale des adolescents, notamment chez les jeunes filles.

Une étude interne portant sur 100.000 utilisateurs de neuf pays (dont la France) a notamment montré que 10% des jeunes Françaises ont tendance à se comparer négativement sur l'application. Elle évoque aussi les effets nocifs des filtres utilisés dans les stories (de courtes vidéos éphémères), dénoncés par des psychologues depuis des années.

· Que répond Facebook aux accusations?

Depuis plus d'un mois, Facebook assure que les informations publiées par la presse sont incomplètes et sorties de leur contexte, sans toutefois publier les documents évoqués dans leur intégralité ni accepter de détailler la nature de ses outils de modération.

· Que risque Facebook?

En mettant de côté de potentielles sanctions financières, le principal risque de Facebook émane des régulateurs du monde entier, notamment aux Etats-Unis et en Europe, par le biais du Parlement européen.

Pour s'attaquer à la haine en ligne et aux fausses informations, Facebook pourrait par exemple être contraint de dévoiler ses moyens de modération, notamment humains. L'entreprise pourrait aussi voir son statut de simple hébergeur évoluer, afin de renforcer ses responsabilités juridiques vis-à-vis des publications illégales de certains utilisateurs.

A terme, Facebook pourrait aussi faire face à une chute de sa popularité et à la désaffection des internautes. Un scénario qui reste encore hypothétique: selon ses résultats financiers publiés ce 25 octobre, Facebook profite toujours d'une hausse du nombre d'utilisateurs mensuels (2,91 milliards) et d'un bénéfice trimestriel de 9,2 milliards de dollars, en hausse de 17% sur un an.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co