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Retraites: 72% des Français contre la réforme, une opposition en nette hausse

SONDAGE BFMTV - Le nouveau sondage "L'Opinion en direct" de l'institut Elabe pour BFMTV ce mercredi dresse un constat cinglant pour Emmanuel Macron et Élisabeth Borne. L'opposition au projet de réforme des retraites du gouvernement explose, et l'exécutif perd de surcroît le soutien des retraités.

Ce n'est peut-être pas le K.O., mais le coup est très rude pour l'exécutif. Le nouveau sondage Elabe "L'Opinion en direct" montre que l'opposition des Français au projet de réforme des retraites est en très nette hausse. Une semaine après la première journée de grève nationale, le soutien à la mobilisation connaît lui aussi une hausse spectaculaire. De surcroît, l'action du président de la République et de sa Première ministre est largement désavouée par l'opinion. Enfin, l'enquête montre une bascule inquiétante pour le gouvernement: il perd le soutien des retraités.

Près des 3/4 des Français hostiles au projet

C'est le chiffre le plus éloquent de l'étude. 72% des Français rejettent le projet de réforme des retraites. La statistique représente un bond de six points par rapport à la mesure effectuée il y a une semaine... et de 13 points par rapport à la jauge établie deux semaines en amont. Parmi ceux-ci, ils sont 40% à se dire "très opposés" au plan dévoilé, soit une flambée de 18 points en 15 jours.

L'impopularité du dispositif envisagée au sein de la population active se confirme, avec un taux d'hostilité de 78%. Mais on note un élément plus notable: le renversement de l'opinion d'une majorité de retraités. Ils sont désormais 59% à dire leur opposition au projet, après une forte hausse de 13 points en l'espace d'une semaine.

Du côté des catégories socioprofessionnelles, les plus remontés appartiennent aux professions intermédiaires (81% d'opposants) et à la tranche des ouvriers et employés (80% de détracteurs). 68% des électeurs d'Emmanuel Macron tiennent bon aux côtés de leur champion, mais les autres électorats renvoient une fin de non-recevoir. Ainsi 88% des partisans de Jean-Luc Mélenchon, 82% de ceux de Marine Le Pen et des abstentionnistes ne veulent pas de cette réforme.

Les Français l'assurent, cependant, il ne s'agit pas pour eux d'une bataille partisane mais de prendre position sur le fond du débat. 84% des opposants à la réforme revendiquent de l'être en raison de son contenu et non pour combattre le gouvernement.

L'opposition se renforce
L'opposition se renforce © Elabe

"Injuste", "inefficace": la réforme désavouée

Et ils en ont des reproches à faire au texte. Ils sont 74% à trouver le projet "injuste" - en progression de dix points en une semaine -, 62% à en torpiller "l'inefficacité" pour établir la "pérennité du système de retraites" - en hausse de cinq points. Là encore, les retraités changent de ton. 61% d'entre eux dénoncent une réforme "injuste", soit 19 points de plus que lors de la précédente mesure. 40% des sympathisants d'Emmanuel Macron pointent eux aussi l'"injustice" de la solution préconisée par l'équipe au pouvoir. C'est 13 points supplémentaires dans ce segment.

Emmanuel Macron n'en a pas démordu, toutefois, ces derniers jours. Disant croire "dans les mandats", il a assuré que sa victoire à la présidentielle légitimait la proposition-phare de son programme "démocratiquement validée et présentée". L'argument ne passe pas: 71% des Français rétorquent ainsi qu’Emmanuel Macron "a tort", souligne Elabe, jugeant qu'"il a été élu pour d'autres raisons notamment pour 'faire barrage' à Marine Le Pen".

Une réforme vue comme injuste.
Une réforme vue comme injuste. © Elabe

La cote de l'exécutif en chute libre

Si la parole présidentielle est moins acceptée, c'est aussi que la perception de l'exécutif s'aigrit très nettement. 64% qualifient de décevante l'action d'Emmanuel Macron, soit une glissade de sept points depuis le 28 octobre pour le chef de l'État. Ils ne sont que 15% à l'évaluer comme "satisfaisante". Il peut toujours se réconforter par une majorité relative de soutien parmi ses électeurs (45%) mais la déception y grandit là aussi: 20%, en hausse de neuf points.

Parmi les plus grands "déçus", on remarque les cadres et professions intermédiaires (64% sont désabusés, 11 points de plus que lors de la précédente mesure)... et les retraités (62% d'opinions négatives, après un saut de dix points). Les classes populaires sont également très claires dans leur avis: 65% des employés et des ouvriers évoquent leur insatisfaction.

L'ambiance n'est pas plus chaleureuse pour Élisabeth Borne, en première ligne de la bataille autour du système de retraites. 57% de nos concitoyens la jugent "mauvaise" dans son rôle de Première ministre. Un taux qui explose de 20 points en quatre mois.

Une déception grandissante.
Une déception grandissante. © Elabe

La mobilisation largement soutenue

Un projet de réforme des retraites récusé, un exécutif déconsidéré: toutes les conditions sont réunies pour un plébiscite du mouvement social en cours. Une semaine environ après une première journée de grève à l'appel de l'intersyndicale et six jours avant la prochaine, 64% des Français se prononcent en faveur de la mobilisation. Soit un gain de huit points en sept jours. 22% des Français, en revanche, s'y opposent, et on dénombre 14% d'indifférents.

Les actifs sont de fervents soutiens des grévistes (69%, en progrès de quatre points en une semaine). Et les retraités sont désormais sur la même ligne dans leur majorité: à 55%, avec un gain de 15 points des sympathisants à la mobilisation dans le même intervalle. Et les signaux envoyés du sein même de la macronie ne sont guère encourageants pour le sommet de l'État: 46% des électeurs du président de la République désapprouvent le mouvement, mais ils sont 12% de moins qu'auparavant.

Les sondés endossent donc très largement les rassemblements et les marches contre le projet de réforme. Ils sont même 57% à aller plus loin en affirmant "comprendre le blocage du pays" vu comme "seul moyen pour que le gouvernement retire ou modifie sa réforme des retraites". C'est deux points de plus en une semaine, tandis que ceux qui ne "comprendraient pas" un tel blocage, perdent deux points, à 42%. Les retraités font toujours bloc contre les blocages, à 56%, mais ledit bloc se fissure: cette hostilité à un éventuel durcissement du mouvement lâche en effet sept points.

La mobilisation approuvée.
La mobilisation approuvée. © Elabe

Mais les Français fatalistes

La dynamique est donc limpide. Le vent souffle dans les voiles des opposants au projet de réforme des retraites et il est contraire aux vœux de l'exécutif. Pourtant, 71% des Français pensent toujours que la réforme des retraites annoncée par le gouvernement sera "votée et appliquée". Cette résignation - encore amplement majoritaire - décroche cependant de quatre points en 15 jours.

Échantillon de 1000 personnes représentatif des résidents de France métropolitaine âgés de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée selon la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes: sexe, âge et profession de l’interviewé après stratification par région et catégorie d’agglomération. Interrogation par Internet du 24 au 25 janvier 2023.

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV