BFMTV
Renaissance

"On rame à contre-courant": pourquoi des députés macronistes ne défendent pas la réforme des retraites

Des manifestants le 19 janvier 2023 à Paris pendant une manifestation contre la réforme des retraites

Des manifestants le 19 janvier 2023 à Paris pendant une manifestation contre la réforme des retraites - Alain JOCARD / AFP

Malgré les appels de l'exécutif, les élus Renaissance sont à la peine pour convaincre sur le recul de l'âge de départ à la retraite. "On se retrouve face à une colère très forte", avance une parlementaire. Seule une cinquantaine de réunions publiques se sont tenues ces dernières semaines.

"On était volontaire pour charbonner, expliquer, convaincre. Mais c'est vraiment dur. On rame à contre-courant". À la veille de la seconde journée de grève contre la réforme des retraites, ce député Renaissance est à la peine pour défendre le recul de l'âge de départ à 64 ans dans sa circonscription. La macronie peine à s'imposer sur le terrain alors que la défiance contre le projet de loi n'a cessé de monter ces derniers jours.

"Les gens sur les marchés vous disent 'on paie tout plus cher, la vie est de plus en plus dure et vous nous demandez de travailler deux ans de plus?' Ça ne passe pas du tout", se lamente un parlementaire macroniste auprès de BFMTV.com

"Les gens ne veulent pas des 64 ans"

"On peut leur parler du déficit des retraites et du fait qu'on veut sauver la solidarité entre les générations mais les gens ne veulent pas des 64 ans", continue encore cet élu.

Le parti tout comme le groupe ont pourtant mis le paquet pour donner des billes à leurs élus, des tracts pour défendre la réforme à des formations à destination des parlementaires pour maîtriser les détails du recul de l'âge de départ à la retraite.

Avec un objectif: parvenir à convaincre que la réforme est "juste" et "indispensable" comme le martèlent Élisabeth Borne et Olivier Dussopt depuis des jours. Sans toujours convaincre.

La réforme, "pas toujours facile à expliquer"

"Nous, on fait le travail avec les militants. Mais la réforme est très technique, elle n'est pas toujours facile à expliquer ou maîtriser", reconnaît le sénateur Xavier Iacovelli qui fait pourtant partie des visages de la majorité qui monte régulièrement au front dans les médias.

Pour tenter de rallier une majorité de Français, le cap a été mis ces derniers jours sur les réunions publiques avec un député, des électeurs et parfois un ministre "tête d'affiche" pour attirer. Sans résultat miracle pour l'instant. 72% des Français sont opposés à la réforme, un résultat en nette hausse ces derniers jours d'après un sondage Elabe pour BFMTV.

Sans décompte officiel du nombre de réunions publiques ou de tractages sur les marchés, un poids lourd du groupe avance que "pas plus d'une cinquantaine de réunions ont eu lieu ces dernières semaines".

"Pour l'instant, le bilan n'est pas fou. Certains se retrouvent à 4 dans une petite salle avec un collaborateur parlementaire, leur femme et leur mère. Ça ne motive pas vraiment", résume un député macroniste hostile à la réforme.

"Plus envie de se prendre tout ça dans la tête"

Coincés entre les interpellations sur le pouvoir d'achat et des commerçants à la peine pour faire face à la flambée des hausses des prix de l'électricité, plusieurs élus pointent le contexte hautement inflammable de la réforme et la difficulté à convaincre.

"Le prix des factures, des courses, l'hôpital qui craque et maintenant les retraites... Les gens agglomèrent tout ça et on se retrouve face à une colère très forte. C'est dur. À un moment, on n'a plus envie de se prendre tout ça dans la tête", reconnaît une parlementaire Renaissance.

Autre motif pour adopter le service minimum: douter du contenu même de la réforme à l'instar d'une quinzaine de députés Renaissance qui pourraient ne pas voter le texte. Parmi ceux-ci, on compte notamment Barbara Pompili, une ancienne ministre d'Emmanuel Macron et plusieurs ex socialistes.

"Quand on n'y croit pas soi-même, on a du mal à donner envie aux autres. Je connais des collègues qui vont voter le texte mais qui ne tiennent pas vraiment à le défendre auprès de leurs électeurs", résume l'un d'entre eux.

"Faire redescendre la pression"

Parmi les partisans de la réforme, on exhorte pourtant bien ses voisins de bancs à mouiller la chemise. Il faut dire qu'il y a urgence alors que plusieurs maladresses ont mis de l'huile sur le feu ces derniers jours comme les propos du ministre Franck Riester qui a reconnu que les femmes seraient "un peu pénalisées" par la réforme.

"Sans forcément transformer les gens en soutien inconditionnel, les réunions publiques peuvent faire redescendre la pression", défend ainsi le député Robin Reda, qui a été le premier à bénéficier de la présence de Gabriel Attal lors d'une soirée en circonscription.

En attendant, les syndicats espèrent une mobilisation "encore plus forte" le 31 janvier qu'une dizaine de jours plus tôt. Le 19 janvier avait représenté l'une des journées de grève les plus suivies de ces 30 dernières années.

Marie-Pierre Bourgeois