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"Il vise l'équilibre": avec la conférence humanitaire pour Gaza, Macron à la recherche du ton juste

Emmanuel Macron à l'Élysée le 8 novembre 2023

Emmanuel Macron à l'Élysée le 8 novembre 2023 - Ludovic MARIN / AFP

Le chef de l'État se montre à la manœuvre pour acheminer au plus vite l'aide humanitaire dans la bande de Gaza. Alors que l'Hexagone compte parmi les plus importantes communautés juives et musulmanes d'Europe, le Président espère qu'une accalmie permette d'éviter l'importation du conflit.

Une conférence autour de bailleurs de fonds, de dirigeants et d'ONG pour tenter de faire retomber la pression entre Israël et le Hamas. Emmanuel Macron organise ce jeudi à l'Elysée un rendez-vous pour coordonner l'aide humanitaire dans la bande de Gaza.

Cette rencontre, très symbolique, met en scène l'activisme du chef de l'État, qui veille à entretenir une posture d'équilibre entre soutien à Jérusalem et défense du respect du droit international à Gaza.

"Le président essaie d'assurer une responsabilité pour éviter un embrasement du Moyen-Orient. Il est dans son rôle en tant que membre du Conseil de sécurité de l'ONU", analyse Constance Le Grip, députée Renaissance et présidente du groupe d'études contre l'antisémitisme.

10.000 morts dans la bande de Gaza selon le Hamas

Il y a urgence face à la dégradation de la situation sur le territoire palestinien. La bande de Gaza est soumise depuis les attaques du 7 octobre en Israël, qui ont fait au moins 1.400 morts, à un "siège complet", privant les habitants de livraisons d'eau, de nourriture et d'électricité.

L'enclave est également pilonnée sans relâche par l'armée israélienne depuis plus d'un mois en représailles aux attaques terroristes. Le Hamas a affirmé lundi que le cap des 10.000 morts - parmi lesquels plus de 4.000 enfants - avait été franchi à Gaza.

La France a envoyé ces derniers jours deux nouveaux avions d'aide humanitaire après le déploiement du porte-hélicoptères Tonnerre pour participer à des opérations de secours.

"Il a l'obsession que ça n'arrive pas chez nous"

Si cette conférence humanitaire se veut "opérationnelle" comme nous l'explique l'Élysée, elle a également le mérite de mettre en scène un chef de l'État soucieux d'éviter toute répercussion dramatique en France, près d'un mois après l'attentat à Arras, au cours duquel le professeur Dominique Bernard a été tué.

L'assaillant avait évoqué "à la marge" la question israélo-palestinienne pour justifier son geste.

"Emmanuel Macron a l'obsession que ce qui se passe entre Israël et le Hamas n'arrive pas chez nous. Face à un sujet aussi compliqué, il vise l'équilibre", décrypte Julien Vaulpré, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à l'Élysée.

Le conflit israléo-palestinien, "un élément de division" possible en France

"Mais le problème, c'est que tout ça est fait par petit bout. Il n'y a pas de discours où l'on l'entend tout le long avoir une position mesurée", regrette encore ce spécialiste de l'opinion.

Relativement discret dans la foulée des attaques du Hamas contre Israël, le chef de l'État prend son temps avant de s'exprimer lors d'une allocution télévisée le 12 octobre, six jours après le début du conflit.

Tout en évoquant "le droit d'Israël à se défendre", Emmanuel Macron appelle à "préserver les populations civiles car c'est là le devoir de la démocratie". Le dirigeant exhorte encore les Français à "rester unis" pour porter "un message de paix et de sécurité au Proche-Orient".

A-t-il l'impression de ne pas en avoir fait assez? À peine une semaine plus tard, le Président affiche très franchement son inquiétude. Le conflit au Proche-Orient peut être "un élément de division" en France "si on gère mal cette situation", déclare-t-il à un journaliste, en marge d'un échange impromptu avec des jeunes.

"On est tous Françaises et Français, il ne faut pas importer ce conflit", prévient encore Emmanuel Macron. Alors que les communautés juive et musulmane vivant en France comptent parmi les plus importantes d'Europe, la crainte de tensions au sein de l'Hexagone est dans toutes les têtes.

"Tout le monde l'a un peu oublié mais des rixes entre jeunes dans des quartiers avec beaucoup de musulmans et de juifs, par exemple dans le 19ème arrondissement de Paris, il y en a eu dans les années 2000", rappelle un député Renaissance, bon connaisseur du Moyen-Orient.

La suite de la tournée de Macron au Moyen-Orient

Il y a urgence alors que les actes antisémites ont bondi en France ces dernières semaines. Lundi, sur Sud Radio, Gérald Darmanin a évoqué le chiffre de 1.100 actes recensés depuis le début du conflit, soit plus que pour toute l'année 2022.

La conférence humanitaire lancée par Emmanuel Macron se veut également la prolongation de sa tournée en Israël puis en Jordanie et en Égypte fin octobre.

Si sa volonté d'organiser une coalition internationale contre le Hamas n'a guère eu d'écho, son déplacement a eu le mérite de faire passer un message: celle de sa volonté de parvenir à faire rentrer "à la maison" les otages Français et de montrer qu'il s'efforce d'éviter que le bilan ne s'alourdisse encore côté Gaza.

"On prend notre part dans l'effort collectif"

Pour l'heure, le chef de l'État s'est cependant gardé d'aller plus loin et de formuler une demande de cessez-le-feu, préférant plutôt exhorter Benjamin Netanyahu à "une pause humanitaire".

"Le problème, c'est que l'Union européenne n'est pas d'accord collectivement pour porter la question d'un cessez-le-feu et qu'en réalité, il n'y a que les États-Unis qui pourraient vraiment avoir une chance de l'obtenir", décrypte un élu macroniste.

"On prend notre part dans l'effort collectif et cette conférence humanitaire, ça montre qu'on fait tout ce qu'on peut", veut croire encore ce parlementaire.

Tout en évitant de descendre trop près dans l'arène. La présence d'Emmanuel Macron ce dimanche à la marche contre l'antisémitisme organisée à Paris n'est pas tranchée à ce stade. "Ce n'est pas forcément sa place. Élisabeth Borne y sera, elle. Lui est à un autre niveau", défend ainsi l'un de ses anciens conseillers à l'Élysée.

Marie-Pierre Bourgeois