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Le prince Charles et Sophie Budoia en train de discuter de la socca sur le marche de Nice le 9 mai 2018.

JEAN-PIERRE AMET

"Simple", "délicat et "humain": ces Français séduits par Charles lors de ses visites dans l'Hexagone

Le roi Charles III s'apprête à passer trois jours en France: sa première visite d'État en France. Mais pas son premier déplacement dans le pays. Le nouveau souverain britannique a déjà séduit les Français qui ont croisé sa route lors de ses précédents voyages en tant que prince de Galles.

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Sa maîtrise "impeccable" de la langue française a eu le mérite d'impressionner tous ceux qui ont pu l'approcher. "Il n'a presque pas d'accent", se souvient Marc Boissieux.

Ce chef cuisinier lyonnais, vainqueur de l'édition 2013 de "Masterchef", a pu échanger quelques mots avec celui qui n'était encore que le prince Charles lors de son passage aux Halles Paul Bocuse de Lyon en mai 2018. À l'époque, le futur roi et son épouse Camilla étaient en France pour commémorer la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Bien qu'elle ait dû être reportée en raison de la mobilisation contre la réforme des retraites, ce n'est pas par hasard que le monarque avait initialement choisi la France pour effectuer sa toute première visite d'État, avant de finalement se rabattre sur l'Allemagne à la dernière minute. Tout comme la défunte reine Elizabeth II, Charles III est en effet aussi francophone que francophile.

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Depuis les années 1980, il a eu l'occasion d'effectuer de nombreuses visites en France - plus d'une dizaine. À Nice, Lyon, ou encore Èze... Les Français qui l'ont approché lors de ces précédents déplacements gardent le souvenir d'un homme "sympathique et abordable", malgré le lourd protocole qui l'entoure constamment.

Marc Boissieux en train de présenter ses mets au prince Charles et à son épouse Camilla aux Halles de Lyon.
Marc Boissieux en train de présenter ses mets au prince Charles et à son épouse Camilla aux Halles de Lyon. © Marc Boissieux

Poignées de main, bains de foule et dégustations

Marc Boissieux n'est pas près d'oublier cette visite "tourbillon". Pour l'occasion, le Lyonnais avait cuisiné des petites bouchées de quenelles de brochet à l'ail des ours. Des mets que le prince de Galles a appréciés de visu, mais qu'il n'a malheureusement pas pu goûter.

"Je l'ignorais, mais le protocole leur interdit de manger quoi que ce soit à base d'ail lors de visites officielles, de façon à conserver une haleine fraîche", raconte le chef, amusé.

"Quel souvenir incroyable! Nous avons parlé de "Masterchef", il m'a dit qu'il connaissait l'émission et qu'il avait rencontré les gagnants du show britannique. Ce qui m'a permis de lui faire une petite blague sur la cuisine anglaise. Je lui ai dit que l'émission était forcément plus difficile en France!", rit encore Marc Boissieux.

Sophie Budoia, elle, a précieusement accroché la photo d'elle et du prince Charles dans son restaurant de Nice. Elle assure à BFMTV.com qu'"elle n'oubliera jamais" ce jour de mai 2018 où elle a réussi à faire goûter la traditionnelle socca de la ville - une galette à base de pois chiche - au prince Charles qui visitait le marché du cours Saleya.

Le prince Charles et Sophie Budoia en train de discuter de la socca sur le marche de Nice le 9 mai 2018.
Le prince Charles et Sophie Budoia en train de discuter de la socca sur le marche de Nice le 9 mai 2018. © JEAN-PIERRE AMET

"La mairie m'avait prévenu une semaine à l'avance qu'il devait passer sur mon stand", se souvient-elle. "Mais le jour J, il était tellement sollicité par la foule qu'il n'a pas pu... C'est donc moi qui suis allée à sa rencontre, avec mon triporteur, pour lui présenter."

"Le plus simplement du monde il m'a posé plein de questions sur l'histoire et la fabrication de la socca, il avait l'air vraiment intéressé", raconte la Niçoise.

La Niçoise n'est pas la seule à avoir été marquée par "la simplicité" et "l'humanité" du personnage. Cinq ans après, la présidente de l'association Promenade des Anges est encore touchée par les attentions du prince Charles à l'égard des 86 victimes de l'attentat du 14 juillet 2016, à qui il a rendu hommage lors de sa venue en mai 2018.

Un monarque peu conventionnel?

Anne Murris reste bouleversée par le bouquet de fleurs sauvages déposé par le couple ce jour-là sur le mémorial. "Ce n'était pas une gerbe préparée par la mairie, elles avaient été cueillies par leur soin dans leurs jardins d'Highgrove House. Ce geste a un peu surpris au début mais c'était en réalité très délicat. C'était charmant parce que ça n'était pas conventionnel", note cette mère, qui en retour a pu lui offrir un galet, symboliquement peint aux couleurs du drapeau tricolore.

"C'est quelque chose qui m'a énormément touchée", affirme Anne Murris, qui a perdu sa fille de 27 ans dans l'attaque. "J'ai pu lui parler de ma fille Camille et honnêtement j'ai senti que j'étais face à quelqu'un de très humain. Il était très à l'écoute", soutient-elle.

Le prince Charles en visite à Nice ce lundi.
Le prince Charles en visite à Nice ce lundi. © JEAN-PIERRE AMET / POOL / AFP
"On ne sentait pas la lourdeur du protocole, comme c'est le cas parfois avec certaines personnalités publiques, où on sent que c'est le passage obligé", estime-t-elle.

"Là, pas du tout", se remémore-t-elle. "Il y avait beaucoup de compassion et de sincérité dans son comportement."

Depuis le début de son règne, Charles III s'évertue à imposer un style différent de celui de sa mère Elizabeth. Bains de foules, poignées de mains et même embrassades... Le nouveau monarque est plutôt friand des démonstrations d'affection - quitte à être chahuté dans son pays. Au risque, aussi, de bousculer les plannings établis par ses équipes, comme ce fut le cas lors de sa visite à Èze (Alpes-Maritimes) en mai 2018.

Lors de la déambulation dans le village médiéval, "il s'est arrêté partout, il a serré des mains dès qu'il pouvait", raconte Frédéric Billy, membre du cabinet du maire, qui était à ses côtés tout au long du tour de la ville.

"J'étais chargé de lui faire la visite guidée en anglais, mais on était constamment interrompus par les commerçants qui voulaient absolument qu'il vienne voir leur boutique. Lui s'est prêté au jeu très volontiers! Il s'est même arrêté dans une petite boutique de soldats de plomb qui lui avait plu."

Les lourdeurs protocolaires

Mais la lourdeur du protocole rattrape souvent Charles. Cinq ans après, Frédéric Billy et Aurélie Wilson se rappellent très bien de la méticuleuse préparation que l'arrivée du prince Charles avait nécessité. "Ça a commencé 3-4 mois en amont", raconte Aurélie Wilson, responsable de la promotion de l'office de tourisme d'Èze, à l'époque chargée de faire la visite à la duchesse de Cornouailles. "Les délégations sont venues faire des repérages, on a reçu tous les détails du protocole à l'avance."

Aurélie Wilson se souvient des consignes. "C'était un homme anglophone qui devait accompagner le prince Charles, et il fallait absolument que ce soit une femme aux côtés de Camilla, en l'occurrence moi."

"Je devais porter une tenue décente, à savoir une jupe en dessous du genou", se souvient-elle. "Ça disait aussi qu'il ne fallait pas leur serrer la main, et ne pas dire 'bonjour monsieur, madame', et j'en passe."

Le dispositif de sécurité le jour J était "impressionnant", ajoute Aurélie Wilson. "Je n'avais jamais vu ça. Autour de nous, il n’y avait pas moins d'une dizaine de personnes. Les gardes étaient tellement proches que j'arrivais à peine à parler à Camilla."

Frédéric Billy (gauche), le prince Charles et l'ambassadeur britannique (droite) lors de la visite d'Èze le 7 mai 2018.
Frédéric Billy (gauche), le prince Charles et l'ambassadeur britannique (droite) lors de la visite d'Èze le 7 mai 2018. © STRINGER / POOL

"Ce qui m'a le plus surpris, c'est à quel point il n'était pas libre de ses mouvements", confie Frédéric Billy, directeur de cabinet de la mairie d'Èze. Ce jour-là, "il n'a pas pu se rendre au jardin exotique, alors que c'est manifestement ce qui l'intéressait le plus. Il se faisait une joie d'y aller, mais son service d'ordre lui a dit qu'il n'avait plus le temps."

"C'est là que j'ai compris que ça n'était pas du tout des vacances pour lui", explique-t-il. "Il ne fait pas ce dont il a envie."

Charles et Camilla, un couple "complice"

Malgré tout, ceux qui ont pu approcher Charles et Camilla gardent à l'esprit un couple "abordable" et d''une très grande simplicité". "Tout le stress et les tensions liées à l'organisation sont retombés lorsqu'ils sont arrivés", note Éric Fabre, directeur du développement commercial des parfumeries Fragonard.

"Après le tour de l'usine-laboratoire, Charles s'est assis pour peindre le bec d'un de nos savons en forme de canard. Puis on leur a fait faire un atelier 'apprenti parfumeur' afin qu'ils puissent réaliser un parfum à leur goût", raconte-t-il. Il se souvient de l'autodérision de Charles qui contrairement à son épouse, reconnaissait qu'il n'avait pas de talent pour identifier les odeurs qu'on lui présentait.

"Charles et Camilla étaient très complices. Tout au long de l'atelier, ils riaient et échangeaient très naturellement ensemble", rapporte le mari de Françoise Costa, l'une des trois héritières de l'une des plus anciennes parfumeries de Grasse.
Le prince Charles de la duchesse de Cornouailles en train de sentir des parfums chez Fragonard à Èze en mai 2018.
Le prince Charles de la duchesse de Cornouailles en train de sentir des parfums chez Fragonard à Èze en mai 2018. © BORIS HORVAT

Le prince Charles posait beaucoup de questions et semblait sincèrement intéressé par la parfumerie et par Èze, assurent de concert Éric Fabre et Frédéric Billy. "Alors, bien sûr, il est rompu à l'exercice et il y a une forme de politesse là-dedans. N'empêche que je pense que c'est quelqu'un de curieux, d'intéressé", commente l'homme qui l'a guidé à travers la ville, et qui a pu parler histoire, entretien des jardins et agriculture avec le souverain.

Féru de botanique et défenseur de l'environnement

La fibre écologique du prince Charles n'est en effet jamais très loin. Lors de sa visite à Lyon en mai 2018, le prince Charles avait également tenu à se rendre à l'ISARA, école d'ingénieurs spécialisée dans l'agroécologie. Une visite au cours de laquelle le futur roi a pu échanger avec des étudiants, des chercheurs et des entrepreneurs engagés sur la question environnementale.

"Ça n'est pas tous les jours qu'on rencontre un membre de la famille royale britannique", s'amuse Emmanuel Bréhier, ancien élève de l'ISARA. "C'est atypique, une belle anecdote", poursuit le cofondateur de la marque Hari&Co, qui a pu lui présenter son entreprise de produits bio végétaux. "On sentait que cette visite avait du sens pour lui, qu'il était passionné et qu'il maîtrisait bien son sujet."

Gérard Collomb, le prince Charles et Emmanuel Bréhier d'Hari&Co en train de discuter à l'ISARA le 8 mai 2018.
Gérard Collomb, le prince Charles et Emmanuel Bréhier d'Hari&Co en train de discuter à l'ISARA le 8 mai 2018. © Laurent Cipriani

"Ça lui a tellement plu qu'il est resté plus longtemps que prévu dans l'école!", se réjouit même Karima Latti, directrice de communication de l'établissement. "À un moment, il a même lancé 'We have time!' ("Nous avons le temps", NDLR) à son service d'ordre qui le pressait parce qu'il avait pris du retard", poursuit-elle.

Pas sûr que le souverain britannique ait autant de latitude cette fois-ci lors de sa visite à Paris et à Bordeaux. En effet, le déplacement de Charles III a été sensiblement allégé par rapport au programme initial: le roi sera en France trois jours et non quatre.

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV