BFM Marseille
Marseille

"Ça aurait pu être moi": à Marseille, la crainte de nouvelles victimes collatérales de fusillades

Une jeune femme de 24 ans est morte ce mardi matin, victime collatérale d'une fusillade dans la cité Saint-Thys dimanche soir. Il s'agit de la 43e personne tuée depuis le début de l'année dans le cadre d'affaires liées au trafic de stupéfiants à Marseille, d'après le parquet.

Les habitants vivent désormais "avec une peur permanente". Le parquet de Marseille a annoncé ce mardi matin la mort de la jeune femme blessée par un tir de kalachnikov après une fusillade dans la cité Saint-Thys de Marseille. Âgée de 24 ans, elle a été touchée à la tête dimanche soir, alors qu'elle se trouvait dans sa chambre, dans l'appartement qu'elle occupe avec sa mère.

Pour Gérald Darmanin, en visite à Marseille, cette habitante a été "manifestement une victime collatérale de règlement de compte ou de reconquête ou conquête d'un point de deal dans un quartier qui n'est pas le plus criminogène de la ville".

"Si elle avait été dans son lit, elle serait morte"

Un point de deal s'est installé depuis plusieurs mois dans cette cité du 10e arrondissement, jusqu'ici préservé des règlements de compte qui touchent régulièrement la cité phocéenne. L'émotion est forte chez les quelque 600 habitants qui y vivent, beaucoup ont peur de devenir à leur tour des victimes collatérales.

"La première rafale il a tiré vers la pharmacie. Après la seconde il pointait son arme vers le haut, il tirait et il tournait sur lui-même. C'est à ce moment-là que ça a touché ma voisine du dessus", témoigne un habitant au micro de BFM Marseille Provence.

"Ça aurait pu être moi, ça aurait pu être ma mère. C'est pour ça que je ne suis pas très serein. Je ne me sens pas en sécurité maintenant parce que ça aurait pu m'atteindre moi", ajoute-t-il.

Deux autres appartements ont été touchés par les tirs, a indiqué jeudi la procureure de la République de Marseille. L'un appartient à une dame de 79 ans vivant juste au-dessus celui de la victime, l'autre à une femme de 86 ans. Si elles n'ont pas été blessées physiquement, le choc est présent.

"Ma mère était dans la salle à manger assise en train de regarder la télévision. Les balles ont traversé des volets en fer. Ça a traversé une première chambre, ça a traversé juste au-dessus de son lit pour atterrir dans le plafond, il y a plusieurs impacts de balles", explique le fils d'une d'entre elle.

"Si elle avait été dans son lit, aujourd'hui elle serait morte. Une femme de 86 ans, chez elle tranquille. Voilà les risques à Marseille", soupire-t-il.

Une association attaque l'État

Des habitants de la cité Saint-Thys ont déjà sonné l'alarme au début de l'été pour demander plus de présence policière. "On disait à nos enfants ne restez pas tard dehors. Mais maintenant qu'est-ce qu'on fait? On va les enfermer dans la maison, on va ramper dans les appartements? (...) Il faut faire quelque chose à Saint-Thys, on ne va pas laisser les dealers ici", affirme une riveraine.

L'association Conscience a de son côté déposé un référé liberté pour "rappeler la responsabilité de l'État" et "dénoncer l'inaction", a annoncé son président Amine Kessaci lundi sur BFM Marseille Provence.

"Aujourd'hui, les Marseillaises et Marseillais ne sont plus en sécurité dans leur ville. Cette pauvre victime prouve que peu importe où on est aujourd'hui à Marseille, on n'est pas en sécurité. Qu'ils soient chez eux, dans leur salon ou bien dans la rue", a-t-il détaillé sur BFMTV.

Un constat que valide le collectif des familles de victimes. "On savait que des mères de famille, des enfants, des habitants qui sont tranquillement à leur domicile finiraient par être touchés par ces fusillades. On en a malheureusement encore le triste exemple", regrette sa porte-parole.

"On a le récit de familles qui nous disent qu'elles sont terrorisées, qui ont peur. Des familles ont quitté leurs biens (...) Ils vivent avec une peur permanente", ajoute-t-elle.

Une nouvelle unité de CRS en novembre

Car ce n'est pas la première fois que des fusillades font des victimes collatérales à Marseille. Un homme de 63 ans est mort fin avril à la cité de la Busserine, alors qu'il se trouvait dans un snack au rideau de fer fermé. Au micro de BFM Marseille Provence, son frère avait témoigné que ce retraité sans histoire s'est retrouvé "dans un endroit qu'il ne fallait pas" alors qu'il jouait aux cartes.

"Tous les jours, on entend qu'il y a des morts. J'en veux à l'Etat parce qu'ils ne font rien du tout", confiait le frère de la victime expliquant que des camions de CRS tournent dans le quartier sans réellement agir.

"Quand je vais dans un magasin, je suis obligé de regarder derrière moi. Ça fait peur maintenant, on voit des jeunes agressifs. Ce sont des jeunes de 15, 16, 17 ans. Ils ont des armes facilement", ajoutait-il.

Marseille : danger de mort, même chez soi ? – 11/09
Marseille : danger de mort, même chez soi ? – 11/09
9:11

Alors que les habitants demandent des actions de l'État, Gérald Darmanin a confirmé ce mardi qu'une nouvelle unité de CRS composée de 200 policiers, prendra ses quartiers à Marseille en novembre.

Une rivalité entre deux gangs

Depuis le début de l'année, 93 homicides ou tentatives d'homicide en lieu avec le trafic de stupéfiants ont été recensés par le parquet de Marseille sur sa juridiction, dont 90 dans la cité phocéenne.

En tout, 43 personnes ont été tuées au cours de ces affaires. Mi-août, alors que plusieurs fusillades se sont enchaînées en quelques jours, la préfète de police des Bouches-du-Rhône expliquait que ces morts sont la conséquence de la reprise d'une rivalité entre deux clans très puissants: Yoda et DZ Mafia.

"Nous sommes dans un cycle de conflits entre deux grands clans de trafiquants, dans une logique de vendetta, c'est-à-dire de tuer pour venger la mort d'un des leurs. Une logique aussi de terrorisation du clan adverse", avait-elle détaillé.

Marine Langlois