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Disparition d'Émile: d'ex-membres de la communauté religieuse de son grand-père soulignent son "caractère autoritaire"

BFM DICI a pu recueillir les témoignages de cinq anciens pensionnaires de la communauté religieuse de Riaumont qui ont connu Philippe Vedovini, alias Frère Philippe, le grand-père du petit Émile disparu depuis le 8 juillet 2023 dans les Alpes-de-Haute-Provence.

Trois jours après nos révélations sur le passage de Philippe Vedovini comme encadrant dans la communauté religieuse de Riaumont, BFM DICI a pu entrer en contact avec cinq anciens élèves qui l’ont côtoyé. Si la plupart assurent ne pas voir subi de violence de Frère Philippe, tous insistent sur "le caractère autoritaire" de l’intéressé.

Si 30 ans ont passé, Victor* garde encore des souvenirs de cette époque. Sollicité à de nombreuses reprises par des journalistes ces derniers jours, Victor a accepté de revenir sur "ses années Riaumont" pour BFM DICI.

Il avait 15 ans lorsqu’il a passé une année au pensionnat géré par la communauté traditionaliste. Une expérience mitigée, voire plutôt mauvaise. Victor décrit "une vie assez dure" avec des frères en soutane et rangers. "Et les enfants en culotte de cuir".

Concernant Frère Philippe, il a un avis tranché sur la question. "Y’avait deux ou trois frères qui n’avaient rien à faire là, dont lui. Il aurait mieux fait de rester kiné et de ne pas venir nous emmerder".

Un "climat général de domination des frères sur les enfants"

Victor se souvient d’un frère "très autoritaire, un peu violent" qui n’hésitait pas à mettre "des coups de poings dans les épaules". Pour lui, Frère Philippe "participait à ce climat général de domination des frères sur les enfants".

Une discipline de fer y régnait. "Je me souviens avoir pris des coups de poings dans les épaules de sa part. J’avais 15 ans et c’était de la violence physique". Athlétique physiquement, Frère Philippe impressionnait et faisait respecter l’ordre.

"Même si j’étais costaud, le rapport de force était son côté. Son côté paramilitaire ne donnait pas envie de s’y frotter. Il avait un air très autoritaire, supérieur, de domination", avance Victor.

Et de conclure à propos de Frère Philippe: "C’était le plus fort, il le savait et nous le sentions. Il était un vrai chef de meute que nous devions suivre car c’était le plus fort. Je me souviens de son pas à lui, quand il faisait les 100 pas dans le dortoir à réciter ses chapelets. Imposant, avec un port de tête très haut et un regard de faucon, c’était un personnage flippant avec une attitude malsaine vis-à-vis de nous, comme si on lui appartenait".

"Je ne sais pas s’il a été à sa place un jour"

Philippe Vedovini a passé quelques mois au début des années 90 dans la communauté religieuse de Riaumont à Liévin (Pas-de-Calais). À cette époque, il souhaitait devenir prêtre et a donc suivi une formation religieuse en plus d’encadrer des enfants en pension.

Suspecté de violences, il a été entendu par les enquêteurs en 2018. L'avocate du grand-père d'Émile rappelle qu'il a été placé sous le statut de témoin assisté dans le cadre de cette affaire mais qu'il n'a pas été mis en examen. Elle affirme également qu'un non-lieu devrait être prononcé en sa faveur lors de la fin de l'instruction.

Un dénouement que Louis* attend avec impatience. Lui a déjà dit tout ce qu’il pensait de Frère Philippe aux enquêteurs. "J’ai été entendu trois fois en gendarmerie. La dernière fois, c’était en 2017 avec la gendarmerie et la police judiciaire qui s’est déplacée jusqu’à moi. Je ne souhaite pas y revenir dans la presse", indique l’ancien élève qui avoue être un peu perdu.

"Ce que j’ai vu avec mes yeux d’adolescent et ce que la justice en dira, pour moi cela reste en suspens. J’attends que la justice fasse son travail pour savoir si j’ai fabulé ou si cette personne est atteinte psychologiquement en étant capable d’avoir plusieurs visages. Je suis dans le doute concernant ce monsieur. Je ne sais pas qui il est vraiment. Sincèrement, c’est quelqu’un qui est arrivé là mais qui n’allait pas bien. Il n’était pas à sa place et je ne sais pas s’il a été à sa place un jour", conclut Louis à propos de Frère Philippe avant de clore rapidement la conversation.

Francis* de son côté avoue s’être toujours tenu à distance de Frère Philippe. "Fort en gueule" comme il se décrit, cet ancien élève appartient à une famille connue et respectée à l’extrême-droite de l’échiquier politique français. "Il se méfiait de moi car il savait que j’avais des appuis dans la communauté. De Frère Philippe, je m’en méfiais comme de la peste. Il était réputé pour être sournois.

"J’avais une vraie confiance en les autres frères mais Vedovini, je ne l’ai jamais senti", confie ce dernier à BFM DICI.

"Il était un peu comme un chien fou dans un jeu de quilles"

Francis va plus loin. "Une fois, on parlait dans la chambrée et Frère Philippe nous a joué un sale coup. Il a sournoisement écouté nos propos et a tout raconté au prieur plutôt que de nous dire de la fermer. On a récolté une punition collective. Il avait aussi eu une histoire de bagnole qu’il avait vendu à quelqu’un, une histoire de cornecul. Ce mec, franchement, je m’en méfie", explique l’ancien élève qui garde en revanche un excellent souvenir de Riaumont.

"Cet endroit a été une période extraordinaire de ma vie qui m’a sortie de mes emmerdements et de mon analphabétisation. Riaumont m’a sauvé la vie. Je n’ai jamais été tripoté par qui que ce soit. J’ai pris une fois un coup de pied au cul, c’est tout".

Avant de revenir à la charge concernant Frère Philippe: "Il était un peu comme un chien fou dans un jeu de quilles avec la réputation d’avoir la main leste. S’il avait eu un comportement inapproprié avec les petits, ça se serait mal placé. Il se méfiant de moi puisque mon père avait des relais au sein de la communauté. De temps en temps, il mettait des taquets, des petites calottes mais ça n’allait jamais plus loin. Mais encore une fois, j’étais assez protégé".

Ce qui n’était pas le cas de Marc*. Arrivé en 1992 à l’âge de 10 ans, ce scout "Louveteau" a passé trois ans à l’école. À Riaumont, Marc assure avoir subi un acte de violence mais pas de la part de Frère Philippe. "Je me souviens de lui comme d’un frère éphémère. Certes, il était rentre-dedans mais il m’a clairement foutu une paix royale durant mon passage à Riaumont. Un jour, il m’a recadré devant ma propre mère en me tirant l’oreille. Mais franchement avec lui, j’ai plus vu que subi", raconte Marc.  

Éric* tient le même discours. Lui est arrivé vers cinq ans à Riaumont, à la mort de son père. "J’ai été élevé par les frères. J’étais le plus petit là-bas et j’en garde un excellent souvenir", se remémore-t-il. Même avec Frère Philippe ? "Je me souviens juste de son départ car c’est le premier Frère que j’ai vu partir. Mais je ne me souviens plus trop pourquoi".

Comment était-il ? "Sévère, oui. Mais de là à donner des coups sur les enfants"... Éric en doute sincèrement.

*Les prénoms ont été changés 

Valentin Doyen avec Alixan Lavorel