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"J'en veux à l'Eglise": les victimes du père Louis Ribes prennent la parole

L'affaire Louis Ribes était au coeur d'une réunion publique ce mardi soir à Grammond, dans la Loire, le village d'origine du prêtre. De plus en plus, les langues se délient, les victimes racontent. Elles seraient plusieurs dizaines à avoir subi enfant des agressions sexuelles de la part du prêtre accusé de pédophilie.

Doucement, la parole commence à se libérer. L'Église est visée par une nouvelle affaire de pédophilie. Les diocèses de Lyon, Saint-Etienne et Grenoble ont annoncé en début de semaine avoir recensé une série d'agressions sexuelles sur mineurs commises dans les années 70-80 par le prêtre Louis Ribes, décédé en 1994 et connu pour ses peintures dans des églises de la région.

Depuis, les témoignages de victimes sont de plus en plus nombreux, comme celui de Luc. "Ca me libère d'un poids", souligne-t-il ce mercredi sur BFM Lyon. "Même si c'est difficile de faire face et de raconter et de reraconter ce qui s'est passé. J'espère que ça va libérer d'autres personnes" poursuit Luc.

Lui avait 8 ans quand les agressions ont commencé. "Puisque c'était un ami de la famille, ça a commencé chez mes parents. Ensuite ça s'est poursuivi. Il invitait les enfants dans le séminaire où il travaillait à Vienne, où il était enseignant, et malheureusement les agressions avaient lieu quand il le souhaitait" partage l'homme.

La "culpabilité" d'être victime

Pendant des années, Luc essaie "de mettre de côté" ses pensées. "J'ai vu un psy, je lui ai parlé d'autres problèmes. Pour moi ce n'était pas un gros problème mais je me rend compte que c'est un gros problème", admet-il.

S'il a attendu ces dernières semaines pour en parler, c'est parce qu'il avait "honte" de la situation. "Je pense qu'on a tous la culpabilité d'être des victimes" confie Luc. "Je me remets dans ma peau d'enfant, j'ai l'impression que j'ai créé cette situation".

"Le prédateur, en l'occurrence Louis Ribes, était un grand manipulateur et savait comment faire pour que les gens ne parlent pas" indique l'homme.

Si Luc a décidé de sortir du silence, c'est parce que ses enfants lui ont posé des questions sur son passé. "J'allais devenir grand-père et ma fille m'a posé énormément de questions. Et je me suis dit que ce n'est pas possible que nos enfants, nos petits-enfants, vivent dans un monde où il se passe ce genre de choses".

Une réunion organisée à Grammond

Combien d'autres enfants ont été abusés par le père Louis Ribes? C'est notamment pour répondre à cette question qu'une réunion publique était organisée ce mardi soir à Grammond, entre Lyon et Saint-Etienne. Le père Ribes n'a jamais exercé dans la commune mais était originaire de ce village de 900 habitants et y revenait fréquemment.

Tous veulent en savoir plus sur les agissements du père Ribes. À l'abri des caméras, huit personnes ont témoigné des agressions sexuelles qu'elles auraient subies enfants. Elles décrivent les mêmes faits.

"C'était un artiste donc ils les faisaient déshabiller, ils les contemplaient, ils les touchaient. Ils les agressaient sexuellement, voilà ce qu'il faisait" juge Sihem, la femme de Luc.

Le prêtre "nous achetait avec des cadeaux"

Dans la commune, des soupçons circulaient sur le cas du prêtre. "J'ai l'impression que des adultes se doutaient, savaient ou avaient été victimes aussi et ne disaient pas. Je pense que c'est assez fréquent dans ce genre de fonctionnement" développe Luc.

Ce mardi soir, Catherine, l'une des victimes présumées, confie avoir été "très contente" que les langues se délient. "Je veux que son nom soit sali (...) J’aimerais qu’on puisse se rendre compte de l'ampleur du nombre de victimes".

Avec son frère Richard, ils estiment que la tombe du prêtre "n'a pas sa place dans la commune". "Il y avait nos parents dans la salle. Quand ils apprennent qu'il y a cinq de leurs huit enfants qui y sont allés sur huit, c'est dur" explique l'homme.

Selon lui, le prêtre a "acheté" les victimes avec des cadeaux. "Chez nous on avait à peine la TV, lui il avait plein de cassettes vidéo, il nous montrait plein de films. À priori, pour certaines victimes, des films pornographiques. Il avait un ordinateur on pouvait faire des jeux vidéo".

Les victimes attendent une réponse forte de l'Eglise

Dans l'assemblée, Annick, 53 ans, assiste également à la libération de la parole. Elle est l'une des premières victimes à avoir brisé le silence. Elle attend désormais des actes forts de l'Eglise. "On ne peut pas en rester là. La suite c'est toute la réparation qu'il peut y avoir. On a parlé de réparation psychologique, de réparation financière" raconte la femme.

De son côté, Luc souhaiterait d'abord "que l'Eglise reconnaisse sa responsabilité, reconnaisse qu'elle a fermé les yeux, qu'elle a laissé faire". Le père de famille explique avoir beaucoup de colère par rapport à l'Eglise. "Il y a une proportion importante de prêtres qui ont profité de leur situation pour profiter des enfants et des adultes".

"J'en veux à l'Eglise qui a aveuglé ma famille" martèle le père de famille.

Pour beaucoup d'habitants de la commune, le père Louis Ribes était un pilier. "C'était un dieu vivant. Nos parents avaient confiance en lui" expliquent Richard et Catherine.

Une cinquantaine de victimes présumées à Grammaud

Pour l'évêque de Saint-Etienne, les résultats de cette réunion sont une surprise. Le diocèse ne s'attendait pas à autant de témoignages et ne mesurait pas l'ampleur de cette affaire. "Je vous ai parlé de cinq victimes au début, aujourd'hui c'est au moins 50 dans ce village", explique Monseigneur Sylvain Bataille.

Il explique que les oeuvres du prêtre, surnommé localement "le Picasso des églises" vont tout d'abord être démontées. "Mais on ne va pas laisser vide. Parce qu'il ne s'est pas rien passé. Mais ça il faut qu'on le construise avec les gens et ça va se faire progressivement" assure l'évêque.

À Grammond, comme dans les autres villes où a exercé le père Ribes, la parole se libère progressivement. Selon certains participants, le nombre de victimes supposées, est largement sous-estimé.

Arthur Blet et Alicia Foricher