Ténacité, sens du hit, polyvalence... les ingrédients de la "formule Ninho"

Depuis ses débuts, à l'âge de 12 ans, Ninho connaît une popularité sans faille ni baisse de régime. Alors qu'il dévoile ce vendredi son nouvel album NI, BFMTV.com analyse les ingrédients de ce succès.

Sandra Gomes se souvient avec précision de la première fois où elle a écouté un album de Ninho. C'était en 2016, avec le projet M.I.L.S (à lire Maintenant ils le savent). "Le premier truc qu'on s'est tous dit c'est qu'il rappait trop bien. On voyait déjà des similarités avec des grands rappeurs comme Rohff", se remémore la journaliste rap et chroniqueuse dans l'émission Le Code Review sur Apple Music.

Sept ans plus tard, Ninho s'impose désormais comme l'un des artistes incontournables du paysage musical. À seulement 27 ans, le rappeur, qui dévoile ce vendredi son quatrième album studio NI, détient le record du nombre de singles certifiés dans l'histoire de la musique en France avec 127 singles d'or, 70 singles de platine et 28 singles de diamant à son actif.

Ninho partage également avec Jul le titre du rappeur français le plus écouté sur Spotify, avec 6,1 milliards de streams sur la plateforme, selon les chiffres du média Pure Rap. Décryptage de ce succès fulgurant et pérenne.

"Tiens, tiens, retiens". Comme pour prévenir son public de son ascension à venir, c'est avec ce gimmick que Ninho débute son freestyle Binks to Binks 1 en 2016. Déterminé à se faire une place sur la scène rap française, le rappeur qui a commencé le rap à 12 ans sans interruption "n'a pas laissé le choix" à l'industrie de la musique, assure Sandra Gomes.

Cette ténacité s'illustre entre autres dans les titres des différents projets de Ninho de ses premières mixtapes I.S.P.A.C 1, 2 et 3 (Ils sont pas au courant) sorties entre 2013 et 2016 et M.I.L.S (Maintenant ils le savent) en 2016 jusqu'à son premier album Comme prévu en 2017. Ninho "a martelé dès le début jusqu'à ce que le public comprenne", résume la journaliste spécialisée rap.

"Il est arrivé dans le rap avec un truc super franc et fier. Il n'y avait pas de demi-mesure. T'as l'impression qu’à aucun moment il n'a douté ou fait un pas de travers. On dirait que dès le premier projet il savait exactement où il comptait aller et ça, ça aide à convaincre", assure Sandra Gomes.

Malgré son jeune âge, Ninho prouve dès ses premiers morceaux son talent, son travail acharné et sa volonté de réussir, notamment en freestyle où il n'hésite pas à se confronter à d'autres rappeurs, en ressortant toujours gagnant de ses rencontres. "Il avait vraiment les crocs. Quand tu lui tendais un micro, t'avais des grandes chances d'avoir un moment d'anthologie et ça l'a beaucoup aidé pour se faire remarquer", poursuit Sandra Gomes.

C'est avec ces freestyles, publiés sur la chaîne YouTube Daymolition - véritable tremplin pour les artistes émergents de l'époque - que Eden LZ, vidéaste spécialisé rap, découvre l'univers de Ninho.

"À l'époque, ça fait du bien parce qu'on est à une période où tout le monde écoute les playlists Skyrock avec des sons de boîtes, des sons chantés, auto-tunés et Ninho amène une autre proposition, plus street", se remémore le youtubeur.

"Il est arrivé à un moment où le rap explosait, avec un nouveau public qui s'élargissait, de plus en plus jeune, et qui avait besoin de stars. Ninho a eu une bonne étoile autour de sa musique en termes de timing", abonde Sandra Gomes.

Tout en conservant son identité artistique, Ninho va également tenter dès ses débuts de s'adapter aux nouvelles tendances musicales. Il surfe ainsi sur le succès de la trap, genre de rap venu d'Atlanta et popularisé en France par les rappeurs tels que Kaaris, Fianso ou Gradur dans les années 2010.

Même cas de figure en 2020: alors que la drill, style musical né à Chicago, connaît son apogée dans l'Hexagone avec des artistes tels que Gazo, Ninho s'essaye au genre dans son morceau Problème du matin, extrait de la réédition de sa mixtape M.I.L.S 3.0.

"Ninho est un rappeur de son temps. Sa force, c'est qu'il s'adapte à ce que le public veut entendre et ce qui marche, mais il surperforme par rapport aux autres", ajoute Sandra Gomes.

Après le succès de ses trois mixtapes I.S.P.A.C, très ancrées dans le rap street et trap, Ninho comprend qu'il doit élargir sa palette musicale et se renouveler s'il veut conserver sa popularité et rester pertinent.

En 2016, le rappeur s'éloigne pour la première fois de sa recette habituelle de "rap dense au kilomètre", comme le qualifie Sandra Gomes, et s'essaye sur sa première mixtape payante M.I.L.S aux chansons d'amour, aux textes mélancoliques et aux sonorités afro et RnB.

Ces mélanges, alors peu présents dans le rap il y a quelques années, permettent à Ninho de s'imposer sur une scène hyper concurrentielle et de féminiser son public notamment avec ce qui sera le premier gros succès de sa carrière, le morceau "love" Dis moi que tu m'aimes.

"Ninho a réussi à tirer son épingle du jeu en ne s'enfermant pas dans le délire street et en devenant rapidement quelqu'un de polyvalent. À cette époque, il est l'un des rappeurs les plus accessibles", analyse Eden LZ.

"Dès son premier album, on pouvait voir le champ des possibles et il a eu l'intelligence d'amener des sonorités plus ouvertes et d'explorer des tubes plus pop avec un refrain, un pont, une topline, de la mélodie... Donc le public de Ninho aujourd'hui ça peut aussi bien être un mec de 30 ans que des ados de banlieues parisiennes ou des jeunes filles de province", indique Sandra Gomes.

Le rappeur transforme l'essai avec son titre Mamacita en 2017, vértiable carton certifié single de diamant (50 millions de streams) trois mois après sa sortie."Mamacita c'est celui qui m'a donné un plus large public", admettait Ninho au média Booska-P.

"Il y avait déjà un public féminin, mais là, il s'est élargi de ouf! J'ai aussi attrapé un public parisien. On a pris au moins 100.000 abonnés", ajoutait le rappeur.

• Une science du hit et du featuring

Mais si Ninho a acquis une grande popularité depuis ses débuts c'est également grâce à son talent pour créer des refrains accrocheurs et mémorables ainsi que sa capacité de transformer n'importe quel morceau en tube.

"Avec le temps, il a développé la 'formule Ninho': du rap au premier plan et une science du hit qui va rendre le tout hyper efficace. Il a ce côté surdoué", détaille Sandra Gomes.

Selon la journaliste et chroniqueuse rap, la facilité de Ninho pour réaliser des hits provient de son héritage familial, son père, Serge Kiambukuta, étant un ancien chanteur congolais. "Il a baigné dans la musique congolaise, dans la rumba... Donc ça coule de source pour lui la mélodie", ajoute Sandra Gomes. "Il y a aussi un truc inné en lui qui fait qu’il a une bonne oreille", abonde Eden LZ.

Cette "science du hit", Ninho va la mettre au profit d'autres artistes en multipliant les featurings. Eden LZ se souvient notamment de l'année 2018 comme d'un été très prolifique pour le rappeur au niveau des collaborations qui viennent contribuer à sa visibilité.

Déjà au sommet des charts grâce à sa mixtape M.I.L.S 2.0, l'artiste enchaîne en pleine période de Coupe du monde de football, des featurings à succès avec des poids lourds du rap: Air Max avec Rim'K, Ma 6té a craqué avec Kpoint ou encore Midi Dans Le Ghetto avec 4Keus Gang.

"Cet été là, Ninho occupait plusieurs places dans les charts avec que des feats différents", se rappelle Eden LZ. Un succès tel que tous les artistes vont par la suite s'arracher une collaboration avec le jeune rappeur.

"Maintenant, faire un feat avec Ninho c'est devenu synonyme de single de platine minimum. Quand un mec fait un feat avec Ninho il est certain de tout péter, limite c'est devenu un code de triche", plaisante le vidéaste spécialisé.

Et pour son nouvel album NI, disponible ce vendredi, Ninho a placé la barre encore plus haut. Le rappeur ajoute à sa longue liste de featuring des collaborations venues des quatre coins du globe: le rappeur américain Lil Baby, le Britannique Central Cee ou encore les artistes nigérians Ayra Starr et Omah Lay. De quoi faire passer à Ninho un nouveau cap en faisant rayonner sa musique à l'international.

Carla Loridan