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Tomates sur le balcon et boutures de patates douces: le succès des influenceurs "plantes"

Sur Tiktok et Instagram, les créateurs de contenu spécialisés dans les plantes sont de plus en plus nombreux. Avec un objectif: aider les utilisateurs à progresser ou débuter dans le jardinage.

"Il y a plusieurs semaines, je t'ai montré comment faire germer une patate douce. Car 5 euros le pied en jardinerie, c'est un peu abusé." Sur une musique aux inspirations celtiques, Pierre, alias @le.cultivateur sur Tiktok, plante des cure-dents dans une patate douce. "Aujourd'hui, il ne te reste plus qu'à bouturer les tiges", poursuit-il pour sa communauté de 880.000 abonnés sur la plateforme. Il coupe ensuite quelques branches de l'aliment germé pour les placer dans de l'eau ou dans de la terre.

Après la nourriture, la mode ou encore les bus, c'est au tour des plantes d'affoler la toile. Planter des tomates et du basilic sur son balcon n'a jamais été aussi tendance. La preuve en chiffre. Le hashtag #plante cumule plus de 629 millions de vues. Le mot-clé #jardin, lui, frôle les 4 milliards de vues, rien que ça.

Un engouement qui s'explique notamment par les différents confinements dus au Covid-19. "La pandémie et l'isolement ont dopé les envies de verdures", confirme Stéphanie Laporte, fondatrice de l'agence social média Otta. "S'ajoute à cela la multiplication des ventes de plantes éphémères, comme Plantes pour tous, qui ont incité bon nombre de citadins à se lancer dans le jardinage".

Du balcon au grand potager

Résultat, sur Tiktok, Youtube ou Instagram, les fous de la feuille ont le vent en poupe. Ils s'appellent Ta mère nature, Goran le Permaculteur ou encore Troque ta plante. Dans des vidéos visionnées plusieurs millions de fois sur Tiktok, Instagram et Youtube, ces influenceurs jardiniers expliquent quelle quantité d'eau les Monsteras ont besoin pour être en forme et comment rempoter ses plantes avec amour. On peut aussi admirer tout un catalogue de plante fraiches et bien lustrées qui habillent les intérieurs cosy.

Et il y a en pour tous les goûts. Pierre le cultivateur s'intéresse à la permaculture. Goran, lui, filme ses contenus depuis son potager de 1500 m2. Et surtout, toutes les surfaces. Dès ses débuts, Carole, alias @Unefleurparmilesfleurs, vise les citadins en quête d'astuces pour jardiner dans de petits espaces en filmant ses prouesses florales sur son balcon de 7m2.

La quarantenaire s'est lancée sur le créneau il y a dix ans: "A l'époque, j'étais une des seules à me lancer dans la création de contenu autour des plantes", se remémore-t-elle. "J'ai rencontré quelques difficultés à faire des cultures en pot, alors j'ai commencé à partager mes astuces sur Youtube et Instagram."

Au programme, des trucs et astuces pour faire pousser des tomates en pot, ou brancher un tuyau d'arrosage dans sa salle de bain. Et le succès est au rendez-vous. Carole cumule plus de 120.000 abonnés sur ses plateformes. A tel point que les tutos sur les réseaux deviennent la source de revenu principal de Carole. Depuis, elle propose des contenus autour des plantes d'intérieur, et quelques publications autour des jardins.

Sarah Roux, alias @Troquetaplante, mise sur le bouturage et les do it yourself. En moins d'une minute sur Instagram, l'influenceuse filme ses plants de jacinthes, sécateur à la main et distille ses conseils concernant les fleurs de printemps fanées. Son objectif: partager au plus grand nombre son amour des plantes. "Certaines personnes jettent leurs plantes quand elles meurent. Mon but, c'est de les guider", sourit la créatrice de contenu depuis six ans. Et, malgré son absence de formation botanique, Sarah s'y connaît. Elle entasse et accumule plus d'une centaine de plantes chez elle.

Jusqu'à 4 heure pour une vidéo

Pour aller encore plus loin dans le partage, l'influenceuse a créé des groupes d'échanges de plantes et de graines sur Facebook. "Je troquais beaucoup avec mes voisins et amis. Je me suis dit que ça serait plus sympa de le faire avec d'autres Bordelais, et j'ai créé un premier groupe d'échange" se rappelle-t-elle.

Un moyen économique pour acquérir des plantes à petit prix, donc. Et le succès est immédiat. Les communautés "Troque ta plante" se multiplient. Les groupes attirent bien sûr les passionnés et les collectionneurs qui possèdent des plantes rares et spécifiques. Mais il fait aussi le bonheur des novices.

"Au total, il y a plus de 150 groupes qui rassemblent 300.000 membres", chiffre la Bordelaise. "Les fans de plantes peuvent se rencontrer, échanger des conseils... Certaines villes vont jusqu'à organiser des café-plantes dans la vie réelle et des amitiés se créent", s'enthousiasme-t-elle. "C'est vraiment cet aspect de partage et de lien social qui m'intéresse."

De la philo au potager

Une passion particulièrement chronophage. "Entre le tournage, le montage, la publication de la vidéo et les réponses à tous les commentaires, je passe facilement 3 à 4 heures pour chaque vidéo", estime Goran Puig, plus connu sur Tiktok sous le nom de @le.permaculteur. "Pour m'en sortir, je délègue toute la partie tournage et montage à mon meilleur ami Hugo, avec qui j'ai lancé la chaîne. Pendant ce temps, je m'occupe de l'exploitation de 9 heures à 21 heures", détaille le jeune homme de 22 ans.

En effet, celui qui s'imaginait faire une licence de philosophie a tout abandonné après le covid pour se tourner vers la permaculture. Il se forme, lit "des tas de bouquins, des fiches de cours et regarde des vidéos sur Youtube" dans le but de créer sa propre micro ferme. Un pari fou qu’il partage sur les réseaux sociaux.

"L'idée, c'est de proposer des conseils et d'astuces que tout le monde peut faire. Par exemple, des idées pour recycler ses peaux de bananes en engrais." Les vues s’envolent sur les réseaux sociaux jusqu’à 5 millions de clics sur l’un des posts à succès. Aujourd'hui, plus de 400.000 utilisateurs suivent les aventures de l'agriculteur de 22 ans. "Et, pour ceux qui n'ont pas la patience de jardiner, mes contenus représentent l'occasion de s'évader quelques minutes à la campagne", sourit-il.

Un environnement concurrentiel?

Mais la concurrence sur le créneau des plantes fait rage. A tel point que certains décident de quitter le métier. "Deux ans après le boom du covid, mon nombre de vues et de commentaires a baissé", se désole Carole. Face à la multiplication des influenceurs plantes et aux critiques d'utilisateurs l'accusant de ne pas avoir de formation, elle décide de couper ses réseaux pendant un an.

"J'ai repris les contenus il y a deux mois", précise-t-elle. La vidéaste a délaissé les tutos pour les vlogs, "des formats plus informels" pour retrouver le plaisir de partager sa passion avec sa communauté.

Un avis loin d'être partagé par Goran. "Tiktok m'a permis de montrer l'envers du décor de l'agriculture a des millions d'internautes. Sans les réseaux sociaux, ma micro-ferme n'aurait pas eu le même impact", souligne, très reconnaissant le jeune drômois. Le permaculteur vient notamment de boucler sa campagne de financement participatif. Montant total récolté: 82.560 euros, sur les 50.000 euros demandés.

Salomé Ferraris