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Parlement

Réforme des retraites: le rejet de l'article 2, un camouflet pour la majorité

L'Assemblée nationale a rejeté l'article 2 du texte portant sur la création d'un index senior. La droite, favorable au projet de loi dans son ensemble, s'est prononcée contre cette mesure. Sans pour autant que cela n'ait une incidence sur son vote concernant le report de l'âge légal de départ.

Tout avait bien commencé. La Saint-Valentin s'ouvrait sous de beaux auspices pour la majorité relative ce mardi. Élisabeth Borne avait esquissé un nouveau geste envers la Les Républicains sur la réforme des retraites, semblant entériner la voie vers un accord pour voter le texte.

Les deux camps forment un couple de circonstances, le parti d'Éric Ciotti étant le seul à se montrer favorable au projet de loi. Le gouvernement le drague depuis des semaines pour obtenir les voix de ses 61 députés. Mais chez certains, la manoeuvre ne prend pas encore, en raison de désaccords sur la question des carrières longues.

Un nouveau geste envers la droite sur les carrières longues

Pour les rassurer, Élisabeth Borne a annoncé ce mardi que lorsqu'"est atteint l'âge de départ anticipé, la réforme ne prévoit pas pour les carrières longues de durée de cotisation supérieure à 43 ans". Même s'il reste certaines inconnues pour les personnes ayant commencé à travailler à 16 ou 18 ans, le geste a fait son effet.

Cette Saint-Valentin allait se terminer de la meilleure des manières, pensait-on. C'était sans compter sur la surprise arrivée en fin de soirée dans l'hémicycle: le rejet de l'article 2 du texte, prévoyant la création d'un index des seniors, à 256 voix contre, 203 pour.

LR marque son indépendance

Un premier revers majeur pour la majorité. L'histoire d'amour avec LR n'est pas toute rose: 38 députés du groupe ont rejeté l'article, six se sont abstenus, aucun ne s'est prononcé pour. Souvent qualifiée de "béquille du gouvernement" par les autres oppositions, la droite a marqué son indépendance et rappelé toute son importance.

"Ça confirme que la majorité a les poings et les pieds liés avec LR. S'ils votent contre, il n'y a pas de majorité", explique Matthieu Croissandeau, éditorialiste politique sur BFMTV.

"Il ne faut pas chercher des lectures politiques à chaque fois", a néanmoins justifié la députée LR Véronique Louwagie, préférant voir en ce vote une "lecture très pragmatique" de l'article en question. Éric Ciotti a pointé "un outil statistique" qui "n'aidait pas les entreprises", celui-ci ne comprenant pas de mesures "d'incitation".

Sur Twitter, Olivier Dussopt a réagi en insistant sur un RN et une Nupes "unis pour supprimer un nouvel outil en faveur de l'emploi des plus âgés". Pas de mention pour LR donc. Ni pour les absents de la majorité. Pourtant, sur les 170 députés Renaissance, seuls 140 ont pris part au vote.

"Les téléphones vont sonner"

Au complet, la majorité n'aurait pas pu faire basculer le vote, mais cet événement démontre qu'elle "n'est pas tenue" relève Matthieu Croissandeau.

"Trente absents à des moments aussi 'touchy', franchement ce n'est pas très professionnel", estime-t-il.

"Ce n'est vraiment pas possible de ne pas avoir tout le monde dans l'hémicycle", abonde une députée Renaissance auprès de BFMTV. Pour la suite, les "téléphones vont sonner pour plus mobiliser", confie-t-elle.

Fort logiquement, l'opposition avait le sourire après cette défaite pour le gouvernement. Des chants de Gilets jaunes ont résonné dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. L'extrême droite et la gauche veulent voir en cette défaite du camp présidentiel un signe pour la suite.

"Le suspense reste entier sur le calendrier des débats"

"Si la Nupes retire ses amendements inutiles, il est encore possible de mettre en échec le gouvernement sur l'article 7 et l'allongement de l'âge légal à 64 ans avant la fin de semaine", a estimé Marine Le Pen sur Twitter.

Pour autant, le rejet de l'article 2 ne menace pas le reste du texte. "D'abord, parce que le suspense reste entier sur le calendrier des débats", explique Matthieu Croissandeau sur BFMTV. "Est-ce que les députés auront le temps d'examiner le reste du texte? La réponse est non, on rappelle qu'il y a 20 articles, qu'on n'en est qu'à l'article 2 et que dans trois jours le texte passe directement au Sénat", explique-t-il.

Surtout, tout n'est pas à refaire avec LR pour la majorité. C'est même l'inverse. Mardi, la droite s'est accordée "à l'unanimité des 70 présents moins huit abstentions" en bureau politique pour "soutenir", "une réforme du système de retraite portant à terme l'âge légal à 64 ans". Et donc voter favorablement l'article 7 relatif à cette mesure, même si certains députés restent réticents.

Surtout, "ce n'est pas la fin du parcours législatif puisqu'après il y a le Sénat et ce qu'on appelle une commission mixte paritaire (CMP) pour désigner un moment où les députés et les sénateurs se mettent d'accord sur la version finale du texte", rappelle Matthieu Croissandeau.

Baptiste Farge