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Têtes couronnées

Huées, jets d'œufs, insultes... Le roi Charles III est-il impopulaire?

Le roi Charles a connu un début de règne compliqué notamment par les accusations de Harry et Meghan. Mais s'il est évidemment bien moins populaire que ne l'était la reine Elizabeth, sa réserve et son silence face aux attaques rassurent les Britanniques.

C'est arrivé à Colchester, le 7 mars, mais aussi à Milton Keynes, le 16 février, et avant cela le 9 novembre à York. À plusieurs reprises, le roi Charles et son épouse Camilla ont été visés par des jets d'œufs, accueillis par des phrases hostiles comme "Pourquoi gâchez-vous notre argent?", et des pancartes portant l'inscription "Not my king" (pas mon roi).

Friand de bains de foules et de poignées de main, à chacune de ses rencontres avec ses sujets, le roi ne semble guère se soucier de ces trouble-fêtes en ce début de règne. Comme semblent glisser sur lui les attaques de son fils Harry par documentaire et livre interposés.

"On ne s'est jamais attendu à ce que le roi Charles soit instantanément aussi populaire que feu la reine Elizabeth", note Richard Fitzwilliams, commentateur royal.

Pour lui, cependant, ces quelques manifestations ne sont que des agissements isolés et ne témoignent pas d'une détestation du souverain. Le pourcentage de républicains dans le pays se situe toujours autour de 22%, souligne Richard Fitzwilliams et n'a pas changé depuis son accession au trône, il y a 6 mois. "Charles est raisonnablement populaire", estime le spécialiste, relayant les récents sondages qui situent le souverain à 56% d'opinions favorables (contre 12% de personnes qui ne l'aiment pas).

Début de règne difficile

Les premiers mois du règne de Charles, qui a succédé à la très populaire reine Elizabeth à sa mort le 8 septembre dernier, n'ont pas été épargnés par les scandales et les polémiques.

Le roi Charles III lors d'un déplacement à York le 9 novembre 2022
Le roi Charles III lors d'un déplacement à York le 9 novembre 2022 © JAMES GLOSSOP / POOL / AFP

La dernière en date, rappelle Richard Fitzwilliams, remonte à sa rencontre avec Ursula von der Leyen, qu'il a reçue au château de Windsor fin février, en marge de la signature de l'accord post-Brexit sur l'Irlande du Nord. Alors qu'il s'est engagé dans son tout premier discours en tant que roi à ne pas être un monarque activiste, il a été vivement critiqué pour cette rencontre avec la présidente de la Commission européenne, notamment par les unionistes nord-irlandais.

"Cela fait partie de son travail", assure pourtant Richard Fitzwilliams, pour qui les communiqués de Downing Street et de Buckingham ont plutôt brouillé le message. "Buckingham a sorti un communiqué disant qu'il l'avait rencontrée sur les conseils du gouvernement, tandis que le 10 Downing Street a communiqué pour dire que c'était lui qui l'avait décidé. Ce qui est contradictoire et très bizarre".

Un roi très discret

Mais Charles a par ailleurs plutôt déjoué les craintes que pouvaient avoir les Britanniques à son endroit, s'affichant en roi silencieux, après avoir été un prince maladroit et interventionniste.

Cela lui vaut d'ailleurs "un gain de popularité", analyse Philip Turle, journaliste britannique, chroniqueur international à France 24. "Il y avait une vraie crainte que son règne soit une catastrophe, qu'il allait dire ce qu'il pensait, raconter n'importe quoi, avoir des prises de position sur le réchauffement climatique, engueuler les gens. Les Britanniques sont plutôt agréablement surpris du début de règne de Charles III".

Sa dignité et son apparent flegme plaident en sa faveur. Alors qu'on l'a vu, au tout début de son règne, perdre son calme à cause d'un stylo qui fuyait, il est resté tout à fait stoïque face aux accusations répétées de Meghan et Harry, dans leur série documentaire, en décembre sur Netflix, puis dans les mémoires de Harry, en janvier.

"Concernant Meghan et Harry, il a montré beaucoup de sagesse et fait quelque chose que personne n'attendait de lui", souligne Richard Fitzwilliams, évoquant la décision de Charles de priver le couple aujourd'hui installé en Californie de sa résidence britannique de Frogmore Cottage.

"Beaucoup de Britanniques sont fatigués de Harry et Meghan, ne comprennent pas les prises de position du prince vis-à-vis de sa famille et approuvent donc le fait qu'on les prive de leur maison au Royaume Uni", abonde Philip Turle.

Les nombreuses révélations de Harry sur la famille royale ont finalement plus bénéficié à Charles, qu'elles ne lui ont nui. "Curieusement, la façon dont Charles a géré les attaques de Harry et Meghan a accru sa popularité", relève ainsi Philip Turle. "Le public a par ailleurs éprouvé une certaine pitié pour Charles, en raison de la façon dont il a été traité par son fils cadet".

Accusations de racisme

Les accusations du couple ont pourtant ébranlé la monarchie dans un premier temps. À commencer par les accusations de racisme, insinuées lors de l'interview à Oprah Winfrey en mars 2021.

Meghan Markle, Harry et Oprah Winfrey lors de l'interview sur CBS le 7 mars 2021.
Meghan Markle, Harry et Oprah Winfrey lors de l'interview sur CBS le 7 mars 2021. © JOE PUGLIESE - HARPO PRODUCTIONS - AFP

Les propos de Meghan et Harry, selon lesquels des membres de la famille royale avaient exprimé des "inquiétudes (...) quant à savoir à quel point [la] peau [de son enfant à naître] serait foncée", avaient été particulièrement ravageurs pour la monarchie.

Ces allégations, ainsi que l'évocation des problèmes de santé mentale de Meghan jamais abordés ni traités tant qu'elle était au Royaume-Uni, ont "nui à la famille royale, spécialement auprès des jeunes Britanniques", souligne Richard Fitzwilliams.

D'autant que le couple a attendu près de deux ans pour revenir sur ses propos. En janvier 2023, le prince Harry a nié avoir accusé sa famille de racisme, lors de la promotion de son livre. Confirmant qu'il "y avait eu des inquiétudes sur (sa) couleur de peau", Harry avait assuré que "pour avoir vécu dans cette famille", il ne considérait pas cela comme du racisme, mais plutôt comme "des préjugés inconscients".

Popularité en dent de scie

S'il est aujourd'hui accepté par les Britanniques, le roi Charles revient de loin. Il a longtemps traîné comme un boulet les années Diana et son infidélité avec Camilla, des souvenirs ravivés récemment par la série de Netflix The Crown.

"Il a été le prince le plus impopulaire de Grande-Bretagne. Non pas seulement pour la façon dont il a traité Diana, mais aussi pour ses prises de position qui n'avaient rien à voir avec un futur monarque", rappelle Philip Turle.

Alors que la reine Elizabeth n'a jamais exprimé son opinion en public, Charles lorsqu'il était prince, n'a pas eu la même réserve. Il est ainsi beaucoup intervenu sur les sujets qui lui tiennent à cœur, de l'écologie à l'architecture, n'hésitant pas à écrire au gouvernement.

Si son fils Harry lui a rendu la vie difficile ces derniers temps, son plus grand concurrent est le prince William, qui semble bien plus apprécié des Britanniques, tout comme son épouse Kate.

"La hantise pour Charles et Camilla, c'est que William soit plus populaire, et que Charles soit considéré comme un roi intérimaire", analyse Philip Turle.

"Charles est quelqu'un d'extrêmement fragile, mal dans sa peau". Enfant, il a ainsi beaucoup souffert des nombreuses absences de ses parents, et de leur manque d'affection. Il a ensuite traîné son mal-être à l'école où il était très malheureux, et harcelé par ses camarades.

Très différent de son père, William est, lui, bien plus dans le moule que son père et bien plus à l'aise. Beaucoup plus indulgente avec lui qu'avec son fils, la reine Elizabeth l'a pris sous son aile et l'a formé au rôle de futur roi.

"William n'aura pas le bagage personnel de Charles, en particulier celui lié à Diana, dont beaucoup de gens se souviennent encore", ajoute Richard Fitzwilliams.

Peu aimé, Charles va finalement réussir à se faire apprécier de ses sujets. "Jusqu'à maintenant, Charles a très bien géré la suite de sa mère. Les Britanniques lui en sont reconnaissants. Ils n'aiment pas Charles, mais il a fait jusqu'ici un très bon début de règne", conclut Philip Turle.

Magali Rangin
https://twitter.com/Radegonde Magali Rangin Cheffe de service culture et people BFMTV