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Élysée

"Pas suicidaire non plus": les macronistes à la recherche du bon dosage pour les déplacements présidentiels

La majorité présidentielle salue "le courage" du président qui a essuyé deux déplacements tendus, espérant purger le mécontentement des Français. Certains mettent cependant en garde sur cette stratégie jusqu'au-boutiste.

Un indice de popularité au plus bas depuis les gilets jaunes et un président malmené par la foule. Les images d'Emmanuel Macron hué pendant de longues minutes dans le Bas-Rhin mercredi, malgré un déplacement moins agité le lendemain dans l'Hérault, ont de quoi donner des sueurs froides à la majorité présidentielle.

Alors que le chef de l'État se faisait très discret sur le terrain depuis des semaines - à l'exception d'une visite en Charente et dans les Hautes-Alpes, deux déplacements très cadrés - sa venue dans le Bas-Rhin était une première depuis la promulgation express de la réforme des retraites.

Si la matinée dans une usine de construction en bois s'est déroulée sans anicroche, malgré un comité d'accueil de casseroles tenu à bonne distance, la seconde partie a pris une toute autre allure. Dans un territoire qui a pourtant très largement voté en faveur d'Emmanuel Macron à la présidentielle comme aux législatives, le président a essuyé de très vifs quolibets, malgré quelques messages d'encouragement.

"Une foule hostile inimaginable"

Après moins de cinq minutes d'un bain de foule envisagé comme un moyen de renouer le contact avec les Français, le locataire de l'Élysée s'est finalement retiré dans la mairie de Sélestat, à quelques mètres.

"On s'attendait à ce que ce soit très difficile avec quelques personnes pendant sa déambulation, mais une foule hostile à ce point-là, je crois que c'était un peu inimaginable", regrette un cadre de la majorité auprès de BFMTV.com.

Emmanuel Macron est d'ailleurs loin d'être le seul à essuyer des quolibets. D'Élisabeth Borne à Éric Dupond-Moretti en passant par Olivier Dussopt, tout le gouvernement a été ces derniers jours la cible de casseroles ou a même parfois préféré annuler des déplacements, sans officiellement inquiéter la majorité présidentielle.

"C'est le jeu. Tous les chefs de l'État ont eu des moments difficiles. François Hollande et Nicolas Sarkozy n'y ont pas coupé non plus", banalise le député Renaissance Ludovic Mendes.

"Courageux de se confronter à la colère"

"Je préfère un président chahuté à un président planqué", a même avancé le ministre délégué au Budget Gabriel Attal sur Europe 1 ce vendredi matin. Emmanuel Macron, qui a déjà connu de vifs échanges avec des badauds en six ans à l'Élysée "est très bon quand il est dans l'adversité", souligne encore Loïc Signor, le porte-parole de Renaissance.

Avec un exemple: celle de la déambulation du chef de l'État pendant l'entre-deux-tours de la présidentielle de 2022 à Carvin et Denain, des terres du Nord qui lui sont plutôt hostiles.

Dans la macronie, un autre moment est considéré comme un modèle pour sortir de la crise des retraites, celui du grand débat qui avait permis au Président de renouer le contact avec les Français pour sortir de la crise des gilets jaunes. "Il a toujours chercher à aller au contact tant que le dialogue est courtois et civique", analyse un conseiller ministériel.

"C'était courageux à l'époque de se confronter à la colère et ça l'est toujours. Les gens lui disent leur façon de penser, ils montrent leur colère et le Président est là pour l'entendre. C'est dur mais c'est nécessaire", salue encore un ancien conseiller de l'Élysée.

"Un Président qui va au contact de manifestants, ça n'existe nulle part"

En attendant, l'entourage du chef de l'État a manifestement eu à cœur d'éviter un nouveau bain de foule aux allures de chemin de croix pour son déplacement le lendemain à Ganges, un village de l'Hérault.

Le cortège présidentiel a contourné les centaines de manifestants présents notamment avec des pommes de terre - mais pas de casseroles, en vertu d'un arrêté préfectoral interdisant les "dispositifs sonores portatifs".

"Si les gens sont juste prêts à jeter des choses ou faire du bruit, ça ne vaut pas la peine", d'échanger avec eux, a estimé sur place Emmanuel Macron. Avant d'ironiser: "Les œufs et les casseroles, c'est pour faire la cuisine".

"Un président qui va au contact de manifestants très hostiles, on ne trouve ça nulle part sur la planète. Le but n'est pas qu'il se prenne un coup de poing, un crachat ou pire", nous explique le sénateur macroniste Jean-Pierre Grand, présent à ses côtés jeudi.

"Besoin d'amour"

En bras de chemise et sous le soleil, le dirigeant a longuement échangé dans un collège avec des élèves au milieu de la cour de récréation. Quant aux échanges avec les professeurs, potentiellement remontés contre la réforme des retraites, ils ont eu lieu hors-caméra.

"On a fait un déplacement de câlinothérapie tous ensemble. On ne peut pas toujours être dans le combat. On avait besoin de douceur, d'amour. Ça a fait du bien au Président et à tous ceux qui étaient là avec nous", reconnaît sans ambages le député Renaissance Patrick Vignal, également présent lors de ce déplacement.

Soucieux cependant de se montrer ouvert aux rencontres avec les Français, Emmanuel Macron s'est tout de même offert une bière et quelques tapas à Pérols, avant de déambuler de bonne humeur dans les rues de cette petite commune de l'Hérault.

"Pas suicidaire non plus"

Mais si cet arrêt dans cette commune à quelques encablures de l'aéroport de Montpellier a des allures d'étape-surprise - "totalement improvisée" d'après une personne présente dans le cortège - il ne représentait pas grand-risque. Pérols est la terre d'élection de la députée Patricia Mirallès, devenue secrétaire d'État aux Anciens combattants et à la mémoire, qui accompagnait Emmanuel Macron ce jeudi.

"On n'est pas suicidaire non plus. Quand on a eu un déplacement comme en Alsace la veille, on essaie de montrer des sourires le lendemain. On n'en attendait pas moins quand même", grince un député qui n'a guère apprécié les quolibets qui ont visé le président dans le Bas-Rhin.

"À Pérols, c'était forcément organisé un peu en avance avec 15 ou 20 militants pour lui dire qu'ils l'aiment. Dans un monde idéal, une bonne déambulation, c'est deux ou trois gens pas contents, le reste qui est prêt à écouter et là, vous laissez le Président se déplacer ", décrypte encore encore Patrick Vignal.

"S'en sortir en mouillant la chemise"

Dans les rangs de la macronie, on veut croire qu'Emmanuel Macron ne va pas cesser les déplacements.

"Je ne suis pas sûr qu'il refasse des bains de foule mais du terrain avec des échanges avec des habitants, c'est certain. On va s'en sortir en mouillant la chemise", croit savoir un poids lourd de l'Assemblée nationale.

Pour l'instant, l'agenda français d'Emmanuel Macron n'indique pour les prochains jours qu'une conférence nationale du handicap à l'Élysée. Loin donc des manifestants.

Marie-Pierre Bourgeois