Non, des scientifiques n'affirment pas que les AirPods augmentent le risque de cancer

Une rumeur fondée sur un appel de 250 scientifiques concernant les ondes électromagnétiques circule régulièrement sur les réseaux sociaux. Mais elle n’a aucun lien avec les écouteurs d’Apple.

“Plus de 250 scientifiques affirment que les AirPods augmentent les risques de CANCER!”. Publié par le compte @FrenchRapUS ce 20 juillet 2023, le tweet a été vu plus de deux millions de fois, avant d'être supprimé ce 21 juillet. Une alerte également relayée par le compte CerfiaFR (665.000 abonnés), avant que le tweet ne soit lui aussi supprimé. Et pour cause, il s’agit d’une fausse information, qui revient régulièrement depuis la sortie des écouteurs sans fil de la marque en 2016.

Le tweet du compte @FrenchRapUS, qui a cumulé 2,2 millions de vues avant d'être supprimé © BFMTV

Un appel antérieur à la sortie des AirPods

Pour comprendre l’origine de cette fausse information, il faut remonter à une publication de blog du journaliste américain Markham Heid, titrée "Les AirPods et autres écouteurs Bluetooth sont-ils sans risque?". L’article date de 2019 et fait bien référence à un appel de 250 scientifiques internationaux. Sauf que le texte en question date de 2015 - avant même la sortie des AirPods - et concerne le sujet des ondes électromagnétiques dans son ensemble.

Disponible en français, le texte appelle l’ONU à mettre en place des protections contre les ondes électromagnétiques, avec plusieurs recommandations, parmi lesquelles la protection des enfants et des femmes enceintes, ou encore le bon respect de la réglementation en vigueur. Les scientifiques prônent par ailleurs la création de zones "sans aucune radiation" et des investissements dans la recherche concernant l’évaluation des risques des ondes électromagnétiques sur la santé.

"J’ai été très étonnée du regain d’intérêt pour notre pétition. Cependant, nous ne mentionnons le Bluetooth nulle part et n’avons pas de réponse précise pour un appareillage particulier" précisait Annie Sasco, médecin épidémiologiste du cancer, coordinatrice européenne de cette pétition, auprès du magazine suisse L’Illustré en 2019.

"A ce jour, il n’existe aucune étude prouvant l’impact néfaste du Bluetooth et le risque de cancer. Ce qu’il faudrait, c’est exposer des animaux à des ondes Bluetooth pour savoir quelle est l’exposition réelle du cerveau" ajoutait-elle.

Les écouteurs recommandés

Parmi les autres signataires français du texte, on trouve Dominique Belpomme, médecin récemment condamné à un an d'interdiction d'exercice de la médecine pour avoir délivré des certificats "d'électrosensibilité" à des patients. Autre signataire: Pierre Le Ruz, docteur en physiologie et figure anti-Linky (dont le niveau d’exposition aux ondes s’est par la suite montré anecdotique).

De telles craintes autour de l’exposition aux ondes électromagnétiques sont aussi vieilles que le développement de la téléphonie mobile, et ont mené à de nombreuses publications scientifiques. Et certaines sont bien fondées, du moins dans une certaine mesure. Si un usage raisonné de son smartphone ne semble pas impliquer de risque supérieur de cancer du cerveau, un usage intensif n’est pas totalement anodin: en 2013, un rapport de l’Anses évoquait un effet "possible", mais "faible" (moins de 20% de hausse de l’incidence) pour les utilisateurs "intensifs" de téléphone mobile.

Paradoxalement, l’utilisation d’écouteurs, y compris sans fil, donc de type AirPods, est l’un des meilleurs moyens de réduire drastiquement son exposition aux ondes électromagnétiques.

Début 2022, l’ANFR testait plusieurs modèles d’écouteurs, filaires et Bluetooth, démontrant que dans tous les cas, le résultat était très favorable avec une exposition divisée par dix. Un constat établi au moment même où le gouvernement a supprimé l’obligation des fabricants de smartphones à fournir de tels écouteurs.

D’autres moyens très simples existent pour réduire - gratuitement - son exposition aux ondes électromagnétiques: appeler en haut-parleur, lorsque cela est possible, ou encore passer ses appels lorsque la couverture de réseau est bonne. En revanche, l’utilisation d’accessoires tels que des patchs anti-ondes est inutile, voire contre-productive.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co