Charon, Cerbère... Pourquoi les vagues de chaleur n'ont-elles pas de noms officiels?

Après un mois de juin record, l'Europe, l'Asie et l'Amérique du Nord souffrent d'une chaleur extrême dans plusieurs régions. Comme avec les ouragans et les tempêtes, la question de nommer les vagues de chaleur et canicules se pose, mais ne fait pas consensus.

Ce mois de juillet 2023 "en passe de devenir le mois de juillet le plus chaud jamais mesuré", a indiqué ce mercredi à l'AFP l'observatoire européen Copernicus. Après un mois de juin record sur la planète, l'hémisphère Nord étouffe sous des températures extrêmes. De la Californie à la Chine, les autorités ont mis en garde contre les dangers de ces températures pour la santé.

La multiplication de ces vagues de chaleur et canicules amène une question sémantique: pourquoi n'ont-elles pas de noms officiels, comme les ouragans ou autres tempêtes?

Ce lundi, l'eurodéputée de la France Insoumise Manon Aubry a proposé de nommer chaque épisode caniculaire du nom d'une entreprise très émettrice de gaz à effet de serre, avançant notammant "une vague de chaleur Total". L'année dernière, pour la première fois, une vague de chaleur a été baptisée "Zoé" à Séville.

Du côté des instances officielles, nommer ces épisodes caniculaires n'est toutefois pas d'actualité. "Pour le moment, nous n’avons pas de système de noms, et ce n’est pas envisagé dans un futur proche", avait ainsi expliqué, en juillet 2022, Clare Nullis, porte-parole de l'Organisation météorologique mondiale (OMM).

Anticyclones ou vagues de chaleur?

Pourtant, dans la presse ces dernières semaines, on a vu apparaître des noms issus de la mythologie pour désigner ces vagues de chaleur extrême. La canicule qui touche le Sud de l'Europe a ainsi été baptisée "Cerbère", du nom du chien aux trois têtes qui gardait l'entrée des Enfers, dans la mythologie grecque.

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Mais, comme le relate Wired, ce nom a été choisi par un site italien non officiel, iLMeteo, et n'est pas utilisé par les instances officielles. "Le nom n'est pas officiel, et nous ne l'utilisons absolument pas", a expliqué Luca Mercalli, président de la société météorologique italienne, à nos confrères.

Le site iLMeteo a d'ailleurs choisi de nommer l'anticyclone responsable de la vague de chaleur, et non l'épisode caniculaire en lui-même. Alors que la formation d'un autre anticyclone devrait faire suffoquer Rome dans les prochains jours, le site a d'ores et déjà choisi de nommer ce phénomène "Charon", d'après le nom du pilote de la barque des Enfers.

Les vagues de chaleur et les tempêtes, des phénomènes distincts

Pourquoi ne pas alors opter à nommer ces phénomènes, pour éviter les confusions? Si l'Organisation météorologique mondiale n'envisage pas pour l'heure de nomenclature précise, les météorologues sont divisés sur le sujet.

Nommer les ouragans ou d'autres phénomènes météorologiques extrêmes permet avant tout de les identifier et de les suivre. Le système de prénoms utilisé pour les cyclones ne peut donc pas être utilisé pour les vagues de chaleur.

"Il convient d’être prudent lors de la comparaison ou de l’application de leçons ou de protocoles d’un type de danger à un autre, en raison des différences importantes dans la nature physique et les impacts des tempêtes et des vagues de chaleur", explique l'OMM dans une note, citée par Libération.

"Les ouragans sont des grands systèmes, qui affectent plusieurs pays. Les vagues de chaleur sont plus localisées", a justifié Clare Nullis.

Alors que les ouragans mobilisent les agences locales de l'ONU, les vagues de chaleur, elles, sollicitent "les agences nationales désignées, telles que les services météorologiques ou les agences de santé publique, (qui) ont la responsabilité nationale d’émettre des avertissements officiels de chaleur".

Ainsi, pour l'OMM, nommer ces phénomènes pourrait être contreproductif, avec "des pratiques indépendantes pour classer et nommer les vagues de chaleur qui ne sont pas coordonnées avec les systèmes d’alerte officiels peuvent perturber les protocoles de protection civile et les efforts de coordination".

"Coordination supplémentaire"

"Les différents niveaux d'intensité des vagues de chaleur et les impacts associés au sein d'une vague de chaleur sont importants", a ainsi détaillé à la BBC John Nairs, conseiller principal en chaleur extrême à l'OMM.

"Ces informations précieuses ne peuvent pas se permettre de rivaliser avec plusieurs noms dans un seul système météorologique (...) Nous ne pouvons pas nous permettre d'être distraits par une coordination supplémentaire ni des divisions et des distractions inévitables qui détruiraient la confiance dans les prévisions et les avertissements", a-t-il ajouté.

Quant à l'effet pédagogique sur le public, l'OMM est sceptique. Des phénomènes qui peuvent "ne pas avoir lieu", "peuvent s’avérer moins graves ou se produire dans différentes localités" pourraient "saper les avantages d’une sensibilisation accrue par le biais de la dénomination et créer de fausses alarmes."

Fanny Rocher