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Froid: pourquoi nous ne sommes plus habitués à de telles températures

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Ces dernières années, la France a connu de nombreuses périodes anormalement chaudes en raison du dérèglement climatique. Conséquence: notre perception des températures évolue, en prenant pour référence des températures de plus en plus élevées et en s'y habituant.

Gants, bonnets et écharpes sont de sortie. Le froid s'est installé en France et le mercure est passé largement en dessous des 0°C sur une vaste partie du territoire. Plusieurs préfectures ont déclenché leur plan "grand froid" et six départements sont placés en vigilance orange neige-verglas par Météo-France ce mardi 9 janvier.

Cet épisode est dû à un phénomène météorologique surnommé le "Moscou-Paris", un couloir d'air froid venu de la Russie et de la Scandinavie et qui fait chuter les températures.

Exceptionnel? "Cet épisode hivernal est relativement classique", explique à BFMTV.com Christine Berne, climatologue à Météo-France.

"On a eu un épisode quasiment similaire en janvier dernier mais on l'a rapidement oublié car le mois suivant était très doux et ensoleillé", poursuit-elle. En effet, s'il s'agit-là d'un froid de saison, il est vrai que la France n'a plus beaucoup l'habitude de telles fraîcheurs.

Comment fonctionne le plan "Grand froid"?
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3:50

Une décennie d'hivers très doux

Les températures de cette semaine sont en dessous des normales de saison. Toutefois, Météo-France ne parle pas de "vague de froid". "Les critères définis ne sont pas atteints, il fait plus chaud que ça", détaille Christine Berne.

"Ce qui surprend actuellement, ce sont les contrastes", complète-t-elle. Si cet épisode de froid nous semble aussi brutal, c'est que les derniers hivers de France métropolitaine ont été particulièrement doux, dépassant (parfois largement) les normales de saison.

Selon les données de Météo-France, l'hiver 2012-2013 est le dernier à avoir été, en moyenne sur les mois de décembre, janvier et février, sous la normale. "Ça fait dix ans que les hivers sont chauds", résume la climatologue.

"Sur les cinquante dernières années, les hivers se sont réchauffés en moyenne d'1°C", précise-t-elle.

L'habitude des températures élevées

Outre la douceur, voire chaleur, des récents hivers, le contraste est également saisissant par rapport à l'année écoulée. L'année 2023 se classe au deuxième rang des années les plus chaudes sur notre territoire après 2022, avec une anomalie thermique de +1,4°C par rapport aux normales 1991-2020.

Après une période estivale particulièrement éprouvante, l'automne a été le plus chaud jamais enregistré. Et le mois dernier n'a pas échappé à la tendance: décembre 2023 a été 1,9°C plus chaud que la moyenne. "Seuls les tous premiers jours du mois ont revêtu un caractère hivernal", indique Météo-France.

"On s'habitue à avoir des températures trop chaudes", résume Christine Berne.

Alors que l'indicateur thermique national (la moyenne quotidienne des températures relevées dans trente stations représentatives) pourrait passer en dessous de 0°C ce mardi, les Français ont perdu l'habitude des températures négatives, pourtant courantes en hiver.

Des références modifiées

C'est ce que l'on appelle le "syndrome du référentiel glissant", théorisé en 1995 par le biologiste Daniel Pauly et qui explique que notre perception des températures évolue dans le contexte du dérèglement climatique, en prenant pour référence des températures de plus en plus élevées et en s'y habituant.

Effectivement, l'épisode de froid actuel ne veut pas dire que les effets du changement climatique ont disparu. Le climat étudie les variables atmosphériques sur une longue période de temps et son réchauffement progressif n'empêche pas d'avoir ponctuellement des épisodes plus froids.

Au contraire, sous l'effet du réchauffement climatique, provoqué par notre consommation de pétrole, de charbon et de gaz, les vagues de froid sont devenues plus rares, moins longues et moins intenses au cours des 35 dernières années, rapporte Météo-France.

"Nous nous habituons à cette chaleur qui devient notre quotidien et notre référentiel froid disparaît au profit d'un référentiel plus chaud", explique à franceinfo le climatologue Matthieu Sorel. Le froid de cette semaine est donc un froid de saison dont on a petit à petit perdu l'habitude.

Salomé Robles et Théophile Magoria