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Moyen-Orient

TOUT COMPRENDRE - Coalition contre le Hamas: en quoi consiste la proposition d'Emmanuel Macron?

En visite à Jérusalem, Emmanuel Macron a lancé l'idée d'une coalition internationale contre le Hamas, à l'image de celle fondée en 2014 contre Daesh. Une proposition qui soulève de nombreuses questions.

Le président français Emmanuel Macron s'est rendu à Jérusalem mardi pour rencontrer les autorités israéliennes, dont le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Après avoir exprimé la "solidarité" et "l'émotion" de la France pour les victimes des attaques terroristes du Hamas, Emmanuel Macron a lancé une proposition.

Il souhaite que la coalition internationale actuellement déployée en Irak et en Syrie pour lutter contre Daesh "puisse aussi lutter contre le Hamas". Une déclaration rapidement amendée par l'Élysée, qui soulève de nombreuses questions tant dans la forme que dans l'objectif visé.

• En quoi consiste la coalition contre Daesh?

Depuis neuf ans, une coalition rassemblant 86 États a entrepris de lutter contre Daesh en Irak et en Syrie. Elle rassemble des pays de l'Union européenne, de l'OTAN, dont les États-Unis, mais aussi l'Arabie saoudite, la Turquie ou encore le Qatar.

"Cet appui (militaire, NDLR) a permis aux troupes irakiennes d’annoncer la libération totale de leur territoire en décembre 2017, tandis que les opérations menées en Syrie ont permis d’achever de libérer en mars de cette année les territoires occupés par Daesh dans le nord-est du pays", résume un document du ministère des Affaires étrangères.

Ce groupement a des moyens armés mais aussi pour objectif l'assèchement des ressources financières de l'organisation terroriste, ou la lutte contre la diffusion de la propagande de Daesh dans le monde, y compris à travers les réseaux sociaux.

• Quels éléments pourraient être repris?

Lors de sa déclaration conjointe avec le Premier ministre israélien, Emmanuel Macron s'est montré plutôt succinct sur la forme de cette alliance. Dans un premier temps, il défendait un élargissement de la coalition au-delà de Daesh, pour y inclure le Hamas.

Quelques instants après la prise de parole, l'Élysée a précisé la parole du président:

"Il s'agit de s'inspirer de l'expérience de la Coalition internationale contre Daech et voir quels aspects sont réutilisables contre le Hamas. Nous sommes donc disponibles pour réfléchir, avec nos partenaires et Israël, aux pistes d'actions pertinentes contre le Hamas".

Le palais ajoute que la coalition ne se limite pas aux opérations sur le terrain "mais implique aussi des formations des forces irakiennes, le partage d'information entre partenaires, la lutte contre le financement du terrorisme".

Pour Héloïse Fayet, chercheuse au centre d'étude de sécurité de l'IFRI, le projet reste "assez peu clair" malgré ces compléments.

• Qui pourrait participer à cette union?

Face à Daesh, plusieurs dizaines d'États ont fait front commun. Mais le Hamas ne représente politiquement et idéologiquement pas l'ennemi commun que pouvait l'être l'État islamique. Si la France lance cette proposition, elle semble s'avancer en cavalier seul.

Les États-Unis, la première puissance militaire mondiale et la direction de la coalition anti-Daesh, ne semblent pas marcher sur la même ligne. Comme le précise le Washington Post, Joe Biden a échangé mardi avec le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman.

Leur discussion était plutôt centrée sur les "efforts diplomatiques plus larges pour maintenir la stabilité dans la région et empêcher le conflit de s'étendre". Une intervention n'apparaît pas comme privilégiée ou envisagée à ce stade.

Depuis cette annonce aucun dirigeant n'a pris la parole publiquement pour soutenir l'initiative française, y compris parmi les plus proches alliés de la France au sein de l'Union européenne.

• Et les pays arabes?

Pour Héloïse Fayet, il paraît "extrêmement peu probable" que des pays comme l'Arabie saoudite ou le Qatar, "des sponsors du Hamas", s'unissent contre l'organisation terroriste. Un point de vue partagé par le géopolitologue et spécialiste du Moyen-Orient Frédéric Encel:

"Aucun état arabe aujourd'hui ne va prendre la responsabilité vis-à-vis de son opinion publique d'envoyer des troupes, surtout pas dans la bande de Gaza (...) chacun attend en réalité qu'Israël fasse le sale boulot", a-t-il déclaré sur BFMTV-RMC.

Ainsi, même les pays voisins les plus modérés qui considèrent le Hamas comme nuisible n'iraient pas s'y frotter directement. C'est par exemple le cas de l'Égypte. Sur ce point, Emmanuel Macron pourrait tenter de gagner à sa cause Abdel Fattah al-Sissi durant sa visite au Caire ce mardi.

• Un faux pas diplomatique d'Emmanuel Macron?

Cette hypothétique alliance ne met pas uniquement les pays arabes dans l'embarras.

"On ne peut pas demander à Israël d'être l'allié des pays arabes dans une coalition", rappelle le grand reporter au Figaro Georges Malbrunot, un spécialiste du Moyen-Orient.

Bien qu'Israël ait entamé un processus de normalisation de ses relations avec ses voisins, des décennies de conflits et de ressentiment rendent peu probable un rapprochement. Certains de ces États, comme l'Irak, ne reconnaissent même pas l'existence d'Israël.

Alors qu'Emmanuel Macron lui faisait face, le Premier ministre israélien n'a pas montré d'enthousiasme pour sa proposition. "Si le Hamas perd et est vaincu, alors les forces de la civilisation gagneront", a-t-il simplement relevé.

Emmanuel Macron au Proche-Orient, une visite sous tension
Emmanuel Macron au Proche-Orient, une visite sous tension
14:49

Comment expliquer que le président ait mis en avant une proposition pouvant agacer les pays arabes, Israël, les États-Unis? Le rétropédalage de l'Élysée et l'incompréhension supposée du Quai d'Orsay laissent croire à une proposition lancée au public avant qu'elle ne soit mûrie. Rien n'indique qu'Emmanuel Macron l'aurait, par exemple, d'abord soumise aux parties prenantes lors de ses échanges téléphoniques de ces derniers jours.

Pour certains observateurs, cette sortie correspond à l'envie du président d'accompagner sa visite au Proche-Orient de solutions concrètes. Pour d'autres, il s'agit de réaffirmer le poids diplomatique de la France alors que certains jugeaient tardive la visite du chef de l'État. Objectif manqué?

Tom Kerkour