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Pourquoi la vente d'abonnements Netflix chez Carrefour est loin d'être anecdotique

L'enseigne de grande distribution va commercialiser des abonnements Netflix, en ajoutant un avantage de fidélité à la clef. Une opération stratégique pour le géant américain.

C'est une association pour le moins inattendue… sauf pour les fins connaisseurs du secteur. Ce 16 janvier, Netflix et Carrefour ont annoncé un accord de distribution pour que le second écoule les différents abonnements du premier, directement dans ses propres supermarchés ou hypermarchés. Pour l'heure, 108 magasins sont concernés, dans les environs de Rouen et Bordeaux. En cas de succès, ce mode de distribution sera généralisé en 2025 par Carrefour.

Dans une dizaine de magasins Carrefour, ce partenariat sera visible sous la forme d'un rayon à part entière, incluant, en plus des cartes d'abonnement, des produits dérivés liés aux séries du géant américain.

Pour accompagner la distribution des abonnements, proposés aux tarifs identiques à ceux d'une souscription en passant par Netflix, Carrefour proposera une offre de fidélisation avec une réduction de 10% sur quelque 6000 références.

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Multiplication des accords

Ce mode de distribution inédit correspond au besoin de Netflix d'aller chercher de nouveaux abonnés, après une forte croissance depuis son arrivée dans l'Hexagone depuis 10 ans. En France, comme aux États-Unis, près de la moitié de la population dispose désormais de son propre compte. Un plafond de verre difficile à franchir, pour un service qui a connu sa première perte d'abonnés en 2022.

"L'idée est de rendre notre catalogue accessible au plus grand nombre" précise sobrement la plateforme à Tech&Co, rappelant au passage le goût des Français "pour les box et les bundle", en référence aux offres groupées intégrant un abonnement Netflix, au milieu d'une offre plus large.

Une situation bien différente de celle d'il y a une décennie, lorsque Netflix était principalement accessible en "OTT" ("over the top"), en tant que service à part entière, souscrit par les abonnés directement auprès de la plateforme.

Mais une fois les plus passionnés servis, Netflix a dû s'allier avec les opérateurs pour arriver sur les box, quelques années plus tard, avant de multiplier les modes de commercialisation en passant par des tiers, comme Canal+.

"Au démarrage, Netflix était un service 100% OTT. Il fallait passer directement par Netflix pour s'abonner. Depuis trois ans, la plateforme a multiplié les accords de distribution pour toucher de plus en plus de monde" explique Pascal Lechevallier, consultant chez What's Hot Media, cabinet spécialisé sur le marché du streaming, à Tech&Co.

Un milliard de dollars de recettes de publicité

L'arrivée chez Carrefour est désormais pensée pour se faire connaître auprès d'une population nouvelle, tout en jouant sur l'effet prix: malgré la mise à disposition de tous les forfaits dans l'offre de Carrefour, c'est bien la formule la moins chère, avec publicité (5,99 euros) qui est mise en avant en magasin.

Une offre qui est justement pensée pour séduire une catégorie d'abonnés qui ne souhaitent pas investir davantage dans un service de streaming (au même titre que les bénéficiaires d'un compte partagé), et qui sont disposés à accepter la publicité, de la même manière que sur des chaînes gratuites.

Pour Netflix, qui revendique déjà 23 millions d'utilisateurs mensuels à cette offre (disponible dans une poignée de pays dont la France), la baisse de prix pourrait être compensée par les recettes publicitaires, notamment grâce à sa place de leader incontesté du streaming.

"Ce marché de la publicité est entre les mains d'acteurs américains extrêmement puissants qui ont développé des outils qui permettent de monétiser très facilement leur contenu" rappelle Pascal Lechevallier.

La stratégie pourrait porter ses fruits: selon le cabinet Insider Intelligence, Netflix devrait engranger plus d'un milliard de dollars de recettes publicitaire aux États-Unis en 2024.

Coût de distribution et prix en hausse

Cette nouvelle association entre abonnements à bas prix avec publicité et distribution plus large est également au cœur de la stratégie de Disney+. Sans pour autant avoir franchi le cap de l'arrivée en supermarché, le concurrent de Netflix a opté pour des accords de distribution, afin d'être intégré à des formules "tout en un", comme pour survivre à la saturation des consommateurs.

De son côté, Apple TV+ a également intégré de la publicité à son offre, pour l'heure uniquement afin de faire la promotion de ses propres programmes. Mais comme Netflix et Disney+, Apple TV+ a été contraint de se montrer bien plus laxiste en termes de distribution, pour aller chercher des abonnés: la plateforme a ainsi "offert" l'ensemble de son catalogue aux clients Canal+ au printemps 2023.

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Pour les abonnés, ces multiples accords de distribution ont aussi un effet bien réel: un distributeur doit être rémunéré et vient donc amputer les revenus de la marque qui souhaite entrer en rayon, qu'il soit physique ou numérique.

"Pour conserver les ratios de rentabilité, il faut donc augmenter les prix" rappelle Pascal Lechevallier, toujours auprès de Tech&Co. Une stratégie qui n'est donc pas étrangère à l'inflation généralisée qui touche le marché du streaming depuis plusieurs années.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co