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Gigafactory, batteries solides, gammes électrifiées... Nissan dévoile sa feuille de route pour 2030

Pionnier de l'électrique avec sa Leaf, Nissan compte investir 15,6 milliards d'euros dans les cinq prochaines années, avec l'ambition de proposer 23 nouveaux modèles électrifiés d'ici à 2030. Un programme de développement d'une batterie solide va démarrer l'an prochain au Japon.

15,6 milliards d'euros pour accélérer dans la voiture électrique. Pionnier de cette technologie avec la Leaf, comme son allié Renault avec la Zoé, le constructeur japonais a dévoilé ce lundi son plan stratégique pour aller encore plus loin dans l'électrification.

"C’est un grand tournant que nous allons prendre", résume sur BFM Business ce midi Koen Maes, directeur général Europe de l’Ouest de Nissan.

L'enveloppe de plus de 15 milliards ne porte pas que sur le développement de nouveaux modèles mais aussi la production des batteries ou encore la mise au point d'une batterie solide.

23 nouveaux modèles électrifiés à horizon 2030

Le constructeur automobile japonais Nissan dit viser une part de 50% pour ses véhicules électrifiés (électriques et hybrides) dans ses ventes mondiales à l'horizon 2030, contre environ 10% en 2020.

Nissan compte pour ce faire introduire 23 nouveaux modèles électrifiés, dont 15 électriques, d'ici son exercice 2030/31, a annoncé le groupe dans le cadre de la présentation de sa stratégie de long terme "Ambition 2030".

Vingt de ces modèles seront mis sur le marché dans les cinq prochaines années, a précisé Nissan. Le constructeur vise plus de 75% de ventes électrifiées en Europe d'ici son exercice 2026/27. Cette part devrait s'élever à plus de 55% au Japon à la même période, et à plus de 40% en Chine.

Aux Etats-Unis, Nissan s'attend à ce que ses futurs véhicules électriques à batterie représentent 40% de ses ventes totales en 2030/31. Une telle vision s'imposait face au "défi imminent et incontournable" de la crise climatique, a souligné lundi le directeur général de Nissan, Makoto Uchida, lors d'une conférence de presse en ligne.

Le groupe compte investir 2000 milliards de yens (15,6 milliards d'euros au cours actuel) dans les cinq prochaines années pour accélérer son virage électrique, soit deux fois plus que ce qu'il avait investi dans ce domaine sur la période 2010-2020, a précisé Makoto Uchida.

A titre de comparaison, son allié Renault avait annoncé en juin dernier 10 milliards d'euros d'investissement d'ici à 2025. Une somme trois fois moins élevée que les investissements annoncés par des géants comme Ford ou Volkswagen, mais qui reste conséquente vue la situation financière difficile du Groupe.

Une tendance de fond

Nissan était l'un des pionniers mondiaux des véhicules électriques, avec son modèle Leaf lancé en 2010. Mais la marque nipponne s'est fait doubler sur ce segment actuellement dominé par l'américain Tesla, et des géants automobiles comme Volkswagen mettent désormais le paquet pour accélérer dans ce domaine en pleine expansion.

La plupart des grands constructeurs ont déjà promis de se désengager progressivement des véhicules thermiques ou de cesser totalement d'en vendre, parfois dès 2030 comme le suédois Volvo Cars. D'autres marques prévoient de passer encore plus tôt au 100% électrique, Abarth en 2024, Jaguar en 2025 ou encore Opel, en 2028 en Europe. Le groupe Renault vise de son côté une part de 65% des véhicules électrifiés dans ses ventes en Europe en 2025, et de 90% en 2030.

Parmi les autres constructeurs japonais, Toyota, qui mise encore largement sur les technologies hybrides, vise à l'horizon 2030 100% de ventes électrifiées (incluant les hybrides) en Europe, 70% en Amérique du Nord et 100% en Chine en 2035. Honda quant à lui s'est fixé cette année l'objectif de ventes mondiales 100% électriques d'ici 2040.

Nissan veut accélérer dans les batteries solides

Au delà des véhicules, Nissan cherche aussi à devenir un acteur clé de la production de batteries électriques. Il a annoncé l'été dernier la construction d'une méga-usine de batteries au Royaume-Uni à côté de son usine automobile existante de Sunderland, en partenariat avec le chinois Envision AESC. Le même partenaire que Renault, pour sa "Gigafactory française", reliée au pôle Electricity de Douai (Nord).

Le continent européen aura d'ailleurs un rôle important dans le plan 2030 de Nissan. "L’Europe va prendre le lead, explique Koen Maes sur BFM Business. On veut électrifier 75% de nos ventes en Europe en 2026".

Ce modèle d'usine intégrée doit être répliqué à terme sur les autres marchés clés du groupe Nissan, avec comme objectif de produire 52 GWh en 2026 et 130 GWh en 2030. A titre de comparaison, Stellantis, le groupe issu de la fusion entre PSA et FCA, estimait en juillet dernier qu'il aurait besoin d'une capacité totale de production de batteries de plus de 260 GWh en 2030, pour moitié en Amérique du Nord et pour l'autre en Europe.

A plus long terme, Nissan compte équiper ses véhicules avec ses propres batteries électriques de nouvelle génération, à l'état solide, à compter de 2028/29. Les batteries solides sont une évolution des batteries lithium-ion actuelles, dont l'électrolyte liquide est remplacé par un matériau solide, un polymère ou des poudres inorganiques semblables à une sorte de céramique.

Cette technologie, qui est encore au stade du développement dans le monde, laisse espérer des performances plus élevées en termes d'autonomie et de temps de recharge notamment, pour un poids et des coûts nettement réduits: environ 65 dollars le kWh, soit près de la moitié du coût actuel. Elle permettrait aussi de s'affranchir de matériaux critiques comme le cobalt. Nissan va construire une "usine pilote" pour développer ces batteries solides à Yokohama, où est aussi implanté son siège mondial, avec l'ambition de présenter un prototype de batterie solide opérationnelle en 2024.

Sur ce programme, Nissan semble faire cavalier seul. Mais l'Alliance avec Renault et Mitsubishi devrait aussi bénéficier de ces avancées.

"Si nous parvenons à une approche très synergétique sur les batteries, l'Alliance sera probablement l'une des premières à franchir le seuil du million de voitures vendues avec le même module (de batterie)", avait ainsi déclaré le directeur général de Renault, Luca de Meo, en mai dernier.

"Je pense que nous sommes plus forts à présent (...) et l'électrification va être l'un des piliers pour définir les prochaines synergies au sein de l'alliance", précisait à l'AFP ce lundi le numéro deux de Nissan, son directeur opérationnel, Ashwani Gupta.

Nissan va mieux

Le groupe compte par ailleurs recruter 3000 ingénieurs supplémentaires pour sa recherche-développement mondiale dans l'électrification. Après deux exercices annuels catastrophiques sous l'effet de la pandémie et d'une cure d'austérité drastique lancée dans la foulée de l'éviction retentissante fin 2018 de son ancien grand patron Carlos Ghosn, Nissan semble sur la voie du redressement.

Malgré la pénurie mondiale de semi-conducteurs et le renchérissement des matières premières, le groupe a nettement relevé début novembre ses prévisions de bénéfices pour son exercice 2021/22, qui s'achèvera le 31 mars prochain. Il anticipe désormais un bénéfice net de 180 milliards de yens (1,4 milliard d'euros), grâce à l'arrivée de nouveaux modèles et le rebond de la demande automobile sur fond de reprise économique mondiale.

https://twitter.com/Ju_Bonnet Julien Bonnet avec AFP Journaliste BFM Auto