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Procès de l'accident du TGV Est: des experts assurent qu'"on ne peut rien reprocher" au conducteur

Le TGV victime d'un accident lors d'un essai le 14 novembre 2015, à Eckwersheim.

Le TGV victime d'un accident lors d'un essai le 14 novembre 2015, à Eckwersheim. - FREDERICK FLORIN / AFP

Selon les experts qui ont témoigné au procès du déraillement d'une rame d'essai du TGV Est, le conducteur du train est hors de cause.

Soumis au feu roulant des questions de la défense, les experts entendus depuis jeudi par le tribunal correctionnel de Paris au procès de l'accident d'une rame d'essai du TGV Est qui a fait 11 morts le 14 novembre 2015, ont formellement dédouané lundi le conducteur du TGV accidenté.

Pour le reste, Bernard Dumas et Bernard Lerouge, les deux experts chargés par la justice de "faire toute observation utile à la manifestation de la vérité", ont maintenu les critiques émises dans leur rapport à l'encontre de la SNCF et de Systra, la société d'ingénierie ferroviaire, filiale de la SNCF et de la RATP, chargée d'organiser les essais de la Ligne à grande vitesse Est européenne (LGVEE).

Trois personnes sur le banc des prévenus

La Systra, la SNCF, SNCF-Réseau (gestionnaire des voies) ainsi que trois personnes physiques - Denis T., 57 ans, conducteur titulaire, Francis L., 64 ans, cadre de la SNCF chargé de lui donner les consignes de freinage et d'accélération, et Philippe B., 65 ans, technicien de Systra chargé de renseigner le conducteur sur les particularités de la voie - sont sur le banc des prévenus.

Ils sont tous les six poursuivis pour "homicides et blessures involontaires par maladresse, imprudence, négligence ou manquement à une obligation de sécurité".

Selon les experts, Denis T., hospitalisé en urgence dimanche et absent de l'audience lundi, n'était qu'un "exécutant". "Il n'était pas censé calculer les points de freinage", a souligné Bernard Dumas. "Sa mission était de suivre scrupuleusement les consignes" données par le cadre SNCF présent en cabine de pilotage, a complété Bernard Lerouge.

"Quelle faute peut-on reprocher au conducteur?", veut savoir son avocat, Me Philippe Sarda. "Ce n'est pas à nous de répondre", éludent les experts. L'avocat insiste et répète sa question. Les experts se tournent vers le tribunal et déclarent: "On ne peut rien lui reprocher".

D'autres avocats tentent de s'engouffrer dans la brèche. "Est-ce que Philippe B. a eu une cause directe dans l'accident?", interroge Me Mario-Pierre Stasi.

"Une cause directe? Non", répondent sobrement les experts.

Les causes de l'accident sont connues: vitesse excessive et freinage trop tardif. Mais le tribunal devra déterminer les responsabilités de chacun dans ce drame.

"Lacunes et mauvaises décisions"

Le 14 novembre 2015, 53 personnes, salariés du secteur ferroviaire et membres de leurs familles, dont quatre enfants, avaient pris place à bord de la rame pour l'ultime test du tronçon de la nouvelle LGVEE entre Baudrecourt (Moselle) et Vendenheim (Bas-Rhin).

A 15h04, au niveau d'Eckwersheim (Bas-Rhin), à 20 km de Strasbourg, le train a abordé une courbe à 265 km/h, très largement au-dessus des 176 km/h prévus à cet endroit. Il a déraillé 200 mètres plus loin à une vitesse estimée de 243 km/h. Onze personnes ont perdu la vie et 42 autres ont été blessées, dont une vingtaine grièvement.

Pour les experts, la vitesse excessive du train "trouve son origine dans un certain nombre de lacunes et de mauvaises décisions ou d'absence de décision", notamment de la part de Systra et de la SNCF.

Des préconisations de vitesse non suivies

Parmi les "mauvaises décisions", les experts ont cité celle "de valider la ligne à 330 km/h au lieu de 187 km/h", comme cela était initialement préconisé, sur un tronçon d'environ trois kilomètres.

"Si une réduction de la vitesse à 187 km/h avait été demandée à l'équipe de conduite, un enclenchement tardif du freinage aurait entraîné une vitesse excessive" mais "n'aurait pas conduit à un basculement ou un déraillement du train", ont affirmé les experts. Après un incident au cours d'un essai le 11 novembre, Systra avait reconnu que le palier à 330 km/h n'était "pas réaliste", ont rappelé les experts.

La SNCF a toujours donné à Systra les "informations utiles et nécessaires" pour la bonne marche des essais, s'est défendu l'avocat de la compagnie, Me Emmanuel Marsigny. Le procès est prévu jusqu'au 16 mai.

G.G. avec AFP