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Réforme des retraites: des députés Renaissance de plus en plus agacés par les "frondeurs" du groupe

L'Assemblée nationale, le 24 novembre 2022

L'Assemblée nationale, le 24 novembre 2022 - Geoffroy Van der Hasselt © 2019 AFP

Certains députés Renaissance n'apprécient pas les critiques de plusieurs élus de leur camp qui envisagent de ne pas voter le recul de l'âge de départ à la retraite. "Il faut qu'ils assument un peu", juge-t-on au sein de la majorité présidentielle.

L'agacement commence à se faire sentir sur les bancs de Renaissance. Alors qu'une quinzaine de députés macronistes pourraient ne pas voter la réforme des retraites et le font savoir, leurs collègues comprennent mal leurs préventions et leur reprochent de plus en plus fort.

"Il y en a marre du chœur des pleureuses", répond sèchement l'un des cadres du groupe à BFMTV.com. "On a été élu sur un programme, on le respecte et c'est tout."

"Il faut bien réfléchir à nos actes"

Depuis une dizaine de jours, plusieurs élus de la majorité présidentielle sont sortis du bois pour dire leur crainte face à certains éléments de la réforme proposée par le gouvernement d'Elisabeth Borne, notamment le recul de l'âge légal de départ à 64 ans.

Le débat qui commence ce lundi 6 février dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale s'annonce crucial pour ces parlementaires qui conditionnent leur vote à une meilleure prise en compte de la situation des femmes ou des carrières longues.

Si le gouvernement affiche sa sérénité - Élisabeth Borne a ainsi assuré devant les députés que "la majorité serait unie" pour voter le projet de loi - plusieurs députés ne goûtent guère ces sorties.

"Je rappelle que nous avions été élus sur un projet encore plus ambitieux de départ à la retraite à 65 ans et que nous sommes à un tournant du quinquennat", tance ainsi l'élu de l'Essonne Robin Reda. "Il faut bien réfléchir à nos actes."

"On est tous un peu tombés de l'armoire"

Les critiques passent d'autant moins bien que la majorité n'a pas l'habitude de composer avec les velléités d'indépendance de ses membres. À l'exception de la loi asile-immigration défendue en 2018 par Gérard Collomb, le ministre de l'Intérieur de l'époque, la majorité n'a jamais été traversée de tensions vives.

Face à la défaite de plusieurs députés de l'aile gauche lors des dernières législatives et une majorité plus marquée à droite qu'en 2017, nombreux sont également ceux au sein du groupe à ne pas avoir vu venir les dissensions.

"On est tous un peu tombés de l'armoire quand on a vu que Barbara Pompili ne voulait pas voter le texte. On peut ne pas être d'accord mais on se le dit entre nous", explique ainsi un lieutenant de la macronie .

La sortie de l'ancienne ministre d'Emmanuel Macron, qui a expliqué mi-janvier à BFMTV.com ne pas souhaiter pas voter la réforme "à ce stade", a jeté un froid au sein de la macronie.

"On a la liberté de parler"

Si l'ex-écologiste a été la première à sortir du bois, d'autres députés Renaissance lui ont emboîté le pas à l'instar Patrick Vignal, suivi par un élu Modem et 2 députés Horizons. Une partie des élus macronistes dubitatifs devant la réforme tentent d'ailleurs d'influer sur le contenu de la réforme en s'organisant sur une boucle Whatsapp intitulée "socialement vôtre".

"On a la liberté de parler", estime Jean-Marc Zulesi, le président de la commission du Développement durable.

"Ça montre qu'on a un groupe qui vit et qui montre qu'on n'est pas des Playmobil", poursuit le député. "C'est une bonne nouvelle."

Avant de nuancer son propos. "Je ne nie pas qu'il faut continuer à travailler sur le texte. Mais ça peut être contre-productif de le faire publiquement et vous sortir des négociations avec le gouvernement", assure encore cet élu des Bouches-du-Rhône.

"Dans le groupe, personne ne nous écoute"

Parmi les députés qui ont exprimé publiquement leur réticence, on assume pourtant d'avoir pris la parole dans les médias, quitte à fâcher dans la majorité.

"On ne peut pas exister dans l'hémicycle", dénonce l'un d'entre eux. "On n'a que 20 jours de débat et on va nous interdire de déposer nos amendements. Évidemment qu'on va se faire entendre dans les médias. Dans le groupe, personne ne nous écoute."

"Emmanuel Macron devrait être content de ne pas avoir que des cireurs de pompe", ajoute-t-il encore.

D'autres députés ont choisi une autre approche pour faire savoir plus discrètement leur désapprobation de la réforme: se faire très discrets sur le terrain. Les réunions publiques pour défendre le texte n'ont pas été si nombreuses, ce qui suscite des grincements de dent en interne. "Je dis à mes collègues qui ont peur de la réforme qu'ils y seront associés", avance ainsi le sénateur Renaissance Xavier Iacovelli. "Donc il faut qu'ils assument un peu."

Mais dans la macronie, rares sont ceux à croire vraiment que ces députés iront au bout de leur démarche en pointant du doigt la diversité des profils.

"Vous en avez un qui ne représente que lui-même, une petite boucle Whatsapp sans grand-monde dessus et un ou deux qui auront piscine au moment du vote", avance un cadre du groupe.

"Bon, ça ne va pas vraiment changer grand-chose à la fin pour le vote", espère-t-il. "Je m'inquiète un peu pour la suite syndicale." La majorité préfère manifestement garder un œil sur la rue alors que deux nouvelles mobilisations intersyndicales auront lieu ce mardi 7 et ce samedi 11 février.

Marie-Pierre Bourgeois