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Facebook sait qu'Instagram nuit à la santé mentale des adolescentes

Une adolescente face à deux téléphones portables.

Une adolescente face à deux téléphones portables. - Denis Charlet-AFP - (Photo d'illustration)

A travers une série d'études, l'entreprise est arrivée à la conclusion, au moins depuis 2019, que son application de photos et vidéos nuit fortement à l'image que les jeunes filles ont d'elles-même.

"32% des adolescentes disaient se sentir mal dans leur corps, et Instagram a aggravé cette situation". Cette citation ne provient pas d'une association de protection de l'enfance, mais bien de la maison-mère d'Instagram elle-même, Facebook. Le Wall Street Journal publie, depuis le lundi 13 septembre, une série d'articles basés sur des rapports internes à l'entreprise. Après un premier article ayant mis en évidence des traitements de faveur dans la modération des contenus pour certains utilisateurs influents, ce second concerne la santé mentale des adolescentes.

Selon cet article, des chercheurs au sein de Facebook ont conduit cinq présentations pendant 18 mois, "une recherche en profondeur sur l'état mental des adolescents", selon leurs mots. Les études étaient notamment axées sur l'influence qu'a l'application de partage de photos et vidéos sur les jeunes filles. Sur la plateforme, les adolescentes de 22 ans et moins représentent plus de 40% du total des utilisateurs.

"Nous aggravons les complexes d'apparence d'une jeune fille sur trois", conclut ainsi l'une de ces présentations, datée de 2019, et n'ayant jamais fait l'objet d'une publication. "Instagram change l'image que les jeunes filles ont d'elles-mêmes et de leur corps."

L'un des visuels de cette présentation explique également que "les jeunes personnes sont conscientes qu'Instagram nuit à leur santé mentale, mais se sentent obligées d'y passer du temps de peur de rater quelque chose, une tendance culturelle ou sociale."

Une autre de ces études, centrée sur les jeunes américaines et britanniques, révèle que 40% des utilisatrices d'Instagram se sentent "peu attirantes" depuis qu'elles fréquentent l'application.

Beaucoup d'entre elles expliquent vouloir passer moins de temps dessus, mais "manquer de volonté pour réellement le faire". Une situation qui s'est aggravée lors des confinements successifs liés à la pandémie de Covid-19, où les réseaux sociaux venait palier l'isolation des jeunes.

"La tempête parfaite"

Par ailleurs, les rapports semblent tendre vers la conclusion que, si cette situation est familière à tous les réseaux sociaux, elle est particulièrement exacerbée sur Instagram. "Les comparaisons sociales sont pires sur Instagram", car l'application, plus que les autres, met en avant le corps entier et non seulement le visage, contrairement à TikTok ou Snapchat. Les victimes avérées de l'application, selon ces résultats, sont bien les jeunes filles, et "un nombre conséquent" d'entre elles.

L'étude avance, en conclusion de cette présentation, que "tous les aspects d'Instagram s'exarcerbent entre eux, constituant un cercle vicieux ".

L'entreprise semble avoir conscience de cet état de fait depuis plusieurs années, mais également d'une certaine forme d'addiction, vis-à-vis de l'application, ressentie chez les adolescents. Les affirmations présentes dans le rapport sont très homogènes: augmentation de l'anxieté, dépression, pensées suicidaires ou encore troubles du comportement alimentaire sont des constatations régulières chez les utilisatrices assidues du réseau social.

Selon les chiffres avancés, 13% des jeunes Britanniques et 6% des Américaines ont déjà émis le souhait de se donner la mort sur le réseau social.

Une situation qui n'a jamais été explicitement affirmée par son PDG, Mark Zuckerberg, qui prône "la création du lien et les bénéfices sur la santé mentale" des applications sociales, comme il l'a réaffirmé lors d'une audition par le Congrès américain en mars 2021.

Conscience de soi contre image publique

Le Wall Street Journal rapporte également qu'en août, deux sénateurs américains ont écrit au PDG pour lui demander de rendre publics les résultats de ces 18 mois d'études. Ce à quoi l'entreprise a répondu une lettre de six pages ne contenant pas ces résultats, arguant que ces recherches internes devaient "rester confidentielles pour promouvoir des dialogues francs et ouverts dans l'entreprise."

Toujours selon le journal, ces études démontrent à ce jour le plus grand écart entre ce que Facebook sait de ses filiales et l'image qu'elle montre publiquement.

Dans le même temps, Mark Zuckerberg a de nouveau affirmé son souhait de créer un Instagram spécifique pour les moins de 13 ans. Un projet qui a inquiété de nombreuses associations de protection de l'enfance. Quelques changements ont été mis en place sur l'application, comme l'interdiction d'accès aux moins de 13 ans, en 2019: une mesure malheureusement trop peu contraignante et sans possibilité de contrôle.

En mai 2017, la Royal Society for Public Health (RSPH) britannique a publié un rapport sur la santé mentale des jeunes sur les réseaux sociaux. En conclusion de celui-ci, elle a designé Instagram comme application la plus nuisible pour la jeune population. Les auteurs du rapport se sont basés sur différents critères, tels que la dépression, l'anxiété, la peur de rater quelque chose, le harcèlement ou encore l'image de soi.

"Nous travaillons de plus en plus sur les comparaisons (de son corps avec celui des autres, ndlr) et l'image négative du corps", a indiqué mardi la plateforme dans un communiqué rapporté par l'AFP. Elle assure par ailleurs réfléchir à des moyens de réagir si "les gens s'appesantissent sur certains types d'images".

Victoria Beurnez