Tech&Co
Apple

Contraint à l'ouverture, Apple parvient tout de même à verrouiller les stores alternatifs

Contraint de respecter le DMA et d’accepter les stores alternatifs, Apple a néanmoins annoncé quelques mesures (contraignantes) pour les développeurs afin de protéger ses appareils.

Si Apple cède du mou d’un côté, c’est toujours pour resserrer la bride de l’autre. L’Union européenne le sait depuis le temps. Et même quand la marque californienne semble s’astreindre à respecter les règles, elle sait aussi les tourner en sa faveur.

Le Digital Markets Act va entrer en vigueur le 6 mars et avec lui, l’obligation pour Apple de lâcher du lest, de revoir ses exigences pour se plier à celles de l’UE pour pouvoir satisfaire ses utilisateurs sans trop de problèmes. Car ce que l’Europe veut, c’est casser le monopole de la marque sur son système d’exploitation iOS. Autrement dit, de laisser d’autres s’y amuser aussi comme ils l’entendent en autorisant d'autres boutiques d'application.

Si Apple a dû accepter une idée qui va à l’encontre de ses principes de système fermé, de sécurité, en somme de contrôle à tout prix, Tim Cook et les siens ont néanmoins trouvé un moyen de garder la main sur leurs appareils. Et avec un message: s’il arrive quoi que ce soit aux utilisateurs d’iPhone, ce sera de la faute des développeurs, voire de l’UE, mais Apple les aura prévenus.

L'App Store ne sera plus le seul magasin d'applications.
L'App Store ne sera plus le seul magasin d'applications. © Thom Bradley / Unsplash

La "Notarization" ou la vérification imposée hors de l'App Store

Apple a publié ce vendredi un document pour présenter son "plan d’action" en Europe, expliquer ce qui sera de son ressort et ce qui ne le sera pas dès le moment où l’on se tournera vers d’autres boutiques d’applications.

Le document énumère les habituels points sur lesquels Apple a toujours appuyé pour garder la main sur son App Store: la sécurité des utilisateurs dans leurs usages, la garantie du sérieux des apps téléchargées, la sécurisation des paiements.

Des valeurs, à lire entre les lignes du document, que l’UE veut faire voler en éclat avec son obligation de laisser entrer des personnes extérieures dans la danse "sans garantie". Alors pour ne pas laisser faire sans rien dire, Apple annonce néanmoins des exigences faites aux créateurs de stores alternatifs qui voudraient s’imposer sur ses appareils.

Craig Federighi évoquant l'App Store lors d'une conférence maison
Craig Federighi évoquant l'App Store lors d'une conférence maison © Brittany Hosea-Small / AFP

Et cela a un nom: la "Notarization", entendez par là un processus de vérification de ce qui va arriver sur ses iPhone pour garantir que tout est en règle et sans danger. En substance, cela reprend les mêmes principes exigés aux développeurs souhaitant aller sur l'App Store, mais appliqués à ceux qui passeraient par une autre boutique.

Apple va ainsi vérifier et authentifier chaque application, de manière automatique ou par le biais de personnes physiques, afin de garantir qu'aucun logiciel espion, virus ou autre malware n'arrive sur ses appareils. Le groupe californien procède déjà ainsi avec les applications externes compatibles macOS.

Ce processus consiste ainsi à vérifier les informations des développeurs, les informations demandées aux utilisateurs par l'application et si elles sont nécessaires (accès à la localisation, à la caméra, aux contacts, données collectées, etc.), et les fonctions de l'app afin de garantir qu'elle n'entraîne aucun danger pour l'utilisateur. Le tout afin d'éviter notamment, précise Apple, les "usurpations d'identité, les tentatives de rançongiciel ou bien le détournement d'informations de paiement".

"Un iPhone moins sécurisé qu'ailleurs dans le monde"

Pour éviter les pièges, Apple va mettre à disposition des propriétaires d'iPhone un document pour les sensibiliser au téléchargement hors App Store et les "éduquer sur leurs choix" avec toutes les informations sous le nez.

Et Apple précise que les applications incitant à la consommation de tabac, de drogues ou apps à caractère pornographiques, qui sont déjà écartés de l'App Store, ne pourront donc pas faire l'objet de vérification, pas plus que celles diffusant des contenus piratés. Le tout en rappelant les risques encourus pour l'intégrité des smartphones.

Les applications déjà présentes sur l'App Store seront également soumises à ce processus, mais avec moins d'entraves, puisqu'elles sont déjà vérifiées. Apple précise qu'elles seront libres de s'afficher ou non sur d'autres magasins, mais cela ne pourra pas se faire sans leur consentement. Mais en allant voir ailleurs, elles perdront certaines garanties de fait comme la sécurisation des paiements. Un message va d'ailleurs s'afficher sur les iPhone pour indiquer quand une application téléchargée sur un autre store veut vous facturer sans passer par l'App Store.

Si Apple doit renoncer à son hégémonie sur les boutiques d'applications, il ne renonce pas à protéger ses appareils, sous couvert de sécurité des utilisateurs. Et de rappeler que "les développeurs vont désormais jouer un rôle plus large dans la protection des utilisateurs". Une façon de rappeler qu'en forçant l'entreprise à lever le pied sur la sécurité, ce sont tous les usagers européens qui pourraient trinquer "avec un iPhone moins sécurisé qu'ailleurs dans le monde".

Melinda Davan-Soulas