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Pédocriminalité dans l'Église: les vitraux du père Louis Ribes retirés mardi de l'église de Sainte-Catherine

Mardi 24 octobre, les œuvres du prêtre Louis Ribes vont être décrochées de l'église de Sainte-Catherine (Rhône). Luc Gemet, porte-parole du collectif de victimes de Louis Ribes, exprime un soulagement mais attend que l'intégralité des ouvrages soit retirée.

Un soulagement. Les œuvres du père Louis Ribes, accusé d'actes pédocriminels vont être décrochées mardi 24 octobre de l'église de Sainte-Catherine, dans le Rhône. Luc Gemet, porte-parole du collectif de victimes de Louis Ribes et lui-même abusé, préfère plutôt parler de "productions". En l'occurrence, il s'agit de vitraux.

Surnommé "le Picasso des églises", le père Louis Ribes, mort en 1994, est accusé d'avoir commis des abus sexuels sur des dizaines d'enfants dans les années 70 et 80. En janvier 2022, les diocèses de Lyon, Grenoble et Saint-Étienne avaient indiqué avoir recensé plusieurs agressions sexuelles sur mineurs.

Depuis, les victimes ont témoigné et se sont mobilisées, notamment pour faire retirer les vitraux réalisés par le prêtre. Ces oeuvres, présentes dans le Rhône, ont été en partie décrochés par les communes.

À Sainte-Catherine, le maire n'était pas contre. "Il nous a vraiment accompagnés, il nous a vraiment reçus. On a pu faire des réunions à Sainte-Catherine. Ça fait plaisir d'avoir des maires qui prennent notre cause à cœur", souligne Luc Gemet, invité de BFM Lyon ce lundi 23 octobre.

"Qu'on écoute les victimes"

Parce que ce n'est pas toujours le cas. Certaines municipalités refusent pour l'instant de retirer les œuvres du père Ribes, comme Givors. Le maire a écrit au pape pour qu'il se prononce et lui dise quoi faire. "Ça nous dépasse que la commune de Givors ait besoin d'appeler le pape, l'État et faire un grand débat national, c'est ce que le maire nous avait dit. Ce n'est pas utile. Qu'on écoute les victimes tout simplement", estime Luc Gemet.

Et d'ajouter: "On dirait que la question c'est: est-ce que vous êtes pour ou contre la pédocriminalité? (...) Pour certaines personnes, si le patrimoine est si important, c'est dommage, enfin c'est grave même."

Luc Gemet considère que l'Église soutient désormais les victimes du prêtre Louis Ribes. Même si pour cela, il a fallu faire du "bruit".

"Il a fallu (...) qu'on passe sur les plateaux télé, qu'on parle beaucoup à la presse. C'est un effort que toutes les victimes ne peuvent pas faire. C'est quand même très très compliqué d'aller chercher dans ses souvenirs qui sont difficiles à se remémorer. D'aller trouver des forces pour dire :'on veut une reconnaissance, on veut une réparation'", indique-t-il.

"L'artiste nous a violés, nous a agressés"

Selon lui, "il faut que l'Église catholique entende que ce genre de faits se passe encore maintenant." Il admet que la parole des enfants est de plus en plus écoutée mais il reste encore un chantier à entreprendre, tant dans l'Église catholique que dans la société.

Dans les communes, les habitants ne sont pas toujours d'accord avec le décrochage des vitraux et des toiles de Louis Ribes. "Il faut séparer l'œuvre de l'artiste", prônent certains.

Pour Luc Gemet, impossible. "On ne peut pas séparer l'oeuvre de l'artiste. L'artiste nous a violés, nous a agressés". Sur certaines des œuvres, ce sont les victimes qui sont représentées.

"Ça peut être moi, ça peut être d'autres enfants qui ont été agressés pendant les périodes de pose, pendant le temps que ce prêtre nous faisait passer avec lui", se souvient-il.
La victime Luc Gemet (à gauche) et sa fille Jasmine (à droite) montrent des photographies en noir et blanc du père Ribes avec Luc Gemet enfant, lors de la première conférence de presse du collectif des victimes du père Ribes, prêtre décédé en 1994 connu pour ses talents artistiques, à Lyon, dans l'est de la France, le 6 mai 2022.
La victime Luc Gemet (à gauche) et sa fille Jasmine (à droite) montrent des photographies en noir et blanc du père Ribes avec Luc Gemet enfant, lors de la première conférence de presse du collectif des victimes du père Ribes, prêtre décédé en 1994 connu pour ses talents artistiques, à Lyon, dans l'est de la France, le 6 mai 2022. © OLIVIER CHASSIGNOLE

Ne plus voir ces ouvrages peut faire partie d'un processus de reconstruction. "Ça fait partie de la thérapie, assure Luc Gemet. Cette personne qui nous a violés, elle n'a jamais été réellement inquiétée."

Au départ, les victimes des abus du prêtre Louis Ribes n'entendaient pas que le processus de décrochage prenne autant de temps. "On est bien obligé de comprendre la réalité, même si on voudrait que tout soit nettoyé de ces œuvres, entre guillemets, (...) qui nous ont empoisonné notre enfance, notre vie d'adulte aussi. Et on est nombreux."

Nolwenn Autret