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Augmentation du pain: "80% des boulangeries ne sont pas couvertes par le bouclier tarifaire"

La plupart des artisans ont besoin d'une puissance au compteur qui n'entre pas dans le cadre du bouclier. De quoi mettre en danger de nombreux commerces alerte la profession.

Il y a comme une dissonance entre le discours du gouvernement et l'inquiétude des boulangeries en ce qui concerne la flambée des coûts de l'énergie.

D'un côté, Bercy affirme que la plupart des artisans et des PME du secteur sont protégés par le bouclier tarifaire. "Pour les plus petites entreprises, celles qui ont un chiffre d'affaires inférieur à 2 millions d'euros et qui ont moins de 10 salariés, elles sont protégées par les tarifs régulés de vente, avec une hausse qui sera limitée à 15%" l'an prochain, assure le ministère de l'Economie.

De l'autre, le secteur affirme que le cadre de ce bouclier exclut de fait une grande partie des commerces de cette protection.

"Au bord de l'explosion"

"Le critère de la taille de l'entreprise est sans lien avec celui des tarifs régulés de l'électricité. Le véritable critère est celui de la puissance du compteur. Or la plupart des boulangeries, même les petites boulangeries de quartier, entre le four, le pétrin, les chambres froides et les banques réfrigérées, ont besoin d'une puissance énergétique qui les placent hors du champ de la protection énoncée par le ministre de l'Économie" explique Marc Sanchez, Secrétaire général du SDI (Syndicat des indépendants).

Un constat confirmé à BFM Business par Dominique Anract, Président de la Confédération Nationale de la Boulangerie Pâtisserie Française.

"80% des boulangeries qui ont moins de 10 salariés et qui font moins de 2 millions d'euros de chiffre d'affaires ne sont pas couvertes par le bouclier tarifaire".

La plupart des artisans ont en effet besoin d'une puissance au compteur, supérieure à 36 kilovoltampères (KVA), qui n'entre pas dans le cadre du bouclier. Selon le patron de la Confédération, en moyenne, la puissance au compteur requise pour des boulangeries de moyenne taille (6 à 8 salariés) tourne plutôt autour de 72 KVA, soit le double du plafond imposé par le bouclier.

Interrogé par nos soins, EDF indique que le taux de 80% de petites et moyennes boulangeries non couvertes par le bouclier avancé par Dominique Anract n'est pas faux.

"Nos adhérents boulangers qui subissent déjà les hausses des matières premières (farine, produits laitiers, œufs), ainsi que les hausses du prix du papier (sachets, carton) sont au bord de l'explosion" alerte le SDI.

Concurrence des grandes surfaces "qui vendent à perte"

"Pour les artisans qui doivent aujourd'hui renouveler leurs contrats d'énergie, le risque est de voir la facture être multipliée par trois ou quatre. On a bien lancé un plan de sobriété mais ça ne suffira pas", ajoute Dominique Anract.

Sans quoi, il faudra bien augmenter très sensiblement les prix. "Si un artisan voit sa facture être multipliée par 4 ou 5, il faudra qu'il augmente tous ces prix de 30% pour garder la tête hors de l'eau, sans quoi il fermera" s'inquiète Dominique Anract. "De quoi faire grimper la baguette jusqu'à 1,50 euros, ce qui inquiète les artisans qui pensent qu'à ce prix, les consommateurs vont se tourner vers les grandes surfaces où les baguettes sont vendues à perte" poursuit-il.

"La répercussion intégrale de ces coûts placerait le prix de la baguette à un seuil qu'ils estiment ne pas pouvoir atteindre sur ce produit emblématique de la consommation alimentaire française" abonde Marc Sanchez du SDI.

On rappellera que selon les chiffres d'Eurostat, la France est le pays de l'Union européenne où le prix du pain a le moins augmenté sur un an (+8,2%), loin derrière l'Allemagne (+17,5%) ou l'Espagne (+15,2%) voisines.

Alerté par cette situation, Bercy "regarde le dossier, ils pensaient que le plafond de 36 KVA couvrait toutes les activités des artisans mais pas pour nous" explique Dominique Anract qui a demandé (tout comme le SDI) que cette limite soit levée pour les boulangeries.

Contacté, le ministère de l'Economie et des Finances rappelle que d'autres aides que le bouclier tarifaire existent, notamment une aide pour les entreprises qui dépensent plus de 3% de leur chiffre d'affaires en énergie et qui perdent de l'argent.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business