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Soudan: l'OMS évoque un "risque biologique énorme" après la prise d'un laboratoire par des soldats

De la fumée au-dessus de l'aéroport international de Khartoum après de nouveaux tirs au Soudan, le 20 avril 2023

De la fumée au-dessus de l'aéroport international de Khartoum après de nouveaux tirs au Soudan, le 20 avril 2023 - AFP

Le laboratoire, dont les scientifiques ont été renvoyés pour servir de base militaire, contient des souches de maladies mortelles, comme la polio ou la rougeole.

Le Soudan continue de s'enfoncer dans l'abîme. Alors que le troisième pays d'Afrique est meurtri depuis le 15 avril par des combats meurtriers qui opposent les troupes de deux généraux ennemis, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a aggravé mardi les craintes qui pèsent sur la population civile.

Le représentant de l'OMS au Soudan, Saeed Abid, a évoqué une situation sanitaire "extrêmement, extrêmement dangereuse", rapporte CBS, après la capture d'un laboratoire public situé à Khartoum, la capitale. Une évaluation des risques est en cours, a indiqué ce mercredi l'organe onusien.

Les soldats ont "renvoyé tous les techniciens du laboratoire. Il est désormais sous le contrôle d'un des belligérants du conflit et sert de base militaire", a poursuivi Saeed Abid.

Polio, rougeole et choléra

Le représentant de l'OMS pour le Soudan a indiqué avoir été alerté par le directeur du laboratoire occupé lundi.

"Il y a un énorme risque biologique associé à l'occupation du laboratoire de santé publique", a-t-il déclaré.

L'inquiétude est d'autant plus grande que le laboratoire stockait, avant sa capture, des échantillons de souches de maladies mortelles, comme la polio ou la rougeole, mais aussi le choléra.

La polio, qui avait pourtant été éradiquée du continent africain, avait fait sa réapparition en août 2020 au Soudan. En janvier dernier, l'OMS avait encore rapporté la détection d'un poliovirus chez un enfant de 48 mois dans le pays.

L'organe onusien redoutait à l'époque une "immunité insuffisante de la population en raison de la faible couverture vaccinale, (qui) augmente le risque de propagation de la maladie à travers le pays".

Une situation humanitaire dramatique

Plus généralement, avant le déclenchement des hostilités le 15 avril, qui ont fait en une dizaine de jours plus de 400 morts, la population soudanaise se trouvait déjà dans une situation humanitaire dramatique.

"Les Soudanais, déjà durement affectés par des besoins humanitaires, plongent dans les abysses", a ainsi déclaré Jens Laerke, porte parole du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, rattaché à l'ONU.

Les actuels combats ont causé des pénuries d'eau, de nourriture, de médicaments et de fuel. De même, "l'épuisement des stocks de poches de sang risque de s'aggraver faute d'électricité", a déclaré l'OMS.

Et Saeed Abid a ajouté qu'en plus des risques chimiques, "les risques biologiques sont également très hauts en lien avec un manque de générateurs opérationnels".

Dans ce contexte, des pillages de denrées humanitaires ont été constatés. Les ONGs internationales anticipent plus de 270.000 réfugiés, notamment au Tchad et su Sud-Soudan.

Fragile cessez-le-feu

Depuis le 15 avril, deux généraux ennemis, Abdel Fattah Al-Bourhane et Hamdane Daglo, chacun à la tête de leur propre faction militaire, s'affrontent dans des combats meurtriers.

À Khartoum, la capitale du pays, les combats font rage, plongeant dans le noir et la faim ses millions d'habitants. Ce week-end, des opérations d'évacuations des expatriés occidentaux et de leur personnel diplomatique ont été menées par plusieurs pays, dont la France sous le nom de code Sagittaire. Des manœuvres interprétées par les observateurs comme un signe que la crise est appelée à durer.

Antonio Guterres, le secrétaire général de l'ONU, a déjà exprimé ses craintes, estimant que les affrontements au Soudan laissaient planer le "risque d'une catastrophique déflagration, qui pourraient enflammer toute la région et même plus loin encore".

Mardi matin a néanmoins débuté un fragile cessez-le-feu de 72 heures, négocié sous l'égide des États-Unis et de l'Arabie Saoudite.

Jules Fresard