BFM DICI
bfmdici

Disparition d'Émile: comment se prépare la "mise en situation" dans le hameau du Haut-Vernet

Un important dispositif de gendarmerie sera déployé pour condamner l’accès au hameau du Haut-Vernet. Des habitants convoqués par les enquêteurs se disent "sereins" pendant que le maire redoute "une pression médiatique très forte".

Depuis lundi, ils ont fait les cent pas d’un point à l’autre. Tantôt au bas du village que dans le hameau du "Haut", qui sera l’objet de toutes les supputations ce jeudi 28 mars, à l’occasion de la "remise en situation" dans l'enquête sur la disparition d'Émile.

Les gendarmes, essentiellement rattachés à la compagnie de Barcelonnette, ont déjà pris possession des lieux. "Ce sont des repérages qui nous permettront de sanctuariser le hameau du Haut-Vernet ce jeudi", confirme le colonel Pierre-Yves Bardy.

Le commandant du groupement de gendarmerie des Alpes-de-Haute-Provence n’a qu’un seul objectif: "rendre hermétique le hameau afin que les enquêteurs et magistrats puissent travailler dans d’excellentes conditions".

L'accès au Haut-Vernet interdit jusqu'à vendredi

Avec, pour le patron des gendarmes des Alpes-de-Haute-Provence, un seul risque en vue: celui de la pression médiatique. Le maire du Vernet partage cette crainte. Un arrêté municipal interdit l’accès au Haut-Vernet depuis ce mercredi 27 mars au matin et jusqu’à vendredi, même heure.

"Pour assurer la tranquillité des habitants et des enquêteurs", indique sobrement François Balique.

Selon les informations de BFM DICI, l’élu a prévu d’ouvrir une salle avec des sanitaires pour que les nombreux journalistes attendus sur place puissent patienter au chaud, loin du cœur de l’action où ils ne sont pas les bienvenus.

"Nous serons intransigeants. Si un journaliste est surpris à proximité du Haut-Vernet, il sera verbalisé et amené en bas du village. Quitte à ce que la force soit utilisée", prévient un gendarme.

Par précaution, un arrêté interdisant les drones est aussi en vigueur. Le survol de la zone par les avions de tourisme, aéronefs et hélicoptères est également impossible durant la "remise en situation".

Un dispositif de gendarmerie inédit

Assurément, cet acte d’enquête ne ressemblera à aucun autre connu au Vernet depuis la disparition d’Émile. La section de recherches (SR) de Marseille a obtenu le renfort d’un escadron complet de gendarmerie mobile.

Ainsi, soixante militaires d’Orange seront déployés dans les prochaines heures, en plus des gendarmes locaux, pour empêcher toute intrusion dans le hameau du Haut-Vernet.

Les habitants convoqués à la "remise en situation" iront sur site par leurs propres moyens. La plupart sont déjà sur place pour éviter de tomber nez à nez avec des journalistes qui pourraient immortaliser des mines tendues observées derrière des pare-brise noyés aux essuie-glaces battants. La pluie est, en effet, annoncée ce jeudi matin au Vernet.

Émile : où était chaque habitant ce jour-là ? - 24/03
Émile : où était chaque habitant ce jour-là ? - 24/03
16:57

Les enquêteurs imaginent un double barrage pour éviter tout risque de pénétration soudaine et malvenue au hameau. Un premier filtrage avec vérification d’identité devrait être effectué au Vernet. Un second est envisagé deux kilomètres plus loin, à l’entrée du Haut-Vernet, pour s’assurer que des personnes non convoquées ne se soient pas greffées au convoi.

Redoutant la présence cachée d’un journaliste au hameau, les enquêteurs ont tout verrouillé à double tour. Une erreur ferait tache, surtout le jour où, hasard du calendrier, le général Arnaud Browaëys, patron de tous les gendarmes de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, se déplace en Haute-Provence pour une inspection à Digne-les-Bains.

Selon nos informations, il n’a pas prévu de se déplacer au Vernet. À l’inverse des juges d’instruction ou encore du colonel Christophe Berthelin, le commandant de la SR de Marseille, qui n’hésite pas à accompagner ses équipes lors des moments importants.

"Conforter" ou "éliminer" des pistes

Cette remise en situation en est un puisque la disparition d’Émile est le dossier le plus sensible de la gendarmerie nationale depuis presque neuf mois.

"Ils veulent conforter ou éliminer une des pistes", croit savoir un habitant du Vernet.

Contrairement à ce qui est annoncé par la presse depuis plusieurs jours, tous les habitants présents dans le hameau au moment de la disparition du petit garçon, le 8 juillet dernier, ne sont pas convoqués par les enquêteurs.

Et inversement, puisqu’au moins une personne qui n’était pas présente dans le hameau en fin de journée est attendue par les magistrats.

"J’ai reçu le courrier il y a quinze jours et les enquêteurs m’ont bien dit de ne pas en parler. Je n’attends rien de cette journée. J’en ai vu d’autres", indique à BFM DICI cet habitant historique du Haut-Vernet qui semble avoir un alibi sérieux l’éloignant du village au moment où l’enfant s’est volatilisé.

Les grands-parents d'Émile présents, les deux témoins aussi

"C’est un choix d’enquête en fonction de ce qui est important ou pas", souffle une source qui suit l’affaire depuis le premier jour afin d’expliquer la liste des personnes convoquées. Les grands-parents d’Émile seront là, comme les deux témoins oculaires.

"L’ont-ils bien vu? Monter ou descendre la rue? De loin ou de près? Était-ce bien Émile?", demande une habitante du Vernet qui se dit, comme beaucoup, que les deux témoins auront un rôle crucial jeudi.

L’un d’eux ne redoute pas particulièrement cette journée. "Je ne sais pas à quoi m’attendre. Moi, je n’ai rien à me reprocher donc je m’en fous. Je ne suis pas stressé. Ce qui m’embête, c’est que cela me fait perdre une journée de travail. J’espère vraiment que ce sera la dernière fois", confie-t-il à BFM DICI.

Avant de conclure : "C’est quand même louche. Petits, nous n’avons jamais eu aucun problème ici. En tout cas, au village comme à Seyne, tout le monde partage le même avis…"

Sans le dire, cet habitant, comme bien d’autres, suppose que la pression repose essentiellement sur la famille du petit garçon. L’avocate des grands-parents d’Émile devrait être présente au Vernet ce jeudi pour aider ses clients à traverser cette nouvelle épreuve.

Ils devront "revivre" le 8 juillet

Toutes les personnes convoquées jeudi devront "revivre" avec précision ce qu’ils ont vécu le jour de la disparition de l’enfant. Ce sont les directeurs d’enquête de la section de recherches et les magistrats qui poseront les questions. Ça sera le moment pour eux de faire coïncider les auditions avec le terrain et l’enquête sur la téléphonie. Quitte à relever des incohérences pour expliquer l’inexplicable.

La journée pourrait être filmée, même s’il n’y a aucune obligation légale. "Il faudrait que les parties civiles l’acceptent. Ce n’est pas une reconstitution mais une remise en situation ce qui n’est pas du tout la même chose", recadre un enquêteur. Tant dans la manière de mener les opérations que dans les moyens utilisés.

"Tout le monde est en effervescence ici. Les gens sont fatigués. Des personnes sont accusées et rien ne sort finalement. Les habitants veulent du concret", regrette un habitant du village.

Si la journée s’annonce essentielle pour l’enquête, aucun gendarme interrogé par BFM DICI ne s’attend pour autant à une révélation majeure au cours de l’opération.

Après, les investigations vont se poursuivre et d’autres actes seront menés par les enquêteurs. "Les gens aimeraient qu’on parle du Vernet pour autre chose", termine une figure du village. En attendant, Émile sera encore dans toutes les têtes ce jeudi dans la vallée du Bès.

Valentin Doyen avec Martin Regley